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Tour de France : le peloton à la chasse au poil, ou presque

Simon Geschke attend son tour chez le barbier du village-départ. (Cor Vos/Giant-Alpecin)
Simon Geschke attend son tour chez le barbier du village-départ. (Cor Vos/Giant-Alpecin)

Au-delà de leurs capacités physiques, tous les coureurs au départ du Tour présentaient une similarité : des jambes parfaitement épilées. Le poil n'est pas le bienvenu dans le peloton même si certaines barbes s'immiscent çà et là. Pourquoi ?

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Le principe est tellement ancré dans les esprits du peloton qu’une simple question à ce propos vous fait d’abord passer pour un illuminé. La chose est entendue. «Bah… Quand t’es cycliste tu t’épiles les jambes ! Forcément, oui.» La règle n’en est même pas une, tant elle ne se discute jamais entre coureurs. Mais pourquoi les coureurs s’épilent ?

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1) Pour les chutes
La première crainte du cycliste, c’est la chute. Tous l’ont connue. Même lorsqu’elle intervient à vitesse relative, elle fait forcément des dégâts. «Le coureur peut être brûlé, présenter des abrasions, explique Olivier Feche, kiné et ostéo au sein de l’équipe Cofidis. Là, le fait d’être épilé permet d’éviter les infections et l’amplifications des plaies.» Une questions d’hygiène et de santé donc. Aussi, la pose et le retrait des pansements est plus fluide sur une jambe lisse.

2) Pour les massages
Les cyclistes sont des êtres choyés. Chaque jour après la course, ils passent près d’une heure sur la table de massage. «Pour le masseur et le massé, il vaut mieux qu’il n’y ait pas de poils», assure Christophe Hajaer, masseur chez Cofidis. Pourquoi alors ne voit-on pas autant de jambes épilées dans les autres sports ? «Ce n’est pas le même type de massage. Dans d’autres sport, la pression appliquée sur les membres n’est pas aussi forte, généralement. C’est juste du drainage. Donc il y a moins le risque de tirer sur les poils», détaille Blaise Chauvière, qui s’occupe des coureurs chez Direct Energie.

3) Pour l'esthétique
Baladez-vous avec des poils et un cuissard de cycliste, vous passerez pour un con aux yeux du milieu, sauf si vous vous appelez Peter Sagan. La classe, ce sont les jambes épilées (on dit «les pattes» en langage vélo), le muscle dessiné et les veines bien apparentes. «Un coureur se regarde beaucoup dans la glace, sourit Christophe Hajaer. Quand il voit ses muscles, sa jambe affûtée est davantage dessinée si elle est rasée. Et puis il y a un côté historique. Dans le vélo, tout le monde a toujours fait comme ça.»

«De nos jours, tous les coureurs se ressemblent avec les casques et les lunettes»

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Au milieu de cet océan imberbe qui arpente les routes de France en ce mois de juillet, deux coureurs ont choisi de présenter une barbe fournie sur le peu d’espace laissé par le casque (obligatoire) et les lunettes. «On se rase déjà beaucoup. J’ai envie de laisser un peu de liberté ailleurs», explique Geoffrey Soupe, l’un d’entre eux. Depuis un peu plus de deux ans, le Français de Cofidis et Simon Geschke (Giant-Alpecin) sont devenus des coureurs singuliers, par-delà leurs performances sportives.

«Depuis que j’ai la barbe, les fans au bord de la route me reconnaissent très facilement, raconte l’Allemand. De nos jours, tous les coureurs se ressemblent avec les casques, les lunettes. Moi je dénote pour les gens. Je suis le gars à la barbe de chez Giant – Alpecin. Des marques ont commencé à m’envoyer de l’huile pour barbe, des T-shirts à la gloire de la barbe, c’est marrant.» «C’est clair que ça a changé chez les spectateurs depuis que je l’ai, confirme Soupe. Et à la télé, ma famille me reconnaît plus facilement.»

«Le plus embêtant, ce sont les gels qui viennent dans ta barbe en course, ça te gêne jusqu'à la fin de l'étape»

Si le surcroît de popularité est évident, la barbe présente toutefois quelques inconvénients. «Le plus embêtant, ce sont les gels que tu ingurgites en course. Quand il en vient un peu dans ta barbe, c’est très difficile de l’enlever pendant la course voire impossible, raconte Geschke. Ça te gène et tu dois attendre la fin de l’étape et la douche pour t’en débarrasser. À part ça, ça va.»

Les deux hommes ne sont nullement pionniers. La mémoire cycliste date la première pilosité apparente dans le peloton à la fin des années 1970. À cette époque, le Français Marc Gomez et sa barbe avaient notamment remporté Bordeaux-Saintes. Mais dans un milieu ou l’aérodynamisme est une obsession et la prise du moindre gramme une grande peur, Geschke et Soupe ne risquent pas d’être imités en nombre. On imagine mal Chris Froome et ses «gains marginaux», ses combinaisons comme une deuxième peau, son vélo et son casques profilés débarquer sur le Tour en mode Chabal.

publié le 12 juillet 2016 à 07h45 mis à jour le 12 juillet 2016 à 13h21
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