Le talent radical du photographe Ralph Gibson expliqué en quatre images

Actuellement exposé à Paris, l'Américain revient sur sa science du cadrage et sa passion du nu au travers de quelques photos emblématiques de son travail.

Par Frédérique Chapuis

Publié le 22 juin 2016 à 09h30

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 02h48

Né à Los Angeles le 16 janvier 1939, Ralph Gibson, est l’une des figures marquantes de la photographie contemporaine américaine. Outre sa féroce indépendance, qui l' a poussé à ne jamais faire de compromis avec son « rêve de photographie », il reste un auteur unique, devenu emblématique avec ses cadrages serrés et ses lumières à la précision redoutable.
Sa nouvelle série d’images en couleur (d’un usage rare chez lui), actuellement exposée dans une jeune galerie parisienne, flirte toujours entre le réalisme et l’abstraction. Celui qui n’a jamais cessé de « penser » la photographie revient sur sa carrière. au travers de 4 images emblématiques de son travail.

La seule photo horizontale

« Ce portrait de Mary Ellen Mark date de 1967. J’avais 27 ans. Nous avons eu une grande histoire. Elle était si belle ! (Elle est décédée le 25 mai 2015. À cette époque je vivais au Chelsea Hôtel et j’étais l’assistant de Robert Franck. Je passais mes nuits à lire Borgès ou à écouter Schönberg. J’aimais des choses très abstraites comme ça. Ma seule certitude, c'était que je ne voulais pas faire de photographie commerciale. Cette photo possède une valeur particulière, car j'ai pris très peu d’image horizontale. C’est un format qui suggère la narration, idéal pour le cinéma, la télévision, l’ordinateur ; je préfère le vertical en photo, qui est plus dramatique. »

Ralph Gibson, Mary-Ellen-Mark, 1967

Ralph Gibson, Mary-Ellen-Mark, 1967 © Ralph Gibson

Le style Gibson

«Trois ans plus tard, en 1970, paraît mon livre «The Somnambulist», et, tout change pour moi. Je suis reconnu comme un auteur. C’est le point de départ de ma photographie. Dorénavant je me demanderai pour chaque projet : « Ce que tu fais là, est ce que ça fait partie de ton rêve, ou pas ? »
Un jour, à Arles j’ai voulu rendre hommage aux lumières zénithales de Vincent Van Gogh. Le lendemain à midi, je suis sorti faire une photo en pensant au peintre. Plus tard j’ai réalisé que j’avais placé mon appareil à un mètre de mon sujet. Je me servirai de ce point de vue pendant longtemps. Comme ici. C’était à New York, dans la rue, j’ai simplement dit: « Pardon mon père puis-je vous photographier ? » Pendant très longtemps quand on me demandait quelle était ma photo préférée, je montrais celle-ci: minimale, exigeante, géométrique et en même temps c’est une image qui garde un contenu social.»

Ralph Gibson, Priest, 1975

Ralph Gibson, Priest, 1975 © Ralph Gibson

La passion du nu

«Mon premier nu date de 1961. J’en ait fait tout au long de ma carrière. Dans les stages que je dirige à travers le monde, je choisi un seul sujet : le nu, pour unifier le groupe. Je crois que si vous savez photographier un nu, ou de l’architecture, vous pouvez photographier n’importe quel sujet. C’est un bon exercice visuel. L’idée d’être proche du sujet, c’est un procédé qui me permet de soustraire des informations dont je ne veux pas dans mon cadre. Ici, par exemple on ne sait pas ce qui produit ces ombres...  Avec le temps je deviens de plus en plus formaliste, je n’ai aucun message à faire passer dans ma photographie.»

Ralph Gibson, Untitled, 2009

Ralph Gibson, Untitled, 2009 © Ralph Gibson

La couleur et l'abstraction

«Les dernières photographies présentées aujourd’hui ont été faite en numérique. De la prise de vue à un mètre de mon sujet, je suis passé au téléobjectif. Mais l’ambiguïté spaciale est toujours là. Et si le rendu est plus « texture», c’est que désormais la palette du monde a été totalement bouleversée avec Photoshop. Ce cactus est 100% visuel on a pas besoin d’explication devant cette image. C’est l’abstrait des choses qui m’intéresse, pas l’abstraction. Je le faisais remarquer à ma femme dans l’avion : les nuages sont toujours flous.»   

Ralph Gibson, Cactus Cloud, 2016

Ralph Gibson, Cactus Cloud, 2016 © Ralph Gibson

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