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Liban

Tensions croissantes entre Libanais et Syriens : un camp de réfugiés incendié

Des personnes regardent les tentes brûlér dans le camp de Hosnyeh dans le Akkar (Akkar News Network)
Des personnes regardent les tentes brûlér dans le camp de Hosnyeh dans le Akkar (Akkar News Network)
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Dans la région du Akkar au nord du Liban, un camp de réfugiés syriens a été incendié dans la nuit du 5 au 6 juillet. Cet acte violent est symptomatique des tensions croissantes qui existent entre les réfugiés venues de Syrie et les Libanais. Ces derniers supportent de plus en plus difficilement la présence des 1,5 million de réfugiés, installés majoritairement dans les zones les plus pauvres du pays, expliquent nos Observateurs.

Mercredi 6 juillet, des photos d’un camp de réfugiés en flammes ont été publiées sur la page d’actualité régionale Facebook Akkar News Network, qui diffuse des informations sur cette région du Nord du Liban. Situé près du village de Zouq al-Hosnyeh, il a été incendié volontairement par des Libanais. Aytham, un Syrien dont la tente a été brûlée, raconte :

"Comment peuvent-ils brûler un camp où vivent des personnes, dont un bébé de trois semaines ?"

Une quinzaine d’hommes est venue dans notre camp vers deux heures du matin et a mis le feu aux quatre tentes qui s’y trouvent. J’y vis avec ma famille, en tout nous sommes une quinzaine de personnes. Nous avons à peine eu le temps de nous enfuir, heureusement personne n’a été blessé mais toutes nos affaires sont parties en fumée : les matelas, la vaisselle, même nos vêtements ; nous n’avons plus que ceux que nous portions cette nuit-là.

Une des tentes brûlées sur le camp de Hosnyeh dans le Akkar. Photo envoyée par un de nos observateurs.

Je suis vraiment choqué. Tout cela est arrivé parce que j’ai refusé de donner ma moto à ces Libanais. Quelques jours auparavant, ils étaient venus me voir à mon travail, ils voulaient me la prendre. Je m’y suis opposé, car j’en ai besoin pour aller travailler. Quelques jours plus tard, ils sont venus se venger. Comment peuvent-ils brûler un camp où vivent des personnes ? Il y avait de très jeunes enfants, dont un bébé de trois semaines ! Ils ont fait ça le premier jour de l’Eid al-Fitr en plus (NDLR : cette fête religieuse, très importante pour les musulmans, a lieu à la fin du Ramadan).

Une des tentes brûlées sur le camp de Hosnyeh dans le Akkar. Photo envoyée par un de nos observateurs.

Nous avons fui les bombardements en Syrie, tout ça pour nous faire incendier au Liban. La situation pour les réfugiés est très dure. On doit payer 150 dollars (environ 136 euros, une somme conséquente au regard des faibles rémunérations des réfugiés) par mois et par tente au propriétaire du camp ! On ne se sent pas en sécurité. Il y a beaucoup de racisme au Liban envers les réfugiés syriens, on n’ose pas sortir après 23h le soir, de peur de se faire attaquer. Quand j’ai appelé la police après l’incendie, ils n’ont pas voulu se déplacer et ont dit qu’ils viendraient le lendemain… Et si ces hommes reviennent pour incendier nos tentes de nouveau ? On a très peur.

Cet acte violent n’est pas une première au Liban. Plusieurs tentes ont déjà été incendiées dans d’autres camps, notamment dans la région de la Bekaa à l’est du pays. Après cinq ans de guerre en Syrie, les réfugiés représentent aujourd’hui environ un quart de la population sur le territoire du Liban. Les infrastructures du Liban, insuffisantes et vieillissantes, permettent difficilement d’absorber un nombre si important de réfugiés.

"Beaucoup de Libanais ont l’impression que les Syriens leur ont volé leur travail"

Farah Sankari fait partie de l’ONG local Akkar Network for Development, qui met en place des projets aussi bien pour les Libanais que pour les réfugiés syriens, notamment des cours d’informatique, ou des formations pour une meilleure gouvernance des autorités locales. Elle explique les raisons de ces tensions :

La majorité des réfugiés syriens s’est installée dans les régions les plus pauvres du Liban, où la situation est déjà très difficile pour les Libanais. Dans le Akkar, il y a beaucoup de localités où les habitants vivent dans une grande précarité : ils n’ont pas forcément accès à l’eau courante ou à l’électricité, ni à l’éducation. Le poids des réfugiés est donc d’autant plus lourd pour eux. En effet, ces derniers sont embauchés avec des salaires plus bas, ce qui a eu pour conséquence d’augmenter le chômage chez les jeunes Libanais. Beaucoup ont l’impression que les Syriens leur ont volé leur travail.

"Un certain racisme chez une partie de la population"

Le Akkar a toujours été une zone pauvre où beaucoup de jeunes intégraient l’armée pour avoir une source de revenus, mais ce phénomène s’est vraiment accru depuis le début de la crise syrienne en 2011. Les habitants doivent aussi partager les ressources qui viennent à manquer. Il n’y a pas assez d’eau ou d’électricité pour tout le monde.

Depuis le début de la crise, les ONG internationales ont aussi beaucoup aidé les Syriens, ce qui génère une grande frustration chez les Libanais du Akkar notamment. Ils ont le sentiment d’être appauvris et voient que les Syriens reçoivent de l’aide contrairement à eux. Depuis un an les ONG internationales mettent en place des projets qui aident aussi bien les Syriens que les Libanais, mais toujours dans une moindre mesure. Tous ces problèmes engendrent un certain racisme chez une partie de la population.

Mais la violence est aussi très présente entre les Syriens. La situation de grande vulnérabilité dans laquelle ils se trouvent crée de nombreux problèmes. Les mariages précoces, les abus sexuels et la violence physique sont malheureusement très présents. On essaye d’organiser des activités et des cours, notamment pour les enfants, afin qu’ils ne soient pas isolés. Un enfant qui n’est pas éduqué et vit dans la pauvreté est du pain béni pour les groupes extrémistes, ce qui sur le long terme peut aussi être dangereux pour le Liban.

Selon Wadi al-Asmar, président du Centre libanais des droits de l’Homme (CLDH), l’État libanais est en grande partie responsable de ces tensions. “Le gouvernement devrait trouver le moyen de calmer la situation, mais au contraire c’est un sport national pour les politiciens d’accuser les réfugiés syriens de tous les maux du pays, surtout après l’attaque de Daesh contre le village d’Al-Qaa”, dénonce-t-il. Une attitude qui encourage selon lui certains Libanais à attaquer des réfugiés, en toute impunité.

Article écrit en collaboration avec Marie Kostrz (@mariekostrz), journaliste à France 24.

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