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Black Lives Matter

En Louisiane, indignation après la mort d'un Noir américain abattu par la police

Alton Sterling, 37 ans, a été tué par balles lundi soir par deux policiers à Bâton-Rouge, en Louisiane. Un nouveau drame qui a provoqué la colère de la communauté noire de Bâton Rouge.
par Estelle Pattée
publié le 6 juillet 2016 à 14h20

«Black lives matter.» («Les vies noires comptent.») Mardi soir, ce slogan résonnait dans les rues de la ville de Bâton-Rouge, en Louisiane. Environ 150 personnes se sont réunies devant le magasin Triple S, bloquant la circulation pour manifester leur colère. La raison ? La mort d'un homme noir tué par un policier blanc, dans ce qui semblerait être une énième bavure policière aux Etats-Unis.

Une vidéo, largement partagée sur les réseaux sociaux, a tout capté de la scène. On y voit deux policiers invectiver un homme, vêtu d'un tee-shirt rouge, appuyé contre le capot d'une voiture devant le magasin Triple S store. «Au sol, au sol !» crie l'un d'entre-eux. «Qu'est-ce que vous foutez ?» interroge l'homme, abasourdi. En vain. L'un des deux policiers se jette sur lui et arrive tant bien que mal à le plaquer au sol, sur le dos. «Il a un flingue, il a un flingue», crie l'un des agents en le fouillant. Soudain, son coéquipier sort son arme qu'il pointe sur la poitrine de l'homme au sol. C'en est trop pour la femme qui filme la scène de sa voiture et détourne son portable. On n'y voit plus rien, mais on entend le bruit sourd de plusieurs coups de feu. «Ils lui ont tiré dessus ?», s'écrie un homme qui se trouve aux côtés de la femme qui filme la scène. «Oui», répond-elle en pleurs.

Selon The Advocate, une première autopsie a montré qu'Alton Sterling, 37 ans, présentait plusieurs impacts de balles dans la poitrine et dans le dos. Une ambulance, dépêchée sur place une dizaine de minutes après les faits, n'a pu que constater le décès. «Sterling a dû mourir rapidement», témoigne Abdullah Muflahi, le propriétaire du magasin Triple S, qui a tout vu de l'altercation. Avant d'ajouter que juste après le meurtre, les deux officiers avaient l'air «paniqués».

Ces derniers s'étaient rendus devant le magasin Triple S aux alentours de minuit mardi soir. En cause : un appel d'un anonyme qui indiquait qu'un homme, vêtu d'un tee-shirt rouge et qui vendait des CD, l'avait menacé avec une arme à feu. La police a en effet récupéré plus tard un pistolet dans la poche de l'homme, toujours selon le témoignage d'Abdullah Muflahi, recueilli par The Advocate. Rien d'interdit aux Etats-Unis : le second amendement de la Constitution américaine autorise le port d'armes. «Ils étaient vraiment agressifs avec lui depuis le début», poursuit le propriétaire, qui affirme que Alton Sterling n'avait pas sorti son arme face aux policiers.

L'enquête devra éclaircir ces zones d'ombre. La caméra de surveillance du magasin va être analysée. Selon le capitaine McKneely, porte-parole du département de police de Bâton-Rouge, les caméras que portaient les deux policiers se seraient détachées lors de l'incident et n'auraient pas enregistré la scène.

Quant aux deux agents, ils ont été placés en congé administratif comme le veut la procédure et n'ont pas encore été interrogés par les enquêteurs. Après ce type «d'incident», les officiers bénéficient généralement de 24 heures pour rentrer chez eux et réfléchir à ce qu'il s'est passé, avant d'être questionnés. 
Les hommages pour Alton Sterling se succèdent. The Advocate a recueilli le témoignage de proches qui le décrivent comme un homme «gentil», «respectable» et «généreux». Même s'il avait déjà eu affaire plusieurs fois à la justice par le passé, «Alton n'était pas une mauvaise personne», expriment-ils. 

Selon The Counted, un travail de recensement en direct réalisé par The Guardian, 129 Noirs ont été tués par armes à feu par des policiers aux Etats-Unis depuis le début de l'année. Selon une autre étude, réalisée également par The Guardian, en 2015, les risques pour les jeunes Noirs d'être tués par des policiers étaient neuf fois supérieurs à ceux qu'encourraient les jeunes Blancs.

Un mémorial de fortune a été installé en la mémoire d'Alton Sterling. Un panda en peluche, portant des CDs, trône sur une chaise, elle-même posée sur une table en fer. Trois mots surplombent le tout : «RIP Big Alton».

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