Les opérateurs européens font du chantage à la 5G

Les poids lourds des télécoms européens plaident pour un assouplissement de la neutralité du Net. Et  menacent carrément de retarder leurs projets d’investissements si celles-ci restent inchangées. Un article de notre partenaire La Tribune. 

Le lobby des télécoms est toujours très actif à Bruxelles. Il faut dire qu’avec l’UE, les points de désaccords ne manquent pas. En témoigne les récents blocages de fusions au Royaume-Uni et au Danemark par l’Autorité de la concurrence européenne. Ces décisions ont passablement agacé les intéressés, qui misent sur ces « consolidation » pour diminuer la concurrence, augmenter leurs prix, et donc leurs bénéfices.

L’autre gros sujet qui fâche concerne les règles de la neutralité du Net. Ce principe suppose que toutes les flux de données en ligne soient traités de manière équitable. Ou en d’autres termes, qu’ils ne soient pas discriminés.

Sur le fonds, les opérateurs voient cette mesure d’un très mauvais œil. Pour accroître leurs revenus, ils veulent bénéficier de « différentes catégories de qualité pour proposer de nouveaux services », comme le disait récemment Tim Hoettges, le DG de Deutsche Telekom.

>>Lire aussi : Fin des frais d’itinérance, neutralité du Net : l’UE abat ses cartes

Or début juin, l’organe européen des régulateurs des télécoms (Berec) a dévoilé des « lignes directrices » pour garantir la neutralité du Net sur le Vieux Continent. Et certains positionnements ont suscité une levée de boucliers des opérateurs.

L’un d’entre eux concernent le « zero rating », une pratique consistant pour les FAI à ne pas comptabiliser l’accès à un service spécifique dans le décompte de la consommation de data. Le Berec veut encadrer cette pratique pour éviter qu’un service soit favorisé au détriment d’un autre. Concrètement, si une appli musicale est incluse en illimité dans un forfait mobile, le Berec souhaite que si l’accès à Internet est bridé une fois la limite de données atteinte, cette limitation concerne aussi l’appli « zero rating ». Ce qui ne plaît pas aux opérateurs télécoms.

Pour bénéficier de règles du jeu plus favorables, ceux-ci sont parti à l’assaut de Bruxelles. Il y a quelques jours, dans un manifeste dévoilé par le Financial Times, les poids lourds BT, Deutsche Telekom, Telecom Italia ou encore Vodafone ont carrément menacé les autorités de l’UE de retarder leurs investissements dans la 5G, la prochaine génération de très haut débit mobile, si le cadre réglementaire n’était pas assoupli.

Un sujet ultrasensible

« L’industrie des télécommunications prévient que les lignes directrices actuelles concernant la neutralité du Net créent des incertitudes importantes concernant les retours sur investissements de la 5G, lit-on dans ce manifeste d’après le FT. Les investissements sont donc susceptibles d’être retardés, à moins que les régulateurs adoptent une attitude positive concernant l’innovation. »

Bien peu diplomatique, le ton employé illustre à quel point le sujet est sensible. En outre, les opérateurs demandent que les acteurs du Net, à l’instar de Skype ou de WhatsApp – qui concurrencent leurs services en empruntant librement leurs tuyaux – soient soumis aux mêmes règles du jeu qu’eux. Ce qui n’est pas le cas actuellement.

L’UE ne veut pas rater le coche de la 5G

En menaçant de retarder leurs investissements dans la 5G, les opérateurs jettent un sacré pavé dans la mare. Depuis quelques temps, Bruxelles se démène pour que l’UE reste en pointe dans le développement de cette prochaine génération de très haut débit mobile.

En plus de permettre d’acheminer les données beaucoup plus rapidement, la 5G est perçue comme la prochaine grande rampe de lancement de l’Internet des objets. Ce qui permettra, d’ici quelques années, de faire émerger de nouveaux business, comme celui de la voiture connectée.

Lire aussi : Bruxelles met les bouchées doubles dans la course à la 5G

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