À l’issue du bac 2016, 88,5 % des candidats ont été reçus. Mais tout le monde est-il égal face à ce sésame républicain ? Dans quelle mesure la géographie permet-elle d’éclairer les différences constatées ? Dans le live du Monde.fr organisé à l’occasion de la publication des premiers résultats du bac, mardi 5 juillet, le géographe Rémi Rouault, auteur d’un « Atlas des fractures scolaires », a répondu aux questions des internautes. Nous lui avons aussi demandé de commenter différents graphiques, qui s’appuyaient sur les résultats du bac 2015 (les résultats définitifs du bac 2016 n’étant attendus qu’au printemps prochain). En voici le compte rendu.
Rémi Rouault : Cette hausse de la part des bacheliers dans une génération s’effectue par la diversification des séries du bac, mais avec une démocratisation limitée puisque les séries sont, de fait, socialement différenciées. Les baccalauréats généraux, ceux qui permettent la réussite à l’université ou dans les grandes écoles, accueillent la majorité des élèves issus des groupes favorisés de la population, alors que les séries professionnelles sont fréquentées massivement par les enfants d’ouvriers.
Les différences de taux de réussite entre les académies sont minimes, de bien plus grandes inégalités sont observables à l’intérieur des académies entre établissements. Une autre inégalité majeure est celle de l’accès aux différents baccalauréats, en fonction de l’origine sociale des élèves.
« Comment s’expliquent ces disparités territoriales ? » (Fedor)
Elles s’expliquent par les inégalités sociales dans les populations de chaque territoire, notamment en matière de diplômes, et par une inégale implication des familles dans la scolarité. Dans certaines régions, comme le Grand Ouest, ou dans certaines villes, l’implication des familles, envers l’école publique et l’école privée est plus forte, notamment parmi les groupes favorisés de la population.
« Quid du budget des collectivités ? Joue-t-il sur les performances des élèves ? » (KiOlà )
C’est difficile à évaluer. Les dépenses varient selon les contextes démographiques présents ou passés, mais globalement, les conseils départementaux, régionaux et les municipalités accompagnent correctement leurs établissements scolaires. Bien évidemment, les régions en déclin démographique, ou en zone montagnarde enclavée, ont des stratégies différentes.
« Y a-t-il une différence significative concernant la réussite entre lycées publics et privés ? » (BlueBerry)
Oui, elle est significative de la différence de recrutement, une différence sociale. Elle est également un signe de la différence d’implication des parents de l’école privée dans le fonctionnement des établissements. À noter que c’est une différence moyenne : les écarts de taux de réussite au bac notamment peuvent être très importants d’un établissement à l’autre, voire entre sections dans un même établissement : par exemple entre des séries S du bac général et des séries du bac professionnel.
Les faibles différences entre académies masquent en fait de grandes différences entre établissements. Dans un département sur dix, plus de la moitié des lycées ont un taux de réussite au bac inférieur à 90 %. Là encore, les faibles différences entre académies masquent les différences entre séries et filières du bac. De même que cela masque totalement les différences en fonction de l’origine sociale des élèves.
Ce graphique montre la différence dans l’accès au bac selon l’origine sociale. Plus de 50 % des enfants d’ouvriers sont dans une série technologique ou professionnelle, contre à peine 10 % des enfants de cadres. A noter que les différences sociales sont moins marquées pour les séries technologiques que pour les deux autres.
« Réunion, Martinique, Guadeloupe, etc. : pouvez-vous nous en dire un peu plus des inégalités qui touchent ces académies ? » (Basse-Terre)
Les élèves y vivent dans des contextes socio-économiques plus difficiles, avec de moindres ambitions scolaires, avec des équipements culturels moins nombreux à proximité des établissements. D’une certaine façon, les modèles de réussite scolaire y sont plus rares du fait de la structure de la population active.
« Le baccalauréat professionnel relève-t-il d’un réel besoin de société ou juste d’un artifice pour atteindre les 80 % de bacheliers ? » (Mad31)
Le bac professionnel est une réponse à des besoins en main-d’œuvre d’exécution qualifiée. il donne aussi la possibilité à des jeunes d’accéder au niveau baccalauréat et d’avoir une formation générale en même temps que la formation professionnelle. Et pour quelques-uns d’entre eux, c’est la première étape vers un parcours d’études plus longues. Même si les élèves issus des bacs professionnels ont moins de réussite dans l’enseignement supérieur. Il faut aussi distinguer selon les séries du bac professionnel : toutes n’offrent pas les mêmes chances d’insertion professionnelle.
« Vous dites que la différence public-privé est significative de la différence de recrutement. Auriez-vous des chiffres ? Car il me semble que ceux-là montrent plutôt que, contrairement à ce qu’on pense spontanément, la mixité sociale est plus grande dans les établissements privés sous contrat d’association avec l’Etat. » (Témoin)
Je vais vous répondre précisément pour les collèges : selon le ministère de l’éducation nationale, les enfants de familles défavorisées représentent 41 % des effectifs du public et 20 % des effectifs du privé en 2013. A l’inverse, les enfants des familles favorisées représentent 36 % des élèves des collèges privés et 19 % des élèves du public. Sur les classes moyennes, l’écart est moins marqué.
« N’a-t-on pas, avec les années, beaucoup trop encouragé la voie du baccalauréat en dénigrant les voies dites “manuelles”, avec pour conséquence, un sureffectif du post-bac et au contraire une pénurie de nos talentueux artisans ? » (WorkNow@)
Si on prend notre graphique de tout à l’heure, on note une hausse des bacheliers, y compris professionnels, lequel est susceptible de mener à des métiers manuels. Les bacheliers professionnels sont, pour moitié, dans des séries industrielles. C’est plutôt l’évolution des représentations de la réussite et de la structure des entreprises qui réduit l’envie d’être artisan. Les formations industrielles ou artisanales supérieures, sont, quant à elles, orientées davantage vers la formation de cadres pour l’industrie. En gros chaque année, on a environ 200 000 candidats au bac professionnel, contre 130 000 au bac technologique.
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