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    Tensions autour d'une école de Montreuil accusée de «couvrir des pédophiles»

    Une enquête a été ouverte après des accusations d'agression sexuelle sur un enfant de 4 ans dans une école de Montreuil. D'après nos informations, les enquêteurs ont conclu qu'il n'avait pas été abusé par un adulte.

    «Fermez Jules Ferry», «Fermez cette école de pédophiles»... Lundi après-midi à Montreuil (93), l'ambiance est tendue aux abords de l'école maternelle Jules Ferry. Des dizaines de personnes se sont rassemblées pour prévenir les parents d'élèves que le centre de loisirs du quartier «couvre des pédophiles».

    Depuis plusieurs jours, les parents de Cais M., un enfant de quatre ans scolarisé dans cet établissement, accusent l'école et la mairie de la ville de cacher la vérité sur ce qui est arrivé à leur fils aux alentours du 21 juin dernier.

    D'après le père de l'enfant, Stéphane, rencontré par BuzzFeed News lors du rassemblement, Cais n'a cessé de se plaindre de douleurs au niveau des fesses. «Ma femme m'a prévenu le 22 juin que notre fils avait été abusé. Je suis rentré et on a immédiatement discuté avec lui pour savoir ce qu'il s'était passé», raconte Stéphane. Les faits se seraient produits entre 16h et 18h lorsqu'il était au centre aéré de l'école, géré par la municipalité.

    «Il nous a dit qu'il avait été seul dans une pièce et que trois enfants avaient rentré un jouet dans ses fesses. Il a dit qu'il a eu plusieurs pénétrations en faisant le signe de 4 avec ses doigts et des claques sur les fesses.»

    Stéphane ajoute être «persuadé que des animateurs étaient aussi présents» et que l'école «chercherait à couvrir tout ça». «Nous avons un nom d'une personne de l'équipe des animateurs, mais nous attendons l'issue de l'enquête pour le dévoiler.»

    Une fissure anale découverte par les médecins

    Après les révélations de Cais, ses parents l'emmènent à l'hôpital Robert-Debré où les médecins décèlent une fissure anale et «écartent la constipation». La mère de Cais montre également d'anciens slips de l'enfant «avec des traces blanches suspectes», selon Stéphane. La brigade des mineurs est alertée.

    Les parents se rendent le jeudi 23 juin au commissariat de Montreuil, puis à la brigade des mineurs le lendemain où tout le monde (l'enfant compris) est auditionné. Une plainte contre X est aussi déposée. Après ces démarches judiciaires, les parents de Cais se rendent plusieurs fois à l'école pour demander des explications et «comprendre pourquoi aucune mesure n'est prise préventivement contre les animateurs».

    Vendredi 24 juin, l'unité médico-légale de l'hôpital Jean-Verdier à Bondy examine à nouveau l'enfant et pratique plusieurs analyses pour vérifier notamment si Cais a attrapé une maladie sexuellement transmissible (MST). Contrairement aux diagnostics établis précédemment, l'unité estime que la fissure anale pourrait avoir été causée par l'introduction d'un jouet ou par une constipation.

    «Les médecins de l'hôpital étaient très désagréables avec nous. La discussion s'est envenimée ensuite et ils ont appelé la sécurité pour que nous partions», raconte Stéphane.

    La mairie met en cause les soutiens de la famille

    Stéphane a expliqué à BuzzFeed être membre du groupe M-UDC, un mouvement panafricain qui lutte notamment contre «la suprématie et l'infériorité raciale». Il s'est tourné vers ce mouvement pour trouver du soutien. Accompagnés de militants de l'UDC, les parents retournent à l'école où les discussions sont houleuses jusqu'à l'arrivée de la police. Le maire Patrice Bessac (PCF) finit par intervenir lors d'une réunion informelle où il aurait accusé la famille d'appartenir à «un groupuscule raciste anti-blancs».

    L'édile de la ville, qui n'a pas souhaité répondre à nos sollicitations, décide de recevoir les parents de Cais à la mairie vendredi, avant d'abréger cette rencontre après des échanges virulents. Enfin, la famille décide de poster plusieurs vidéos pour détailler sa version sur la page de l'UDC, dont une visionnée près de 400.000 fois.

    «Depuis le début de cette affaire, ni la mairie ni l'école n'ont voulu nous soutenir. Le maire a même annoncé dans une réunion à laquelle nous n'étions pas conviés que les faits révélés par mon fils n'étaient pas avérés. Comment le sait-il alors que les analyses ADN et celles pour rechercher des MST sont toujours en cours?» s'interroge Stéphane. Une pétition a par ailleurs été lancée en soutien à la famille, pour «alerter la presse et l'opinion publique afin d'éviter que l'affaire ne soit enterrée».

    Sur les réseaux sociaux, le hashtag #JusticePourCais a émergé pour soutenir la famille. Il a été tweeté plus de 30.000 fois en 24 heures, et employé par plusieurs milliers de personnes sur Facebook. Ce hashtag a également été employé et retweeté par des personnes anglophones.

    «Il n'y a pas d'agresseur», selon les enquêteurs

    Contacté par BuzzFeed News, le parquet livre quelques détails, mais précise vouloir d'abord annoncer les conclusions de l'enquête aux parents de Cais:

    «Une enquête diligentée par la sûreté territoriale et maintenant terminée a été transmise au parquet pour étude, afin qu’elle soit appréciée sur le fond.»

    D'après nos informations, que le parquet n'a pas souhaité confirmer, l'affaire a été classée sans suite par le procureur de Bobigny. Personne n'a été placé en garde à vue.

    Également sollicitée, une source policière qui souhaite rester anonyme explique que les analyses montrent que l'enfant n'a contracté aucune MST. Il ajoute que lors des différentes auditions, Cais a affirmé «en donnant des noms» que ce sont trois enfants qui lui avaient «rentré un jouet dans les fesses»:

    «Il n'a jamais évoqué d'adulte. En réalité, il n'y a pas d'agresseur. D'après l'enquête, la fissure anale s'explique par ces "jeux" entre enfants de trois ans que nous n'allons pas poursuivre, ou par une constipation.»

    D'après le rapport médical de l'hôpital Trousseau que nous avons pu consulter, Cais disait en effet avoir été agressé par des enfants et n'évoquait pas d'adulte. Jointe ce mardi pour savoir pourquoi des animateurs de l'école étaient mis en cause, la famille n'a pas donné suite à nos appels.

    Plusieurs plaintes pour diffamation déposées

    La mobilisation à Montreuil, qui est de plus en plus importante depuis fin juin, ne semble pas faiblir. Plusieurs associations étaient ainsi présentes lundi lors du rassemblement devant l'école. En plus du mouvement M-UDC ou de la brigade anti-négrophobie, des membres de l'association controversée Wanted Pedo étaient également venus soutenir les parents de Cais.

    Wanted Pedo, qui dit «lutter contre la pédophilie», fait aussi partie des «révisionnistes» d’Outreau, dénonce la soi-disant «théorie du genre» et entretient quelques liens avec le mouvement d'Alain Soral. L’association, que ne semblait pas connaître la famille de Cais, a également été pointée du doigt par le site Debunkers de Hoax pour avoir diffusé de fausses informations.

    «Depuis une semaine, c'est un enfer pour tout le monde», nous a dit un représentant de parents d'élèves. «La famille et de nombreux militants organisent des manifestations devant l'école pour accuser la ville de couvrir des pédophiles. Les animateurs mis en cause n'osent même plus sortir, ils sont à bout.» Dans un communiqué publié le 1er juillet, la FCPE affirme:

    «Vendredi dernier en fin d’après-midi, un groupe d’hommes a investi les locaux où les enfants de deux classes présentaient leurs œuvres réalisées durant l’année. Ces hommes ont proféré des accusations sans preuves —pédophilie, racisme– devant les élèves et les parents atterrés».

    Après les différents événements de ces derniers jours, la directrice de l'école Jules Ferry a porté plainte pour diffamation. Des parents d'élèves ont également intenté une action en justice contre l'UDC «car les vidéos qu’ils ont tournées devant l’école montrent des familles et leurs enfants, sans leurs autorisations».

    Alors que l'école maternelle doit rester ouverte ce mois de juillet pour accueillir les animations du centre aéré, des effectifs policiers sont mobilisés en cas de nouvelles manifestations. Un accompagnement psychologique est également proposé aux familles qui le souhaitent.

    Mise à jour

    Ajout de l'apparition du hashtag #JusticepourCais