Les combats ont été si violents dans Juba, la capitale du Soudan du Sud, depuis vendredi 8 juillet, qu’il est impossible de connaître leur bilan avec précision. Des sources locales citées par l’AFP donnent un chiffre provisoire de plus de 300 morts, dont un casque bleu chinois. L’ONU a fait état de tirs de mortiers, de lance-grenades et d’« armes d’assaut lourdes ». La présence d’hélicoptères de combat et de chars a également été signalée.
Des pluies orageuses se sont abattues sur Juba dans la nuit de dimanche, rendant encore plus précaire la situation des milliers de civils qui ont dû fuir à la hâte les quartiers les plus touchés par les affrontements. A Juba, une guerre a commencé qu’il est urgent d’arrêter car la spirale, si elle se poursuit, menace la population, la région, voire l’existence même de ce pays qui aurait dû célébrer samedi ses cinq ans d’existence.
1. Qui sont les belligérants ?
Après l’indépendance (par sécession du Soudan), en 2011, deux hommes ont vu leur rivalité grandir au point de menacer l’équilibre : le président, Salva Kiir, et son vice-président, Riek Machar. En décembre 2013, la première explosion a eu lieu. Des combats ont éclaté dans Juba, Riek Machar a fui pour éviter d’être tué et une partie de l’armée l’a rejoint pour former une rébellion. Cette première phase de guerre civile a duré trente mois, avant qu’un accord de paix en août 2015 ne ramène en avril 2016 Riek Machar et ses hommes à leur point de départ : Juba. A ce stade, le conflit avait déjà fait des dizaines de milliers de morts.
Sous forte pression régionale, les deux ennemis et leurs troupes ont tenté de cohabiter dans la capitale. Mais une partie de leurs hommes désapprouve cette formule, préférant la guerre à outrance. Il semble que ces derniers aient réussi à refaire basculer la situation dans un conflit ouvert.
Les tensions sont allées crescendo ces jours derniers sans que quiconque ne semble en mesure de les arrêter. Jusqu’aux affrontements à grande échelle de dimanche. Les forces loyales à Riek Machar sont en nombre inférieur et ne disposent pas de la même puissance de feu que celles de l’autre camp, qui a récemment acheté des hélicoptères et a recruté de nombreux miliciens.
2. Pourquoi ce conflit est-il très menaçant ?
Pour deux raisons. D’abord, il y a tous les risques qu’il s’étende à d’autres régions du pays. Récemment, des zones épargnées dans la première partie de la guerre civile ont été touchées par des combats. On redoute donc une forme de guerre généralisée.
Deuxièmement, les combattants au Soudan du Sud épargnent rarement les civils. Le conflit de 2013-2015 a été marqué par des atrocités et des exactions qui vont très loin : les hommes en armes considèrent comme « ennemis » des populations entières sur la seule base de leur appartenance ethnique. Une déformation grossière, mais qui fonctionne à plein régime quand la violence commence.
Si celle-ci continue de grimper en intensité, il faut redouter plus que des exactions : des massacres. Il est donc urgent de trouver une solution pour que cessent les combats, s’il est encore possible d’arrêter la machine.
3. Que fait la mission de l’ONU ?
La Mission de l’ONU au Soudan du Sud, Minuss, avait été conçue, à l’origine, pour assister le gouvernement de Juba à « consolider la paix ». C’est dire si elle a dû ajuster ses objectifs. Malgré ses 12 000 casques bleus (en plus des civils, policiers, etc.), la mission semble dépassée par le récent pic de violence, même s’il avait été annoncé ces derniers mois par de nombreux observateurs.
Sa principale réussite, à ce stade, a été de créer des sites de protection des civils, où la population fuyant les exactions des soldats puisse trouver refuge. Ce n’est pas une garantie absolue, cependant. A Malakal, il y a quelques mois, les soldats gouvernementaux ont attaqué le camp de protection onusien. Certains de ces sites, à Juba, ont fait l’objet de tirs nourris, dimanche, sans intrusion à ce stade.
Les casques bleus ont été dans l’impossibilité de se déployer dans la capitale depuis vendredi soir, c’est-à-dire le moment où un palier dans la violence a été franchi. le Conseil de sécurité des Nations unies, dimanche soir, a appelé les pays de la région à envoyer des troupes en renfort.
C’est un aveu d’échec pour les autres contingents, notamment le contingent chinois, important pour la démonstration que veut faire Pékin de sa responsabilité dans les problèmes de sécurité. Cette question sera sans doute débattue dans les jours à venir, en fonction de l’évolution de la situation.
4. Y a-t-il un risque d’extension du conflit ?
Le Soudan du Sud est un pays neuf, très fragile, situé au cœur d’une région complexe. Il est l’objet d’alliances croisées, si bien que les combats en cours peuvent faire monter les tensions entre les pays proches. Le président, Salva Kiir, est soutenu par l’Ouganda voisin. Lors de la première guerre civile (2013-2015), un corps expéditionnaire ougandais était venu lui sauver la mise en se déployant entre Juba et les environs. A l’époque, c’était le Soudan du Sud qui réglait la facture de l’intervention. Cette fois, les caisses sont vides.
Parallèlement, l’Ethiopie, autre pays frontalier, est hostile à cette intervention. Tout comme le Soudan, au nord, qui essaie de trouver des compromis avec les deux camps, mais a toujours été plus proche de Riek Machar et entretient des relations tendues avec l’Ouganda. Des éléments du principal mouvement armé du Darfour, le Mouvement pour la justice et l’égalité (JEM), anti-Khartoum, sont ainsi venus renforcer le camp de Salva Kiir dans la dernière phase de combats.
Le résultat ? Pas encore une bombe à proprement parler, mais un ensemble régional fragile qui, au rythme de l’escalade en cours, menace d’avoir des conséquences graves.
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