Le président François Hollande le 13 avril 2016 à l'Elysée à Paris

"François Hollande, le moins faible de tous les prétendants de son camp". Ici, le 13 avril 2016 à l'Elysée à Paris.

afp.com/PHILIPPE WOJAZER

En politique comme en football, ce n'est pas toujours le meilleur qui gagne à la fin; mais en football comme en politique, seule compte la victoire. Le résultat marque l'Histoire, la manière ne marque que les esprits. Et pourtant, c'est elle qui engendre l'envie de supporter, d'applaudir, de participer. En 2017, le verrouillage de la campagne présidentielle serait un crime contre l'esprit démocratique et une menace pour l'avenir du pays. Ce scrutin, le plus important de notre République, le sera plus que jamais l'an prochain. Or, alors qu'ils partent en vacances, les Français sont peut-être en train de se faire voler leur élection.

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NOTRE DOSSIER >> Élection présidentielle 2017

En effet, même si tout demeure possible, y compris l'impossible, dans les dix prochains mois, les partis rouillés mais puissants écrivent déjà le scénario dont les électeurs ne veulent pas, celui d'une présidentielle animée par les cinq mêmes candidats qu'en 2012. Nicolas Sarkozy, par son ardeur, fait fondre à grande vitesse la motte de beurre sondagière du juppéisme et pourrait sortir de l'été en favori de la primaire. Si le maire de Bordeaux ne montre pas plus de désir de diriger le pays, les électeurs l'abandonneront: pourquoi confier notre destin à quelqu'un qui n'embrasse pas le sien?

Vers une élection discréditée

François Hollande, lui, a tant désossé les écologistes et divisé les socialistes qu'il est le moins faible de tous les prétendants de son camp, assis sur une miette d'opinion dont il veut faire un char d'assaut. Si Arnaud Montebourg n'incarne pas autre chose qu'un trublion souverainiste, le président sortant gagnera la primaire de ratification qu'il a imaginée, faute de combattants.

Jean-Luc Mélenchon est déjà en lice, qui paralyse toute candidature communiste: coucou dans le nid des cocos, il est le candidat obligé de la France rouge. François Bayrou se présentera si Nicolas Sarkozy gagne la primaire et met d'autant plus d'éloquence à vanter les mérites de Juppé qu'il est certain de le voir battu. Enfin, Marine Le Pen ne voit qu'une différence entre 2017 et 2012: cette fois, les sondages lui promettent tous une présence au second tour...

Hollande, Sarkozy, Bayrou, Le Pen, Mélenchon: alors que le monde est en permanence bouleversé, que tous les repères s'envolent, une telle affiche serait un discrédit pour l'élection elle-même. Elle entraînerait une forte abstention dès le premier tour, facteur favorable, après tant d'autres, à Marine Le Pen.

Suivrait l'envoi à l'Elysée d'un président à la légitimité écornée: battre Le Pen au second après avoir rassemblé 25% des suffrages exprimés au premier tour d'une élection marquée par 40% d'abstention, c'est représenter tous les Français en ayant eu la préférence de 1 sur 10... Arithmétiquement vainqueur et juridiquement incontestable, un tel chef d'Etat serait-il politiquement légitime?

Détournement de scrutin

La combinaison d'une forte abstention au premier tour et d'une large avance de Marine Le Pen, incapable néanmoins de l'emporter au second, signerait la mort de l'élection présidentielle, jadis agora suprême où se nouait le lien entre un peuple et un chef, désormais champ clos des partis. Ce détournement de scrutin se voit déjà dans les primaires, inventées par les appareils pour masquer leur obsolescence: incapables de fournir des idées, les voici agences d'événementiels! Les gladiateurs ont remplacé les Césars, le jeu des clans se substitue au débat devant la nation.

Contre cette confiscation démocratique, les citoyens, s'ils ne peuvent choisir l'affiche, peuvent encore écrire les dialogues. Si le peuple impose des idées neuves à des candidats qui ne le sont pas, tout n'aura pas été vain en 2017.

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