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BRESIL

Un ado noir abattu dans une favela de Rio : la police à nouveau pointée du doigt

Capture d'écran de la vidéo de notre Observateur, après le décès de l'adolescent.
Capture d'écran de la vidéo de notre Observateur, après le décès de l'adolescent.
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À moins d’un mois du lancement des Jeux olympiques, la tension monte dans les favelas de Rio de Janeiro. La mort d’un adolescent noir de 16 ans dans l’un des quartiers nord de la ville, jeudi 30 juin, a suscité la colère des habitants qui accusent la police. Des manifestations ont dénoncé les bavures policières dans les favelas, notamment à l’encontre des jeunes Noirs.

Selon les témoignages de plusieurs habitants du quartier relayés par la presse brésilienne, Jhonata Dalber Mattos Alves, faisait des courses pour sa famille quand un policier l’a abattu d’une balle dans la tête, confondant le sac de pop-corn qu’il tenait dans les mains avec de la drogue ou une arme. Une version très vite démentie par la police, qui explique que le jeune homme est décédé à la suite d'un échange de tirs entre plusieurs bandits et des policiers, sans préciser qui lui avait tiré dessus.

Chargée de l’enquête, la Division des homicides (DH), organe de la police d'État chargé des affaires de meurtres, a affirmé ne pas voir retrouvé d’armes pouvant appartenir au jeune garçon ou à un autre tireur sur place. Par ailleurs, aucun des bandits qui auraient été impliqués dans la prétendue fusillade n’a été arrêté, ni identifié. Selon le responsable de la DH, Fabio Cardoso, les investigations continuent pour déterminer s’il y a vraiment eu échange de tirs et si Jhonata était impliqué dans celui-ci.

Si les circonstances de sa mort restent floues, la colère des habitants est bien réelle. Sur les réseaux sociaux, une vidéo montrant la scène qui a suivi les tirs a été publiée et commentée des milliers de fois. Filmée par l’un des résidents du quartier dans la nuit de jeudi à vendredi 1er juillet, elle montre le jeune garçon, inerte et ensanglanté, porté par plusieurs agents en uniforme et armés, puis placé laborieusement à l’arrière d’un véhicule de police sous les cris de colère et de rage des témoins. "Ils ont tué le petit !", répètent alors plusieurs femmes avant que la voiture ne s’en aille.

Le soir du décès de Jhonata, plusieurs dizaines de personnes ont brûlé des poubelles et vandalisé un bus. Les manifestations se sont poursuivies lundi 4 juillet dans la soirée. Notre Observateur y a pris part.

Manifestation dans les rues du quartier Morro do Borel le soir après le décès de l'adolescent. Photo : page Facebook Conexão Pública

"Le projet de pacification des favelas est un échec total"

L’auteur de la vidéo, Diego Santos, habite dans la favela Morro do Borel.

Je n’étais pas dans la rue au moment des coups de feu. Je les ai seulement entendus. Je ne peux pas dire avec exactitude ce qui s’est passé, mais ces coups de feu ne ressemblaient pas à un échange de tirs, c’était plusieurs fois le même son, comme si cela venait d’une seule arme.

Quand je suis sorti, beaucoup d’habitants étaient dans les rues, criaient à la bavure, et s’insurgeaient que ça soit encore un jeune Noir pris pour cible, tandis que les policiers embarquaient le corps du garçon pour le déposer dans la voiture. Comme à leur habitude, ils n’ont même pas pris le temps d’appeler les secours.

Manifestation dans les rues du quartier Morro do Borel après le décès de l'adolescent. Photo : page Facebook Conexão Pública.

Jhonata vivait dans le quartier voisin. D’après ce qu’il se dit ici, il était venu rendre visite à des proches. Ses amis et sa famille affirment qu’il n’avait rien à voir avec les trafics. Nous en sommes persuadés. À chaque fois que la police tue dans les favelas, elle fait passer ça pour un échange de tirs. C’est toujours le même scénario.

"La confrontation est permanente"

Ces violences font partie de notre quotidien. Pourtant, cela fait depuis 2010 que nous avons dans notre quartier une "unité de police pacificatrice". Instituée dans les quartiers les plus pauvres, elle devait permettre de reprendre le contrôle sur les groupes qui les contrôlaient. C’était une bonne idée. Mais au lieu de renouer la confiance avec les habitants,cette police a contribué à dégrader la situation. La confrontation est permanente l’approche est restée sécuritaire et répressive, comme si les habitants de favelas étaient perçus comme des ennemis de la société qu’il fallait éliminer.

Prière collective en hommage à Jhonata dans le quartier Morro do Borel lundi 4 juillet.

Ce n’est pas la première fois que le quartier se soulève contre les forces de l’ordre. En 2012, nous avions déjà lancé un mouvement Ocupa Borel pour dénoncer les abus de pouvoir de la police pacificatrice. [À cette époque, plusieurs habitants avaient confié ne plus vouloir sortir de nuit de peur d’être victimes d’une bavure policière, NDLR].

Lundi après-midi, un autre rassemblement a eu lieu dans le centre de Rio, pour dénoncer les crimes envers les jeunes Noirs dans les favelas. Début juin, un enfant noir de 10 ans, qui fuyait la police dans une voiture qu’il venait de voler, avait été tué d’une balle dans la tête par un policier, ce qui avait déjà suscité l’indignation.

Rassemblement dans le centre de Rio pour dénoncer les violences policières envers les habitants des favelas. Photo envoyée par un Observateur.

Selon l’Instituto de Segurança Publica qui dépend de l'État de Rio et recense les données relatives à la sécurité, 40 personnes ont été tuées par des policiers dans le cadre de leurs fonctions dans la seule ville de Rio de Janeiro au mois de mai. Une augmentation de 135 % comparée à la même période en 2015. Selon Amnesty International, ces bavures touchent surtout de jeunes hommes noirs habitants des favelas ou des quartiers marginalisés.

À quelques semaines du lancement des Jeux olympiques, les forces de l’ordre sont par ailleurs au bord de l’implosion. Lundi 4 juillet, pour la deuxième fois en moins d’une semaine, un groupe de policiers a accueilli les touristes avec des banderoles "Bienvenue en enfer" et "Si vous venez à Rio, vous ne serez pas en sécurité". Ils dénoncent les retards de paiement de leurs salaires et le manque de moyens pour assurer convenablement la sécurité dans la ville.

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