Géosciences

Le puzzle des plaques tectoniques enfin compris

La croûte terrestre est morcelée en un ensemble de grandes et de petites plaques. Cette structure serait le fruit de l’interaction entre les mouvements convectifs du manteau et la résistance de la croûte.

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La croûte terrestre est un puzzle de 53 pièces : les plaques tectoniques. Ces pièces se classent en deux catégories, les petites et les grandes. Ces dernières sont seulement au nombre de sept : l’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud, l’Afrique, l’Eurasie, le Pacifique, l’Australie et l’Antarctique. Ensemble, elles couvrent 94 % de la surface du globe. Entre ces grandes plaques, on trouve 46 petites plaques complémentaires. Pourquoi une telle répartition, et quels mécanismes ont conduit à ce découpage ? Claire Mallard, du Laboratoire de géologie de Lyon, et ses collègues ont créé des simulations numériques de planètes fictives en 3D pour comprendre comment le découpage de la croûte terrestre s’opère.

La surface de la Terre est en perpétuel mouvement. Cette idée fut avancée pour la première fois par Alfred Wegener au début du XXsiècle, mais la communauté des géophysiciens mit des décennies pour accepter sa théorie de la dérive des continents. C’est dans les années 1950-1960 qu'elle a été reformulée en termes de tectonique des plaques : la lithosphère – la croûte et la partie supérieure du manteau terrestre – est découpée en plaques qui se forment au niveau des dorsales océaniques et disparaissent en s’enfonçant dans le manteau dans les zones de subduction. On peut reconstituer le mouvement des plaques grâce aux anomalies magnétiques enregistrées dans la croûte océanique. Mais celle-ci a une courte durée de vie, en particulier pour les plus petites plaques océaniques, si bien qu'il est difficile de reconstruire leur histoire géologique au delà de 100 millions d’années et d’en déduire les mécanismes sous-jacents.

Claire Mallard et ses collègues ont utilisé des centres de calcul pour créer des terres fictives en trois dimensions. Ces simulations intégraient des formules physiques dites « de convection » qui décrivent les mouvements dans le manteau terrestre. Ces calculs prennent en compte de nombreux paramètres tels la viscosité et la plasticité du manteau.

Les chercheurs ont retrouvé dans leurs simulations une répartition entre grandes et petites plaques équivalente à celle de la Terre. Cela confirme que la répartition des plaques tectoniques est liée aux interactions entre la convection mantellique et la lithosphère. En particulier, les chercheurs ont montré que les dimensions des cellules de convection sont comparables à la taille des grandes plaques ; et que les petites plaques se forment préférentiellement près des zones de subduction, là où les plaques sont soumises à de fortes contraintes en s’enfonçant dans le manteau.

Simulation de la convection mantellique (crédit : C. Mallard et al.)

Par ailleurs, les chercheurs montrent que la répartition entre  petites et grandes plaques a été assez stable sur plusieurs centaines de millions d’années. Jusqu’à présent, les reconstructions de l’histoire géologique, fondées sur des approches statistiques, suggéraient qu’il y a 200 millions d’années, la lithosphère était principalement composée de grandes plaques qui se sont morcelées au cours du temps. Certains chercheurs pensaient néanmoins qu’il devait y avoir plus de zones de subduction dans le passé, mais sans pouvoir le prouver. Cette nouvelle étude appuie cette hypothèse et montre que les modèles précédents surestimaient le nombre de grandes plaques au détriment des petites plaques dans le passé.

Cette sous-estimation a une conséquence directe sur le cycle du carbone. En effet, les zones de subduction sont le siège d’un volcanisme important, et donc d'une émission de grande quantités de dioxyde de carbone. Si les petites plaques étaient plus nombreuses, les zones de subduction et donc le volcanisme qui leur est associé devaient l'être aussi. Des données à prendre en compte pour l’étude du cycle du carbone il y a plusieurs centaines de millions d’années.

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Sean Bailly

Sean Bailly est docteur en physique et responsable des actualités à Pour la Science. @seanbailly.

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Références

C. Mallard et al., Subduction controls the distribution and fragmentation of Earth’s tectonic plates, Nature, vol. 535, pp. 140-143, 2016.

M. Mattauer, La tectonique ous les plaques, Pour la Science, n° 295, mai 2002.

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