Anaphore, métaphore, cataphore

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On connaissait l’anaphore, cette figure stylistique qui avait signé la victoire de François Hollande dans son duel télévisé face à Nicolas Sarkozy. Depuis, le président de la République traîne comme un boulet cette impressionnante série de « Moi, Président… » devenue le catalogue de ses engagements non tenus.

Instruit par cette expérience, voilà le chef de l’Etat s’adonnant avec entrain à un autre style de discours : la métaphore. Il en a toujours usé : c’est un genre qui met en valeur le commentaire de sa propre action (il adore ça), et qui permet de dire les choses tout en ne les disant pas (il préfère ça). Or voici qu’il en abuse. La cérémonie d’hommage à Michel Rocard lui a ainsi permis de régler leur compte à toute une série de prétendants à sa succession et d’opposants à sa ligne. L’énumération des qualités, multiples et récemment découvertes, de l’ancien Premier ministre était autant de miroirs tendus aux défauts de ses potentiels adversaires de 2017. Mais c’est dans les commentaires footballistiques que François Hollande atteint ses sommets : une dose de tautologie (« Les Bleus, c’est l’équipe de France »), une pincée d’évidence (« Un bon gardien, c’est essentiel »), une autre d’identification (l’équipe de France a un capitaine « très sage, très humain et très bon ! »), et le tour est joué. Tout le monde aura compris que, parlant d’autre chose, il parle de lui. On attend donc avec impatience ses interventions sur le Tour de France, du genre : « Chaque étape compte et ce n’est qu’à la fin qu’on connaît le vainqueur »… Oh, délices du commentaire et de l’exégèse ! Quel sens puissant tout cela aura ! Et quelle chance : sous le doux ronronnement des petites phrases à double sens, les Français pourront aborder l’été en état de cataphore, cet « endormissement profond sans fièvre ni délire » décrit par Diderot dans son Encyclopédie.

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