Michel Rocard par lui-même

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Michel Rocard par lui-même

Michel Rocard en 1971.
Michel Rocard en 1971.
- AFP

L'ancien Premier ministre mort samedi se confiait en 2013 au micro de France Culture lors de cinq entretiens où il racontait son histoire et le sens de ses engagements politiques. Un document à écouter et redécouvrir.

Des combats contre la guerre d'Algérie à la préservation de l'Arctique, du PSU à la deuxième gauche, de l'affrontement avec François Mitterrand au Parlement européen, l'ancien Premier ministre Michel Rocard, décédé ce samedi à 85 ans, incarne une partie de l'histoire de la gauche française de l'après-guerre.

En 2013, il se racontait sur France Culture dans A voix nue. Cinq émissions pendant lesquelles il se confiait au micro de Jean-Michel Djian et que nous vous proposons de retrouver ici.

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L'affranchissement paternel

Michel Rocard, "A voix nue" épisode 1: l'affranchissement paternel

28 min

Michel Rocard parle de son père, Yves Rocard, résistant gaulliste et grand physicien, et de la manière dont il a dû s'émanciper de cette présence intellectuelle influente.

Aux yeux de mon père, Polytechnique était le moins qu'on pouvait faire. Je suis inscrit en classe de mathématiques supérieures, tout ça dans l'idée qu'il fallait bien que je finisse à Polytechnique ou à Normale. (...) Je me suis bien gardé de négocier avec mon père, il n'en était pas question. J'ai profité d'un moment où il était aux États-Unis, et je suis allé m'inscrire à Sciences Po.

Au retour: "T'es un con. De toutes façons le monde ne change qu'avec ceux qui le créent, les scientifiques, tous les autres n'ont jamais su que baratiner (...) c'est ce que tu vas faire. Puisque tu renonces à servir à quelque chose, je te coupe les vivres."

Le père de Michel Rocard l'envoie alors travailler comme tourneur-fraiseur dans les laboratoires de l’École normale supérieure.

J'avais un contremaitre qui m'avait pris en charge, de culture trotskiste, il s'était engagé dans les Brigades internationales pendant la guerre d'Espagne, avait été communiste ne l'était plus, c'était un militant ouvrier étonnant [et il] tient une place importante dans le fait que je suis devenu socialiste dans les années 47/48 dans les sous-sols de l'ENS.

Michel Rocard pendant la campagne présidentielle en 1969.
Michel Rocard pendant la campagne présidentielle en 1969.
- AFP

Les racines de l'engagement

Michel Rocard, "A voix nue" épisode 2: les racines de l'engagement.

28 min

Michel Rocard revient sur ce qui constitue l'essence de son engagement politique, décrit son rapport à la guerre et le militantisme européen qui en découlera.

"Au milieu de la guerre d'Indochine, suite à la découverte que la politique peut produire Hitler quand on s'en occupe mal ou pas, j'ai eu l'envie d'en faire. Mon entrée en politique se fait à propos d'Europe. On en parle beaucoup entre copains. L'un d'entre eux monte une conférence pour des gens généreux qui veulent faire l'Europe. Ça va s'appeler "L'assemblée des peuples d'Europe". Elle se tient en 1947 et se déroule à Strasbourg. Un foutoir ! Mais tout de suite fournisseur d'une leçon que je n'ai jamais oubliée : il n'y a pas de démocratie sans partis politiques, sans rassemblement d'individus qui se chargent de sélectionner les candidats au suffrage universel, et d'obtenir des décisions réalistes et sérieuses."

Michel Rocard au défilé du 1er mai 1971.
Michel Rocard au défilé du 1er mai 1971.
- AFP

Le temps politique

Michel Rocard, "A voix nue" épisode 3: le temps politique

28 min

Michel Rocard confie sa conception du pouvoir et de l'art de gouverner, en évoquant notamment Freud ou les pharaons. Quand "nous sommes soumis à une exigence de court terme partout."

"L'art de gouverner, ce n'est pas l'art du peintre, du sculpteur ou de l'écrivain, ni celui du chercheur scientifique. C'est l'art de faire vivre ensemble des gens, des structures qui n'ont pas de prédispositions naturelles, et dont la logique instantanée est toujours de défendre leur autonomie, leur territoire, contre l'empiètement des autres."

"Depuis la création de la radio et de la télévision, on pense plus court. L'art de gouverner exige de penser à long terme. Et d'ailleurs, on attend des gouvernements de trouver des solutions stables."

"Dès que l'on se lance dans le pourquoi, on va tomber dans l'ennuyeux, le moins significatif et dans l'explicatif. Cela va faire zapper et le pourquoi va tomber !"

"Nous sommes soumis à une exigence de court terme partout. Et l'une des principales conséquences du point de vue de la gouvernance, c'est ce que l'on appelle l'effet d'annonce. A tout drame, il faut une réponse, qui ne peut être qu'immédiate et dont on a besoin qu'elle se voit."

Michel Rocard avec François Mitterrand, le 1er mai 1990.
Michel Rocard avec François Mitterrand, le 1er mai 1990.
- Daniel Janin. AFP

Gouverner avec Mitterrand

Michel Rocard, "A voix nue" épisode 4: gouverner avec Mitterrand

28 min

L'ancien Premier ministre de François Mitterrand revient sur la période de "cohabitation" avec son meilleur ennemi: sa période à Matignon entre 1988 et 1991 sera l'occasion d'éprouver chaque jour la différence de style et de pratique politique entre les deux hommes.

" François Mitterrand craint beaucoup l’accélération de l’Histoire. Il trouve que ce qui se fait vite, produit des déséquilibres et que le déséquilibre est le synonyme de danger en politique. Il craint beaucoup l’instabilité. "

" François Mitterrand était un peu de le genre d’homme avec qui la formation de désaccord confinait au crime de lèse majesté. Ma survie de Premier ministre dépendait de sa seule décision. Or, j’avais quantité de choses commencées que je voulais continuer. Il faut du temps pour l’efficacité de l’art de gouverner. J’ai préservé mon temps beaucoup. J’ai même eu l’accusation de l’avoir trop fait. "

" Ma mise à l’écart de la politique étrangère est constitutionnelle et mitterrandienne. "

Michel Rocard en 2004.
Michel Rocard en 2004.
- Anne-Christine Poujoulat. AFP

L'identité de la gauche

Michel Rocard, "A voix nue" épisode 5: l'identité de la gauche

28 min

Michel Rocard détaille les mécanismes et histoires des différentes gauches. Lui qui s'affirme dans cet entretien comme "un socialiste suédois égaré en France depuis 50 ans".

"C'est une dérive de conversation qui fait que le nom de deuxième gauche, inventé pour la CFDT, nous a été appliqué par une facilité journalistique. On a toujours pas accepté, surtout pas les officiels, surtout pas François Mitterrand, surtout pas Guy Mollet, surtout pas Gaston Defferre, de nous reconnaître pour ce que nous sommes : l'embryon en France d'une sociale démocratie vraie, qui n'existe pas."

"Je me considère comme un socialiste suédois égaré en France depuis 50 ans. Voilà ce que je suis intellectuellement."

"J'ai beaucoup d'estime et d'amitié pour François Hollande, d'abord parce que c'est un homme loyal, c'est un homme droit, et c'est un homme intègre. Et cela fait du bien en politique quand même. Il n'est pas très compétent en économie, mais c'est le droit de tout le monde."

Références