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Le long cheminement vers la démocratie participative

Les sociétés ne peuvent plus continuer à s’appuyer sur un homme providentiel. A l’heure du numérique, il est possible de créer des débats structurés à large échelle.

Par Gilles Babinet (entrepreneur, chroniqueur aux « Echos »)

Publié le 4 juil. 2016 à 03:00

Ce n’est pas en début de mandat qu’une démocratie du XXIe siècle devrait faire les réformes mais plutôt à la fin, après la tenue d’un débat national. Tous les candidats à la présidentielle évoquent d’une manière ou d’une autre la nécessité d’un grand soir politique : une réforme faite presque immédiatement après la prise de pouvoir, tandis que dure encore cet état de grâce que l’on sait de plus en plus éphémère.

L’histoire de France, rythmée par l’apparition d’hommes providentiels aux talents quasi thaumaturgiques – Charlemagne, Louis XIV, Napoléon, Clemenceau, De Gaulle, pour ne citer qu’eux –, justifierait cette pratique martiale : incarner un leader, dont l’autorité serait incontestable. Ce pli se retrouve presque partout, tout en haut de l’Etat, mais également dans l’ensemble de son appareil, et finalement au sein du modèle de management des entreprises, peut-être dans la façon d’affirmer l’autorité familiale également.

Leaders du passé

En réalité, les sociétés qui continuent à favoriser ces formes de leadership éclairé le paieront tôt ou tard ; elles démontrent le peu de foi qu’elles ont en elles-mêmes et dans le processus de confrontation dialectique propre à la démocratie, au dialogue. Elles démontrent une profonde absence de volonté de vivre ensemble : un camp doit gagner et l’emporter sur l’autre, et le dialogue n’y changera rien.

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L’esprit du temps s’inscrit pourtant de plus en plus à rebours de cette idée. Au sein d’un monde dont la complexité et la pluridisciplinarité deviennent des caractéristiques fortes, au sein d’une humanité interconnectée où « la seule autorité possible est fondée sur la compétence », comme le fait observer Michel Serres, le leader éclairé et autoritaire n’a plus sa place. Le monde est redevenu plat : c’est le champ dans lequel la capacité associative d’un lycéen de 17 ans peut aboutir à un projet international visant à .

Le collectif au service du consensus

C’est l’univers où la multitude a conçu une encyclopédie – Wikipedia – qui, si on l’imprimait, ferait 150 mètres de haut et dont les travaux ont prouvé qu’elle contenait moins de fautes que la plupart des encyclopédies savantes. Or cette multitude peut être mise en œuvre au sein même du débat démocratique. Innombrables désormais sont les expériences de démocratie participative comme moyen de création de consensus efficace. Songeons à la loi Axelle Lemaire en France en cours de vote au Parlement. 20.000 contributeurs se sont exprimés via une plate-forme électronique et ont finalement profondément remodelé le texte initial.

Il en résulte un texte unanimement reconnu comme équilibré et qui ne connaît aucun opposant sérieux. Observons, par exemple, qu’au Royaume-Uni la loi sur le mariage homosexuel a connu un parcours incomparablement moins douloureux qu’en France, principalement parce que l’on a eu le courage d’en faire un large débat national, initié des années avant le vote effectif.

Le débat avant les réformes

A l’ère de la révolution numérique, à un instant où il est possible de créer des débats structurés à une large échelle, il nous faut faire le pari de l’intelligence, car c’est le seul pari possible au sein d’un monde complexe. Le corps politique doit apprendre à accompagner l’esprit des lois plutôt qu’à l’imposer, ou courir le risque de la perte totale de légitimité que l’on sait. En réalité, ce ne devrait pas être lorsqu’ils arrivent au pouvoir que les acteurs politiques devraient engager les réformes, mais lorsqu’ils le quittent. C’est d’ailleurs ainsi dans nombre de pays scandinaves, en Suisse et dans une certaine mesure en Autriche : le débat passe avant tout.

La France, si elle prenait ce chemin en inscrivant, comme le suggère Matthias Fekl, la participation comme principe fondateur dans la Constitution, se réinscrirait au cœur de la modernité. Elle pourrait plus sûrement se projeter dans le futur et libérer son potentiel trop longtemps contraint, du fait même d’une unité retrouvée.

Gilles Babinet est entrepreneur et « digital champion ». A ce titre, il représente la France pour le numérique auprès de la Commission européenne.

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