Attentats de Paris : ce que l'on apprend dans les auditions à huis clos
Le rapport de la commission d'enquête parlementaire sur les attentats de 2015 a été rendu public mardi. Parmi les 1.000 pages, on y découvre plusieurs auditions à huis clos de responsables de la sécurité qui n'avaient jusque-là pas été dévoilées. Le JDD vous résume ce que l'on apprend.
Le patron du RAID a appris la tuerie du Bataclan par... BFMTV
Le soir du 13 novembre, le patron du Raid, Jean-Michel Fauvergue, dîne avec sa femme, ses trois adjoints et leurs épouses respectives. A 21h43 (soit 26 minutes après la première explosion), le patron du Raid reçoit l'appel d'un de ses officiers présent au Stade de France "dans le cadre de la préparation de l'Euro 2016". "Au départ, personne ne croyait à une explosion, mais mon officier y a pensé. Il est sorti du stade, a fait le tour, a vu le cadavre puis a entendu la deuxième explosion. Une fois qu’il a vérifié tout cela, il m’a appelé." Jean-Michel Fauvergue, décide alors de sa propre "initiative" de mettre "en pré-alerte tout le Raid". Il est 21h48. "Je ne suis alors avisé par personne hormis mon officier", précise-t-il. A 21 heures 49, c'est sur BFMTV que le chef du Raid apprend le début de la tuerie au Bataclan. "Comme quoi, cela sert aussi…", lâche-t-il.
La mort de Diesel, berger malinois du Raid, le 18 novembre durant l'assaut de la rue Corbillon à Saint-Denis avait provoqué un large émoi sur les réseaux sociaux. Le maître de Diesel avait même raconté ses derniers instants quelques jours après l'assaut . "Dès que nous sommes arrivés, il y a eu de nombreux échanges de coups de feu, d’envoi de grenades", raconte le maître-chien. "Et puis le calme est revenu, un calme presque anormal, très long." Pensant que les terroristes ont été neutralisés, il envoie Diesel inspecter les lieux. "Il a fait le tour d’une première pièce, qui était dégagée. Il est donc passé dans la deuxième. Je l’ai vu s’élancer, l’ai perdu de vue, et là des coups de feu ont retenti. Et voilà."
Par la suite, plusieurs médias dont Médiapart remettent en cause la version officielle sur la mort de Diesel : "La confusion la plus totale régnait durant cette matinée du 18 novembre. A telle enseigne qu’un gros doute subsiste sur les causes de la mort de Diesel. Jean-Michel Fauvergue, qui avait évoqué dans un premier entretien une Brenneke fatale au chien d’attaque, a évité par la suite de mentionner cette munition de fusil de chasse ou de fusil à pompe. Les terroristes n’avaient, on l’a vu, qu’un pistolet automatique et le fusil à pompe est une arme en dotation au RAID…", expliquait le journal en ligne.
Devant les députés, le patron du Raid s'est montré pourtant très ferme : "Nous avons la certitude (que le chien a été tué par les terroristes, NDLR). Il est enterré à Bièvres, et nous sommes prêts à le déterrer quand on nous le demandera – ce serait dommage pour les maîtres-chiens qui ont quasiment construit un mausolée. Ce que les journalistes ont raconté à ce sujet était aberrant, et énervant."
Quand le patron du Raid contredit celui de la BRIQue faisait la BRI à Saint-Denis lors de l'assaut de la rue Corbillon à Saint-Denis? "Nous sommes allés renforcer le RAID, à sa demande, le 18 novembre : nous sommes arrivés un quart d’heure après", explique le patron de la BRI, Christophe Molmy. Le chef du Raid, Jean-Michel Fauvergue, a lui une tout autre version de l'histoire.
M. le président Georges Fenech. Vous ne mentionnez pas, dans votre rapport, la présence de la BRI-Paris à Saint-Denis. Pourquoi? En l’espèce, je ne crois pas que la Force d'intervention de la police nationale (FIPN, qui donne la prééminence au Raid, avec la BRI en soutien, NDLR) ait été déclenchée.
M. Jean-Michel Fauvergue. La BRI est venue à la fin de l’opération.
M. le président Georges Fenech. À votre demande?
M. Jean-Michel Fauvergue. Non!
M. le président Georges Fenech. Sur la demande de qui?
M. Jean-Michel Fauvergue. Je ne sais pas.
Avec son partenaire le brigadier "Z", il a réussi à neutraliser un des terroristes dans le Bataclan, le commissaire divisionnaire "X", qui refuse de donner son nom pour des raisons de sécurité, est considéré comme l'un des héros du 13 novembre. Devant la commission d'enquête sur les attentats, il a raconté cette nuit d'horreur à huis clos aux députés. Après s'être d'abord rendu vers le Stade de France suite au signalement des explosions, les deux policiers se redirigent vers le Bataclan. Devant la salle, le commissaire découvre les premiers blessés : "Je me rappelle en avoir vu deux : un homme devant le 'Bataclan Café' et une femme devant l’entrée. Nous avons été marqués parce qu’une personne filmait avec un téléphone portable. Nous lui avons dit de dégager."
Lire aussi : Le commissaire qui a tué un djihadiste du Bataclan : "Nous ne sommes pas des héros"
Les deux policiers progressent alors vers le Bataclan : "Nous entendions des tirs en rafales. Nous nous sommes avancés vers la porte vitrée, qui n’était déjà plus là : elle était tombée. Dès que nous avons commencé à progresser, les portes battantes en bois du Bataclan se sont ouvertes vers nous, et entre quinze et trente personnes ont fui en courant dans notre direction et en hurlant. Je me souviens d’un monsieur qui m’a dit : 'Vite, vite, entrez, il y a ma femme à l’intérieur!' Nous avons revu ce monsieur plus tard dans les locaux de la BRI, et il nous a avisés que sa femme était décédée."
Alors que la porte est entrouverte, le commissaire aperçoit l'un des terroristes : "Il avait une Kalachnikov à la main, il était de côté et ne regardait pas dans notre direction. Nous étions à 35 ou 40 mètres, la vision a été très furtive et les portes se sont refermées. J’ai juste eu le temps de le voir deux ou trois secondes. Les gens se sont enfuis et nous avons progressé. J’ai passé un message radio annonçant mon arrivée sur place ; d'après les informations que j’ai ensuite reçues de la salle, il devait être 21 h 54, assez peu de temps après le premier appel à Police-secours." Puis, les deux policiers rentrent alors dans la salle. Ils sont frappés par la présence d'une "lumière extrêmement forte, puisque les spots avaient été allumés, certainement dès le début de l’attaque, par la régie."
Quand les policiers rentrent dans la salle,"les tirs ont cessé". "Là, la vision était indescriptible – vous pouvez l’imaginer. Des centaines de corps – pour nous, tout le monde était mort – étaient enchevêtrés les uns sur les autres : devant le bar, dans la fosse, parfois même entassés sur plus d’un mètre de hauteur. On se rendait vraiment compte que les gens s’étaient jetés les uns sur les autres. Pour nous, il n’y avait aucun survivant : personne ne bougeait, il n’y avait pas de gémissements, pas de bruit, il régnait un silence glacial." Les deux policiers visent alors le terroriste : "Assez rapidement, nous avons pris position et nous avons engagé le tir sur le terroriste. J’ai tiré quatre fois, et mon équipier deux fois. Je pense qu’il a tiré à partir de mon deuxième ou troisième tir, puisque j’ai entendu son dernier coup de feu. L’individu a poussé un râle, s’est affaissé et est tombé au sol. Je pense qu’il est tombé sur le dos." Une explosion se produit alors. Le terrorise a activé son gilet explosif.
Avec le recul, le commissaire explique ne pas avoir "eu de doutes sur la nécessité d’intervenir". "Il est vrai que d’après le protocole, nous aurions peut-être dû rester à l’extérieur. A titre personnel, deux éléments m’ont poussé à entrer. Tout d’abord, je considère qu’en tant qu’homme, on ne peut pas rester dehors pendant que des gens se font massacrer. En outre, on ne choisit pas notre métier par hasard. Si on devient policier, c’est que l’on a un sens du devoir et du service public qui font qu’au quotidien, nous sommes prêts à prendre des risques physiques pour nos concitoyens. C’est le coeur de notre métier, l’une des raisons pour lesquelles nous entrons dans la police. [...] Je ne l’ai pas précisé, mais, avec mon équipier, nous avons eu très peu d’échanges verbaux au moment où nous sommes entrés. Nous nous sommes regardés, je crois avoir dit : 'Il faut qu’on y aille.' Je ne suis même pas certain qu’il m’ait répondu : il m’a regardé et cela m’a suffi pour comprendre que nous étions sur la même longueur d’onde et que dès lors, nous ne faisions plus qu’un. Je crois que nous avons la même perception de notre intervention sur ce point. Peut-être que le grade de commissaire fait peser un poids supplémentaire sur mes épaules. Cela me donne une responsabilité et un devoir d’exemplarité. Si je n’entre pas, personne ne le fera. Je ne peux pas demander à mes effectifs d’entrer si moi-même je ne suis pas devant. C’est ma place en tant que chef de service."
Source: leJDD.fr
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