Environnement
L'Asie du Sud-Est vue par Alter Asia

 

Indonésie : mythe et réalité de la certification durable

A Aceh Jaya, dans la province d'Aceh, un homme transporte des fruits d'un palmier à huile.
A Aceh Jaya, dans la province d'Aceh, un homme transporte des fruits d'un palmier à huile. (Crédit : CHAIDEER MAHYUDDIN / AFP).
La certification des produits « développement durable » promet contre l’achat d’un certain type de produits – issus notamment de l’agriculture – des contreparties notables pour les producteurs : l’accès à la formation, des investissements dans les infrastructures ou dans l’équipement agricole. Cette certification est un énorme business pour les cultures du monde entier. Et l’Indonésie n’est pas en reste, elle qui exporte chaque année 47 000 tonnes de café certifié pour une valeur d’environ 81,5 millions d’euros. Pour autant, malgré cette certification de durabilité censée améliorer les moyens de subsistance des petits exploitants, les avantages pour les agriculteurs indonésiens semblent bien marginaux.
De nombreux spécialistes sont d’accord sur ce point : il faut prendre des mesures pour améliorer les processus de certification, afin que les agriculteurs en bénéficie davantage. C’est l’une des conclusions d’un atelier de quatre jours organisé conjointement en 2015 par l’Académie royale néerlandaises des arts et des sciences (KNAW) et la Direction générale de l’enseignement supérieur d’Indonésie (DIKTI), durant lequel des experts des deux pays ont partagé leurs idées autour des bienfaits et des dérives des modèles de certifications privés et publics.

La certification

Dès le début des années 1980, ONG et entreprises occidentales ont cherché à établir des normes afin de réglementer la production agricole des pays du Sud. Ces derniers étaient en effet désireux d’accroître la durabilité de la production de desdits pays – notamment via le développement de pratiques agricoles plus sûres et plus respectueuses de l’environnement. Le panel des normes de cette « certification durable » est alors très large et inclut tout autant la fin du travail des enfants que la limitation de l’emploi des pesticides… En vue d’appliquer ces normes, des programmes d’éducation à destinations des agriculteurs sont mis en place par la même occasion.

Pourtant, l’impact de ces normes reste incertain. D’un côté, elles ont des effets positifs sur l’environnement et sur le niveau de vie de certains agriculteurs qui arrivent à vendre leur production à un prix légèrement supérieur. Mais de l’autre, la grande majorité des agriculteurs demeurent très vulnérables. En effet, en Indonésie, environ 90 % des 1,24 million d’hectares de plantations de café appartiennent et sont cultivés par de petits exploitants. Ces derniers, propriétaires de parcelles d’un ou deux hectares, sont très souvent en grande détresse économique, peu au fait des cours du marché ou du mécanisme de fixation des prix et à ce titre, très souvent endettés.

Le gouvernement indonésien à la manoeuvre

*RSPO : un événement créé en 2004 pour promouvoir la production et l’utilisation d’huile de palme durable par l’adoption de normes mondiale (Note du traducteur).
Face aux très nombreuses tentatives occidentales de réglementation de sa production agricole intérieure, l’Indonésie a décidé de réagir. Ainsi, en réponse à la Table ronde sur l’huile de palme durable*, le ministre de l’Agriculture a fait adopter la loi n°19/2011 destinée à créer une norme indonésienne : l’huile de palme durable indonésienne (ISPO). Il s’agit ici pour Jakarta de « créer la marque » de l’huile de palme indonésienne et de l’installer sur le marché mondial. Des mesures similaires sont également mises en place pour le cacao et le café indonésien.

Néanmoins, il reste encore à déterminer si ces normes – qu’elles soient publiques ou privées – vont permettre d’améliorer la situation économique des agriculteurs, notamment des plus vulnérables.

Les coopératives agricoles comme réponse aux maux ?

Parmi les réponses à ce problème central, le regroupement de producteurs indépendants au sein de coopératives agricoles leur permet de réaliser des économies d’échelle. Il leur offre également une position plus forte sur le marché, ainsi que de plus grandes possibilités socioéconomiques en termes de crédits, d’apprentissage ou d’accès à la formation.

Pour les intervenants de l’atelier de 2015, le gouvernement indonésien devrait investir dans cette transformation collective – en soutenant le processus sans forcément le piloter – visant notamment à augmenter la « valeur ajoutée » des produits finis. Or, comment obtenir une augmentation de « valeur ajoutée » de ces produits ? La réponse est simple : en certifiant une plantation dans son ensemble – ou un producteur – plutôt que d’accorder une référence distincte à chaque culture. Dans ce cas, on pourrait même envisager la création d’un marché de niche pour l’Indonésie. Aujourd’hui, du fait des normes en vigueur – publiques comme privées -, ce sont les exportateurs (pour le café) ou les entreprises (pour l’huile de palme) qui prennent en charge les coûts de certification. Ils bénéficient alors de prix additionnels au détriment des producteurs qui eux sont installés dans une relation de dépendance vis-à-vis de ces commerçants.

L’une des solutions idoines pour améliorer la situation économique des agriculteurs indonésiens serait donc que le gouvernement subventionne le coût de certification auprès de ces agriculteurs. Lesquels n’auraient plus ainsi à payer d’intermédiaires. Naturellement, il ne faudrait pas oublier non plus les désirs des consommateurs occidentaux dans l’équation. Au final, en étant plus attentifs aux conditions locales et aux besoins de tous les agriculteurs, y compris les plus marginalisés (soit, ceux présents dans des zones de conflits ou dans des localités reculées), la certification « développement durable » pourrait ainsi bénéficier à un plus grand nombre de petits exploitants indonésiens.

Traduction : Camille Salord

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