Bretagne. Le bistrot est mort, vive le bistrot !

Par Vincent Lastennet et Didier Déniel

Le nombre de débits de boisson a été divisé par deux en Bretagne entre 1987 et 2014. Crise économique, durcissement de la réglementation sur la consommation d'alcool, interdiction du tabac... Les causes sont multiples. Mais pas définitives. Depuis quelques années, les créations repartent à la hausse et un constat s'impose : le bistrot doit se réinventer ou disparaître.

Bretagne. Le bistrot est mort, vive le bistrot !

Il y en avait 500.000 en 1900, 200.000 en 1960. 45.000 en 2004... et moins de 40.000 en 2014. Les établissements ayant pour activité principale le débit de boisson, autrement dit les bars et les cafés au sens stricte du terme, sont de moins en moins nombreux en France.
La Bretagne est particulièrement concernée par le phénomène. En 1987, la région comptait près de 7.000 bars et cafés. L’Insee en recensait moins de 3.500 en 2014. 50 % de baisse. Mais pas forcément de disparition. Certains établissement ont pu basculer sur la période une partie importante de leur activité, en restauration par exemple, et sont donc sortis de la classification de l'Insee.


Dix fois moins de cafés-concerts

"Mais la tendance est réelle", reconnaît Laurent Lutse, responsable des bars, cafés et discothèque de l’UMIH, qui ajoute un exemple propre à notre région. « Traditionnellement, la Bretagne est une terre de café-concerts. Ce qui n’est pas le cas ailleurs. Il y en avait 500, il y a 20 ans. On n’en compte plus qu’une cinquantaine aujourd’hui ». Que s’est-il passé ? Les causes sont multiples. Nous avons posé la question sur les raisons de cette diminution impressionnante du nombre de bistrots à nos internautes. Le durcissement de la réglementation sur la consommation d’alcool et la peur du gendarme arrivent en tête, devant l’augmentation des prix et le développement d’une tendance au « Mieux chez soi », autrement dit au « cocooning ». L’interdiction du tabac arrive en dernière position avec simplement 5 % des suffrages.


"Le bistrot en formica, c'est fini"

Laurent Lutse  s’attarde également sur la concurrence de la grande distribution et les progrès réalisés par les fabricants. « Aujourd’hui, tout le monde peut se faire un bon expresso à la maison ou s’offrir un mini-fût de bière de qualité pour pas très cher, constate-t-il. C’est comme le jambon-beurre : il est né dans les cafés, avant d’être repris et amélioré par les chaînes de restauration rapide ». Le Briochin sort une autre statistique intéressante de derrière le bar : "En 1960, plus de 50 % de l'alcool était vendu dans les débits de boisson. Ce chiffre est aujourd'hui passé sous la barre des 10 %".

Le café d’antan a perdu tour à tour les attraits qui l’ont rendu populaire pendant de nombreuses années. Résultat : « Le bistrot en formica, avec une table et deux chaises au fond de la cour, c’est fini. Il faut que le café se réinvente ! », assure Laurent Lutse, plutôt confiant en l’avenir. Car depuis quelques années, le secteur retrouve une certaine vivacité.

Redevenir "le parlement du peuple"

"Nous venons juste d'actualiser notre étude sur ce marché. Je vous la transmets", nous répond aimablement Elizabeth Vinay, de l'Agence France Entrepreneur, qui accompagne les créateurs d'entreprise. Dès les premières lignes, la tendance se confirme sous la forme d'un historique des établissements fondés : 2.091 en 2013, 3.118 en 2014 et 3.704 en 2015. On parle ici de débits de boissons, de cafés ou de bars à thème. Suivent des conseils, les mêmes que ceux prodigués par Laurent Lutse, et un constat, toujours identique : oui, le café pur jus ne semble plus viable. L'AFE dresse une liste de concepts à la mode et qui fonctionnent allant des bars à oxygène aux établissements de rue en passant par la tendance développement durable ou les cafés labellisés "bistrots de pays". Laurent Lutse évoque également le "bistrot faitout", alliant débit de boisson, épicerie, poste, tricot ou encore librairie, qu'il entrevoit comme une solution intéressante pour les jeunes qui veulent se lancer en milieu rural. Et selon lui, il y en a !

Dernière motif d'espoir pour le secteur : "80 % des Français tiennent à leur bistrot", affirme Laurent Lutse en se basant sur une récente étude réalisée par un grand brasseur. Reste à redynamiser la branche. "Le café a longtemps été le parlement du peuple. Ce n'est plus cas. Il faut faire en sorte qu'il le redevienne !".
 

 

155.000
C'est le montant moyen d'un fonds de commerce de débits de boisson selon le baromètre du Bodacc (bulletin officiel des annonces civiles et commerciales). "Il faut compter beaucoup plus à Paris où les prix flambent  : le fonds de commerce d’un bar est estimé à 300.000 € à Paris", précise l'Agence France Entrepeneur dans sa dernière étude.

 

De 1.500 à 10.000 euros la licence IV

La réglementation sur les licences de débits de boisson est extrêmement encadrée. La création de nouvelles licences IV,  qui donnent la possibilité de vendre, outre la bière et le vin des boissons alcoolisées fortes (rhum, whisky, liqueur anisée…) est strictement interdite. Une seule solution pour l’exploitant d’un nouveau café, se procurer une licence qui n’est plus exploitée, mise en vente sur le marché. Ensuite il devra suivre une formation spécifique d’une vingtaine d’heures auprès d’un organisme agréé par l’État.

 
Depuis le premier janvier, ces licences sont cessibles au niveau de la région et non plus du département comme c’était le cas avant. Mais attention, un maire peut très bien s’opposer au transfert d’une licence s’il est avéré que c’est la dernière de sa commune.

"En Bretagne une licence IV se négocie entre 1.500 à 10.000­ €, explique Rémi Dudreuil du cabinet Licences4.fr spécialisé dans la vente de licences au niveau national et situé près de Bordeaux. Dans le sud de la France, je pense en particulier à Cannes, à la Corse ou à Montpellier on peut monter jusqu’à 40.000 €. C’est selon l’offre et la demande. En région parisienne aussi les licences sont beaucoup plus chères".

Valable cinq ans

L’extension de la cession au niveau de la région a fait que des licences créées en Aveyron ou en Lozère peuvent être aujourd’hui exploitées dans les stations balnéaires de l’Hérault. "Ces mouvements ont eu des incidences sur les prix. C’était à prévoir". En Bretagne on n’a pas connu ce phénomène.

Sur la France entière, le cabinet Licences4 propose plus de 4.600 licences. Dont 65 dans le Morbihan, 56 dans les Côtes d’Armor, 48 en Ille-et-Vilaine et 41 dans le Finistère.

Combien de temps restent-elles valables? "Cinq ans si elles ne sont pas exploitées. Au-delà de cette limite elles s’éteignent", répond Rémi Dudrueil. Même si on ouvre un jour par an? "C’est faux. Ça ne suffit pas. Il faut impérativement qu’il s’agisse d’une ouverture effective déclarée auprès du greffe du tribunal de commerce".

 

Méthodologie
Pour réaliser ce dossier, nous avons  bénéficié de l'aide l'Insee qui nous a fourni un fichier complet contenant le nombre de débits de boisson par commune en Bretagne de 1987 à 2014, en tenant compte des changements de classification survenus sur la période ainsi que des rapprochements de collectivités.

Sources
- Insee
- Umih
- AFE
- Licences4.fr

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