Martin Parr, sur les terres du Brexit : “Ce ne sont pas mes photos qui sont kitsch, c’est le monde qui l’est”

A l'annonce du référendum sur le Brexit, le photographe britannique est parti à la rencontre des producteurs locaux de son pays. Fromage, porc ou rhubarbe, les labels et les savoir-faire ne manquent pas outre-Manche. Visite en images.

Par Sophie Rahal

Publié le 28 juin 2016 à 16h50

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 02h50

D'abord, le Brexit. Puis, la correction footballistique infligée par les Islandais aux Anglais en huitièmes de finale de l'Euro. Faudra-t-il bientôt, en plus, dire « goodbye » au porc d'élevage de Glou­ces­ter­shire Old Spot ? Au bœuf d'Orknet ? À la saucisse de Newmarket ? Au Buxton Blue ? Au Dovedale Cheese ? A la rhubarbe « forcée » du Yorkshire ? Au céleri de Fenland ? Au Gin de Plymouth ? A la laine Shetland ?

La liste est encore longue. On connaît mal la cuisine anglaise (mais on la raille beaucoup). Pourtant, pas moins de soixante-cinq boissons et aliments font l'objet d'une PDO (Protected designation of origin), d'une PGI (Protected geographical indication) ou d'une TSG (Traditional specialities guaranteed), équivalents de nos AOP et autres sigles un tantinet barbares issus des lois de l'Union européenne visant à promouvoir le savoir-faire local et garantir la qualité des produits. Or, le Brexit de nos voisins les « rosbifs » pourrait nous priver de ces (bonnes) choses.

Whaaaat ? Le magazine New Republic rapporte en effet que « ces labels seraient voués à disparaître, autorisant les usines du monde entier à fabriquer du Scotch whisky ou du Stilton cheese ». Exit, donc, les petits producteurs locaux attachés à leurs spécialités.

Martin Parr, témoin de toute une classe sociale 

Lorsque David Cameron a entrepris d'organiser ce référendum sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'Union européenne, le photographe britannique Martin Parr, 64 ans, a décidé de partir à la rencontre des producteurs locaux du pays, d'illustrer leur travail, et de les questionner sur l'Europe et leur sentiment d'y appartenir, ou non. Les réponses étaient loin d'être anti-Europe : « Les producteurs étaient globalement en faveur de l'Europe, même s'ils ne faisaient pas preuve d'une conviction mordante », se souvient le photographe, qui voit dans ce résultat « une affaire de classe ». « Les riches villes, comme Londres ou Bristol, ont voté pour rester dans l'UE, tandis que les communautés rurales et la classe ouvrière ont choisi le "Leave" », analyse Parr, qui s'est dit par ailleurs « très déprimé par ce résultat »

Saturés en couleurs et en humour, les clichés de Martin Parr révèlent un aspect banal du quotidien, mais lui ajoutent une touche de fun et d'irréel. « Ce ne sont pas mes photos qui sont kitsch, c'est le monde qui l'est », dit-il lui-même. Depuis l'élevage du porc de la race Gloucestershire Old Spot à la culture de la rhubarbe « forcée » qu'on enferme dans le noir pour qu'elle soit plus tendre, Parr se fait, à nouveau, un témoin privilégié et fidèle de toute une classe sociale. Alors, le Brexit ? Such a pity, vraiment.

 

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