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Marc Rougier, patron de start-up, boycottera la tournée de Hollande

L'entrepreneur de San Francisco, fondateur de France Digitale et de Scoop.it, n'assistera pas à la visite du président français aux Etats-Unis.

Par  (San Francisco, correspondante)

Publié le 12 février 2014 à 19h58, modifié le 13 février 2014 à 08h54

Temps de Lecture 5 min.

Marc Rougier, fondateur de la start-up Scoop.it.

Marc Rougier a été l'un des fondateurs de France Digitale, le lobby de l'économie numérique, inauguré en juillet 2012 par la ministre Fleur Pellerin. En 2011, le site de campagne de François Hollande était l'un des clients de sa start-up, Scoop.it, une plateforme de sélection de l'information. Pourtant, l'entrepreneur a décidé de boycotter la visite du président français à San Francisco, mercredi 12 février. « J'avais voté Hollande, dit-il. J'éprouve une déception sans fond. »

En ce samedi après-midi, l'entrepreneur toulousain travaille à son bureau en plein cœur du quartier d'affaires de San Francisco. Scoop.it est installé au-dessus de la librairie Alexander Book, qui vend encore quelques livres mais s'est surtout reconvertie dans la location des étages aux nouvelles entreprises du quartier. Scoop.it sous-loue elle-même quelques mètres carrés à une équipe encore plus nouvelle (News Republic) qui vient d'arriver de Bordeaux. Le décor fait très start-up : des post-it roses collés partout, des chaises pliantes qu'on installe pour les « meet-up » de fin de journée, quand on sort les pizzas et le coca, mais qui se terminent jamais trop tard, parce que les « Américains ne sont pas de gros fêtards ».

Scoop.it est née à Toulouse, mais Marc Rougier a vite jugé indispensable de venir à San Francisco. « Je ne suis pas ici pour échapper à l'impôt. Je paie plus ici qu'en France, explique l'entrepreneur. Je suis là parce que l'Internet est là. » Cinq salariés sont basés à San Francisco. Le gros des développeurs (quinze personnes, « trois filles seulement ») est à Toulouse. « Les ingénieurs sont meilleurs en France et ils sont moins chers », explique le patron. En deux ans, la société a recruté des clients tels que La Poste, EDF, Orange, Rémy Cointreau, etc. Au total, 1 200 entreprises sont abonnées aux services de Scoop.it.

Le site est un outil de « curation », explique son fondateur. Un terme qui n'est « pas très parlant en français », mais qui est tiré de l'anglais curator, ou conservateur d'exposition. La curation permet de sélectionner les contenus. « Aujourd'hui pour exister sur le Web, poursuit l'entrepreneur, il faut publier beaucoup de contenu. » Mais encore ? « C'est comme une ville, il faut faire en sorte que les gens passent devant votre vitrine. Il y a des techniques pour les attirer. Pour une entreprise, la bonne solution pour exister, c'est de devenir un média, devenir une source de contenu, publier souvent et avec une homogénéité sémantique. »

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INFOBÉSITÉ

Marc Rougier et son partenaire Guillaume Decugis sont partis du constat que le monde est atteint « d'info-bésité », le trop d'infos. Et qu'il faut trier. Pour l'instant, dit-il, la sélection se fait de deux manières : par Google et ses algorithmes, ou par les réseaux sociaux. Sur Google, les gens vont rarement chercher au-delà de trois pages. Sur Facebook ou Twitter, la découverte est aléatoire, en fonction de ce qui est recommandé par les « amis ». Marc Rougier a voulu « ajouter de l'humain à la façon dont l'information est collectée ». Utiliser l'expertise que les gens possèdent sur leur sujet de prédilection (les « curateurs ») pour mettre en valeur la meilleure information. Les curateurs « décident de ce qui doit être vu non pas les robots. C'est subjectif mais au moins c'est humain ».

Aujourd'hui Scoop.it a presque 1 million de curateurs qui, grâce à son logiciel, trouvent et partagent le contenu qui les intéresse. Marc Rougier fait lui-même le curateur pour tout ce qui touche au violon (« le violon acoustique dans le jazz moderne oriental », plus précisément). Ce qui permet « d'extraire des morceaux intéressants de la 150 000e page de Google ». Hier, par exemple, un morceau de violon tunisien. « On aime à dire qu'on a inventé non pas un algorithme, mais un "humain-rithme" », résume-t-il. L'été dernier, Scoop.it a levé 2,6 millions de dollars pour son développement.

VIRUS

Marc Rougier, 49 ans, est ingénieur Télécom. Il est originaire « du 93 [Seine-Saint-Denis] et il y a peut-être trois personnes qui ont le bac dans toute [sa] famille ». En 1988, il est parti faire sa thèse à Montréal et c'est là qu'il a attrapé le virus de l'entreprenariat. Il a abandonné sa thèse pour monter une boîte de contrôle d'automates. Après avoir travaillé pour Thalès à Melbourne et à Washington, il a monté une start-up dans la virtualisation de centres de calcul (Meiosys) qui a été rachetée par IBM en 2005. Il est devenu millionnaire et directeur du développement de la multinationale, puis a acheté une maison près de Toulouse. Avant de retourner chasser l'innovation. « J'avais un salaire honteux, une voiture de fonction, et je suis reparti au smic », décrit-il. A San Francisco, il s'est remis à vivre « en mode start-up », dans un appartement de location de 50 mètres carrés.

Marc Rougier est un démenti à ceux qui croient que le mot « entrepreneur » n'existe pas dans la langue française. « C'est ma quatrième boîte. La première était toute petite. La deuxième je l'ai réussie. La troisième, je l'ai plantée ». Pour lui, le problème principal pour créer une entreprise en France, n'est ni le fisc, ni la lourdeur administrative, « même si ça existe ». C'est la peur du risque. « On est topissimes pour la capacité à innover. On est des intellos brillants, innovants, mais conservateurs. On est fort sur l'innovation comme jeu intellectuel. Ici on passe à l'acte. On démissionne à midi, on emporte ses cartons à 14 heures. Le lendemain on commence dans une autre boîte. »

« IL FAUT UNE POLITIQUE POUR 2015, PAS POUR 1850 »

Guillaume Decugis doit représenter Scoop.it mercredi 12 février au sein du panel de patrons de la « French tech » que François Hollande rencontre à San Francisco. Marc Rougier, lui, est mécontent. « Je suis pour une politique gouvernementale forte, je suis pour l'impôt, je suis social dans l'âme, mais il faut une politique pour 2015, pas pour 1850. »

Il déplore l'approche du gouvernement. « A chaque fois, c'est l'ancienne économie qui gagne. » Exemple : la polémique sur les taxis. Pour lui, le site de covoiturage Uber, « c'est génial ». Un exemple de « consommation collaborative ». Le consommateur a le choix. Il peut payer en ligne. Les automobilistes peuvent gagner un peu d'argent. « C'est méga vertueux. C'est ce qui s'appelle une évolution. C'est bon pour la planète. Mais ça déstabilise un acteur traditionnel qui est assis sur un business model qui a cent ans d'âge ! »

Pour Marc Rougier, le gouvernement fait une erreur en se montrant trop conservateur. « Il aurait fallu ouvrir. Dans la construction automobile, si on prévoit à cinq ans, ça va. Dans le numérique, tout va beaucoup plus vite. On crée, et six mois après, on est en ligne. On ne peut pas jouer le numérique si on doit négocier tout le temps. » En France, déplore-t-il, le numérique ne représente que 2 % de l'économie. Or c'est l'industrie qui a, actuellement, la plus forte croissance. « Hollande est resté accroché au dogme », regrette-t-il.

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