
A l’ouverture du procès de Serge Dassault, ses avocats ont soulevé lundi 4 juillet plusieurs questions de procédure, susceptibles d’entraîner un report du procès du sénateur (LR) de 91 ans. Le tribunal correctionnel de Paris y répondra mercredi matin. Serge Dassault n’était pas présent à l’audience lundi.
L’industriel et sénateur est jugé pour blanchiment de fraude fiscale. La justice le soupçonne d’avoir dissimulé des dizaines de millions d’euros aux îles Vierges, au Luxembourg et au Liechtenstein. Il s’agit du premier procès du sénateur (Les Républicains), âgé de 91 ans. Il doit se tenir jusqu’à jeudi.
Deux QPC déposées
Premier à prendre la parole pour M. Dassault, Me François Artuphel a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur le blanchiment de fraude fiscale. « On ne peut pas être poursuivi pour blanchiment si la fraude fiscale, en amont, n’est pas démontrée », a-t-il plaidé.
Me Jacqueline Laffont a quant à elle soulevé une autre QPC, portant cette fois sur le régime des perquisitions dans les études notariales. Le notaire historique de Serge Dassault avait été perquisitionné en février 2015 dans le cadre de cette enquête.
Se pose selon Me Laffont la question de savoir s’il est conforme à la Constitution de procéder à de telles perquisitions sans la « présence active » d’un représentant de la profession et en l’absence de recours effectif.
Réduire les délais
Ancien PDG d’un fleuron de l’aéronautique française, l’ex-maire de Corbeil-Essonnes fait l’objet d’une citation directe du parquet national financier (PNF) devant la 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris, à l’issue d’une enquête sur son patrimoine ouverte en novembre 2014. Une période de moins de deux ans entre le début de l’enquête et le procès, qui illustre la volonté du PNF de réduire les délais autant que possible.
En cause, quatre comptes de fondations et sociétés, aux îles Vierges britanniques, au Luxembourg et au Liechtenstein, qui ont abrité jusqu’à 31 millions d’euros. Selon une source proche de l’enquête, M. Dassault a depuis régularisé sa situation, tant auprès de l’administration fiscale que de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).
Il est également jugé pour omission de déclaration à cette instance, qui est chargée de vérifier les situations patrimoniales des élus. Elle avait émis un « doute sérieux » sur « l’exhaustivité, l’exactitude et la sincérité » de ses déclarations, le soupçonnant d’avoir omis de déclarer des avoirs détenus à l’étranger.
« Cagnottes luxembourgeoises »
L’existence de « cagnottes » au Luxembourg et au Liechtenstein avait déjà été évoquée dans le cadre de l’enquête sur un système présumé d’achats de voix lors des campagnes municipales de Corbeil-Essonnes (Essonne) en 2009 et 2010. Une enquête dans laquelle Serge Dassault est mis en examen avec sept autres personnes, dont l’actuel maire, Jean-Pierre Bechter (Les Républicains).
L’une des personnes poursuivies, Gérard Limat, avait livré un témoignage clé en octobre 2014. « Grand ami » de la famille, il avait confié avoir utilisé deux comptes au Luxembourg, appartenant en réalité au sénateur, pour distribuer jusqu’en 2010 des fonds à des intermédiaires dans le cadre des campagnes à Corbeil.
Les investigations ont notamment montré que près de 4 millions d’euros avaient été transférés à partir de ces comptes à « des œuvres prétendument caritatives en Algérie et en Tunisie, sur la période 2009 et 2010 », selon une source proche de l’enquête. « Ce n’est pas mon argent qui a transité dessus (…) Tous ces bénéficiaires m’ont été indiqués par Serge Dassault », avait confié M. Limat aux enquêteurs, d’après cette source.
Gérard Limat avait aussi confié avoir pris l’habitude de transférer de l’argent à partir « des cagnottes » luxembourgeoises à une société financière suisse, qui lui amenait ensuite les fonds en espèces à Paris pour qu’il les remette à Serge Dassault.
Système d’achat de voix
Dans l’enquête menée par les juges d’instruction, plusieurs témoignages accréditent un système d’achat de voix. Les magistrats ont aussi saisi à la résidence et QG politique de Serge Dassault des listes d’électeurs avec les mentions « payé » et « non payé » et des annotations (« permis de conduire », « soutien sortie détention »…), formules tendant à accréditer cette pratique frauduleuse.
L’industriel est mis en examen pour achat de votes, complicité de financement illicite de campagne et financement en dépassement du plafond autorisé. Il ne nie pas les dons, mais conteste toute corruption et tout lien avec les élections. L’affaire en toujours en cours d’instruction.
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