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Venezuela

Des Vénézuéliennes forcent la frontière colombienne… pour faire leurs courses

Des femmes négocient pour passer la frontière. Photo envoyée par un Observateur.
Des femmes négocient pour passer la frontière. Photo envoyée par un Observateur.
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Près de 500 Vénézuéliennes ont défié les autorités de leur pays, mardi, et franchi la frontière avec la Colombie, fermée depuis près d’un an. Leur seul but : acheter des aliments et des médicaments introuvables dans leur pays en raison de graves pénuries.Faire la queue pendant des heures devant les magasins, payer des denrées de base à des prix mirobolants, voire chercher la nourriture dans les ordures : les Vénézuéliens vivent au quotidien une très grave crise économique depuis un peu plus d’un an, le pays étant touché par de graves pénuries de produits alimentaires et de médicaments.

Au total, 80 % des produits de première nécessité sont quasi introuvables, comme le raconte notre Observatrice. Cette pénurie a également provoqué une explosion des prix, rendant les seuls aliments disponibles inabordables.

Pour pouvoir se ravitailler, plusieurs centaines de femmes de la ville d’Ureña, dans l’État du Tachira dans l’ouest du Venezuela, ont alors décidé de forcer la frontière colombienne. En août 2015, le président vénézuélien Nicolas Maduro avait annoncé la fermeture de celle-ci, sur une centaine de kilomètres environ, à la suite d’une embuscade dans laquelle trois militaires et un civil vénézuéliens avaient été blessés, entre Ureña et San Antonio del Tachira. Depuis, le pont qui sépare Ureña de sa voisine colombienne, Cúcuta, est surveillé nuit et jour par la Garde Nationale, qui empêche toute personne de passer en Colombie.

 

 

 

Des Vénézuéliennes avec leurs courses. Photo envoyée par un Observateur.

Lire notre article : Les Colombiens sans-papiers du Venezuela victimes de la chasse aux contrebandiers

 

"Nous n’avions d’autre choix que de passer par la force pour ne pas mourir de faim"

Notre Observatrice Lucero Valero a 34 ans, elle est comptable et vit à Ureña. Elle a réussi à forcer le cordon de sécurité pour faire ses courses du côté colombien, mardi 5 juillet.

 

 

Cela fait plusieurs mois que la crise s’aggrave. La plupart des produits "basiques" sont en rupture de stock partout. Dès qu’un magasin est ravitaillé, il faut faire la queue devant pendant quatre ou cinq heures.

Nous nous sommes donc organisées via des groupes Facebook et WhatsApp avec plusieurs femmes d’Ureña pour nous rendre ensembles en Colombie. Pour que notre mouvement ait plus d’impact nous avons décidé de nous habiller en blanc. Le fait que nous ne soyons que des femmes permettait aussi de faire davantage parler de cette action et d’éviter les violences policières : les forces de l’ordre s’en prennent beaucoup moins aux femmes.

Cela n’a pas été facile de traverser le cordon de sécurité, nous avons dû jouer des coudes jusqu’à ce que les soldats cèdent et, comme prévu, ils ne se sont pas montrés violents envers nous. Nous étions environ 500 femmes et nous avons quasiment toutes réussi à passer.

Nous avons acheté du riz, de l’huile d’olive, du sucre, du lait, de la farine, puis nous sommes revenues. Pour moi, c’est le lait qui nous manque le plus au Venezuela. Nous n’en avons plus pour nos enfants ! Par ailleurs, à Cucuta, les produits de base sont près de deux fois moins chers qu’au Venezuela. C’est pour cela que nous demandons la réouverture de la frontière : nous avons besoin de nous déplacer dans le pays voisin pour ne pas mourir de faim.

 

Des femmes prient pour que les soldats de la frontière les laissent rentrer dans leur pays avec leurs courses.

Je serai prête à traverser à nouveau. Nous n’avons pas d’autre choix que d’en passer par la force : il est très difficile d’obtenir des autorisations pour traverser. Celles-ci sont délivrées aux personnes qui étudient dans l’autre pays ou aux personnes gravement malades pour qu’elles aillent se faire soigner.

 

 

 

"Les entreprises de la région ferment à cause des difficultés à s’approvisionner en matières premières"

José Rozo est l'ex-président de la chambre de commerce de San Antonio del Táchira, la ville voisine d’Ureña. Selon lui, la fermeture de la frontière a aggravé la crise économique dans l’État de Táchira, frontalier de la Colombie.

 

 

 

 

Cela fait maintenant dix mois que la frontière est fermée. Celle-ci a entraîné la fermeture de 70 % des commerces dans la région. Alors que la fermeture frontalière devait permettre de mettre fin à la contrebande entre les deux pays, celle-ci s’est empirée du fait des difficultés économiques.

Les extorsions économiques ont explosé. La semaine dernière encore, une entreprise de pièces automobiles a fermé à la suite d'une série de menaces proférées par des groupes armés. Près de 150 personnes y travaillaient et sont aujourd’hui au chômage.

Étant donné les pénuries, d’autres entreprises ferment à cause des difficultés à se ravitailler en matières premières. Dans l’une des entreprises de fabrication de vêtements de la région, la productivité est 15 fois plus faible aujourd’hui qu’avant la fermeture de la frontière.

Notre pays s’enfonce dans ce qu’il faut maintenant appeler une crise humanitaire : même les médicaments de base ne sont plus disponibles. En l’espace d’un mois dans notre État, deux personnes malades se sont suicidées à l’hôpital central de San Cristóbal [capitale de l’Etat de Tachira], à cause du manque de médicaments pour se faire soigner, selon les informations données par la mairie.

 

Lire notre article : Des chats mais pas de médicaments : les internes vénézuéliens dévoilent leurs conditions de travail

Le Venezuela, producteur de pétrole, est plongé dans une crise sans précédent en raison de la chute des cours du brut. Le pays a enregistré en 2015 une inflation de 180 %, une des plus élevées au monde, et un recul du PIB (-5,7 %) pour la deuxième année consécutive.

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