Michel Rocard, l'homme de la deuxième gauche

VIDÉO. L'ancien Premier ministre de François Mitterrand de 1988 à 1991 est décédé à l'âge de 85 ans. Il fut l'inventeur du RMI et de la CSG.

Par (Avec AFP)

Temps de lecture : 5 min

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Il y a 15 jours, il donnait une interview-fleuve au Point . On redécouvrait son sens de l'analyse, sa grande franchise et sa connaissance de l'économie et des évolutions de notre société. Ce samedi 2 juillet, Michel Rocard, Premier ministre de François Mitterrand de mai 1988 à mai 1991, est mort à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris où il avait été admis il y a quelques jours. Son fils Francis a confirmé le décès de Michel Rocard à l'Agence France-Presse. Le président François Hollande a aussitôt salué une « grande figure de la République et de la gauche », qui incarnait « un socialisme conciliant utopie et modernité ».

Michel Rocard a vécu une longue et tumultueuse carrière politique qui l'a laissé assez loin de son rêve, l'Élysée, où ira son grand rival François Mitterrand dont il fut le Premier ministre de 1988 à 1991. Se qualifiant de « social-démocrate de dialogue », il entendait incarner une vision rénovée de la gauche, portée par une forte exigence morale, prenant en compte « les contraintes de l'économie mondialisée » sans « renoncer aux ambitions sociales ». Il fut, selon ses amis, le premier à gauche à introduire la notion de rigueur financière. Pour lui, la « deuxième gauche, qu'il inspira, devait être « décentralisatrice, régionaliste, héritière de la tradition autogestionnaire ».

Adversaire de Mitterrand

Ce porte-drapeau du « parler-vrai », auteur de nombreux essais, avait inscrit son parcours en parallèle, puis en opposition, à François Mitterrand, à tel point qu'on a parlé entre eux de « haine tranquille » : « Le mépris profond que je porte à son absence d'éthique est compatible avec l'admiration totale que j'ai pour sa puissance tactique », disait Michel Rocard. Il a été longtemps structuré par l'inébranlable conviction d'être un jour président, précisant toutefois, en 1988, qu'« il y a un doute sur le quand ». Mais François Mitterrand et ses maladresses l'en ont empêché.

L'oeil pétillant dans un visage nerveux, le débit rapide, cet homme pressé à l'allure de Tintin aimait avant tout le travail des dossiers et la négociation. C'était un formidable pédagogue, entre emphase et bonhomie, langage techno et vocabulaire relâché, qui rendait intelligents ceux qui l'écoutaient, même s'il fallait s'accrocher pour suivre ses raisonnements. Mais il ne savait pas « chauffer » le public des meetings, était mal à l'aise dans les bains de foule et les banquets politiques. Peinant à se débarrasser d'une certaine froideur, il détestait la familiarité et le clientélisme.

Homme passionné

De petite taille - moins de 1 m 70 -, ce grand fumeur de Gauloises sans filtre, amateur de ski et de voile, donnait une image de fragilité, démentie par beaucoup d'énergie et de pugnacité. S'il a failli périr en 2007 après une hémorragie cérébrale survenue en Inde, cinq ans plus tard, alors ambassadeur de la France pour les régions polaires, il était le premier octogénaire à se rendre aux deux pôles géographiques du globe. En mars 2012, victime d'un malaise à Stockholm, il avait dû être hospitalisé quelques jours le temps que les médecins suédois résorbent un caillot sur la partie droite du cerveau.

Michel Rocard était né à Courbevoie, près de Paris, le 23 août 1930. Son totem chez les scouts : « Hamster érudit », un surnom qui lui collera à la peau. ENA, Inspection des finances : le fils ne marche pas sur les traces du père scientifique qui est furieux. Ils mettront des années à se réconcilier. Sa personnalité s'est formée à partir de la rigueur paternelle, un des scientifiques à l'origine de la bombe atomique française, le protestantisme (par sa mère), le choc de la barbarie nazie (quand, scout, il accueillait les rescapés des camps), le travail à l'usine pendant deux ans : « Vous secouez tout ça et vous avez un socialiste ! »

Des idées assumées

Il a aimé être maire d'une commune de banlieue parisienne, Conflans-Sainte-Honorine, « la plus belle fonction politique » (de 1977 à 1994), s'est plu au ministère de l'Agriculture (1983-1985), mais a détesté l'Hôtel Matignon : en partant, « J'ai quitté ma femme. Peut-être aurais-je divorcé sans Matignon, mais cela a accéléré les choses, sans aucun doute ».

Hostile à la guerre d'Algérie, il dirige de 1967 à 1973 le Parti socialiste unifié (PSU), « laboratoire d'idées » pour la gauche. Il s'associe au mouvement de Mai 68, ferraille contre la tendance « dure » du PSU, parvenant à faire condamner le recours à la violence. Candidat à la présidentielle de 1969, le jeune loup recueille 3,6 % des suffrages. Il rejoint le PS en 1974, trois ans après sa fondation. « Erreur majeure ! » admettra-t-il, car les mitterrandistes lui reprocheront d'avoir « pris le train en marche ». Chouchou des sondages, il défie François Mitterrand auquel il reproche en 1978 son « archaïsme ». La guerre est déclarée. Fin 1980, il annonce sa candidature à la candidature du PS pour la présidentielle à venir, mais son intervention est ratée. Il doit s'effacer devant celui qui défend une ligne d'union de la gauche avec les communistes.

Leur concurrence sans merci aboutit à une cohabitation conflictuelle quand M. Mitterrand le nomme chef du gouvernement en mai 1988. En dépit de réussites, comme la paix en Nouvelle-Calédonie ou l'instauration d'un revenu minimum pour les personnes sans ressources, il est « viré » trois ans plus tard, selon son expression. Patron du PS en 1993, il abandonne vite la direction du parti et, après l'échec des européennes, renonce au statut de candidat « naturel » des socialistes à la présidentielle de 1995. Nouvel échec.

Critiques du PS

Par la suite, Michel Rocard est sénateur et député européen, l'Europe étant l'une de ses passions. Puis, n'hésitant pas à critiquer son propre parti et les médias, dont il dénonce le simplisme, il copréside avec Alain Juppé, ancien Premier ministre lui aussi, la Commission sur le grand emprunt, sur décision du président Nicolas Sarkozy. « Socialiste, je suis depuis toujours et socialiste je mourrai », soulignait-il toutefois.

« J'ai fait le plus passionnant des métiers », assurait ce père de quatre enfants, issus de trois mariages, de plus en plus réceptif en vieillissant aux idées écologistes, qui a su garder jusqu'au bout une immense curiosité pour la vie.

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Commentaires (37)

  • Anderssen

    Je savais bien que le PS avait deux bras gauche...

  • azimut62

    L'homme qui n'arriva pas à arracher le marxisme du PS.
    Certes, pour le plus grand bien électoral court termiste dudit partie, mais pour le plus grand malheur du pays.
    Qui y arrivera ? Pas la droite, qui prête allégeance au'boucher qui tue la bête économique pour distribuer sa viande, c'est de Victor Hugo)'.

    mal Mitterrand cet homme de droite qui a étouffé le PC mais pas la bête chez lui. Volontaire mi et politiquement, mais la bête courre.
    Pas Hollande, qui a voulu faire, comme son inspirateur, un coup à gauche coco rouge et verte pour nous faire une belle loi travail V1.
    Valls ? Macron ?
    Ça ne viendra que de la gauche, la droite étant étatiste, donc à l'aise le collectivisme producteur de loi et d'administration centrale, 'pour le bien de tous'.
    Qui va tuer la bête immonde ?

  • Bastogne

    Mais la gauche intelligente ! Oui, ça peut exister (rarement), on l'a presque oublié, tant nous en sommes loin actuellement … The Nul ne lui arrivait pas à la cheville, et Mitterrand non plus (quoique déjà moins tragiquement mauvais que The One …
    Un reproche à lui faire : il aurait dû se présenter contre Mitterrand en 88 …
    Un des seuls politiques qui m'aient été sympathiques.