Durant un mois entier, les médias, toutes sensibilités mêlées, agitèrent consciencieusement l'encensoir: pour bénir l'équipe de France de foot et ses joueurs, nous ne pouvons qu'approuver et partager ; en revanche, nous serons davantage dubitatifs quant au subit état de grâce concomitamment accordé à Nicolas Sarkozy avant que chacun ne reprenne, somme toute assez vite, ses esprits.
Le "boss" était donc de "retour". Il ne s'agissait pas d'un nouveau concert parisien du seul "boss" que nous connaissions, la rock star américaine Bruce Springsteen ; non, c'est ainsi que, désormais, le sénateur-groupie Pierre Charon, souvent si drôle, perspicace et plus imaginatif, désigne l'ex-président. Il aura donc suffi d'une poignée de sondages moins mauvais et décevants que les précédents pour rallumer le feu sarkozyste.
Et l'intox d'oublier l'impact du second tour...
Quelquefois ce soudain retour de flamme provoqua l'inquiétude et même la panique ; le plus souvent la joie, à peine dissimulée derrière quelques formules toutes faites que l'on appelle désormais des "éléments de langage":
- "Le peuple de droite est en ce moment très à droite. Pour la primaire, c'est cela qui portera Sarkozy et enterrera Juppé". On peut évidemment expliquer l'inverse, que le second tour de la primaire se jouera au centre, en récupérant les électeurs "modérés" puisque les gros bataillons de la droite de droite sont partis rejoindre Marine Le Pen, sans retour possible, semble-t-il, dans l'immédiat. Mais il y a quelques temps encore, il ne faisait à nouveau pas bon contredire la vulgate sarkozyste.
- "Les sondages se retournent, les courbes vont d'ailleurs bientôt se croiser, dès septembre sans doute, en octobre à coup sûr". Dans un premier temps, l'intox a pris, à toute vitesse, comme un feu de broussaille. Deux études d'opinion y suffirent : au premier tour de cette si décisive primaire de la droite, Sarkozy progressait - assez nettement ; et Juppé, lui, reculait - un peu - pour la première fois depuis fort longtemps. Un signe en effet à prendre en compte ; un premier avertissement à ne pas négliger. Mais pourquoi nos commentateurs soudain échevelés oublièrent-ils de creuser les ressacs de ces sondages ? Ils y auraient découverts deux autres éléments - certes pas décisifs mais importants tout de même : au second tour, le maire de Bordeaux dispose toujours d'un écart plus que significatif ; au second tour toujours, les électeurs qui avaient précédemment choisi Bruno Le Maire et François Fillon se reportent massivement sur ... Juppé. S'il ne parvient pas à en récupérer une bonne partie, Nicolas Sarkozy échouera très certainement.
Un avant-goût peu ragoûtant de l'automne politique
Mais pourquoi a-t-il fallu patienter près de quinze jours avant que nos gazettes nous informent de ces deux points pour le moins cruciaux ? Est-ce la preuve réitérée de l'influence que Sarkozy reste en mesure d'exercer sur eux ? Ou plus simplement ne serait-ce pas une attitude "business", un match serré étant évidement plus "vendeur" qu'une partie en apparence déséquilibrée ? Qu'importent les motivations, le rouleau compresseur Sarkozy fonctionne à nouveau avec efficacité. C'est cela l'essentiel.
Avec efficacité certes, mais désormais sur une brève période. Cette fois chacun, y compris les éditorialistes du Figaro à l'accoutumée sarkophile, a repris vite fait ses esprits : ça allait mieux ; pour autant, ça n'allait pas bien. Pour autant, un enseignement, lui, est à retenir de cet aller-retour sondages : à compter de la rentrée estivale, le combat Juppé-Sarkozy sera d'une violence jusque-là insoupçonnée dans l'histoire politique de la Ve République. Violence politique. Violence idéologique. Violence personnelle. De la gnognote, l'affrontement Giscard-Chirac ; des enfantillages, le face à face Mitterrand-Rocard si abondamment narré ; une plaisanterie le combat des deux coqs du socialisme français, Jospin et Fabius ; dépassé, le drame de l'amitié trahie entre Balladur et Chirac. Cette fois, tout sera autorisé. TOUT ! Parce que le vainqueur de la primaire, le 27 novembre prochain, sera très probablement élu chef de l'Etat quelques mois plus tard.
Cela justifie-t-il de mimer une campagne d'extrême droite et de débiner son "vieux " concurrent ? Nicolas Sarkozy semble l'estimer. Cela laisse augurer un automne politique 2016 peu ragoûtant.