Tentative de putsch en Turquie : "Erdogan va être tenté de renforcer son autoritarisme"
Je m’abonne pour 1€/semaineLe président Erdogan sort renforcé du coup d'Etat avorté en Turquie. Jean Marcou, chercheur spécialiste du pays, s'attend à "une répression musclée et sanglante". Interview.
Jean Marcou est enseignant chercheur à Sciences Po Grenoble. Spécialiste de la Turquie, il est co-rédacteur du Blog de l’Observatoire de la vie Politique Turque (OVIEPOT) à l'Institut Français d’Etudes Anatoliennes (IFEA). Interview.
Ce coup d’Etat en Turquie était-il prévisible ?
- Non, pas du tout. Il a surpris tout le monde. Certes, la Turquie est un pays qui connait une forte polarisation entre soutiens et critiques du gouvernement, mais de là à anticiper un coup d’état militaire… L’armée qui a perdu de son influence, paraissait en dehors du jeu politique depuis plusieurs années.
Tentative de coup d'Etat en Turquie : récit d'une nuit sous haute tension
Ça n’a pas toujours été le cas : jusqu’en 2010, le chef d’état-major se comportait en leader politique ; il critiquait régulièrement la politique du gouvernement, donnait des conseils, ou prenait parti. Après 2010, terminé : malgré leurs différences culturelles, le chef d’état-major n’a plus pris publiquement position sur les questions politiques. Là, c’est un soudain retour en arrière. La Turquie a une longue histoire de coups d’état militaires : 1961, 1971, 1980, 1997… Ces putschs successifs ont d’une manière ou d’une autre émaillé l’histoire de la Turquie. L’armée s’est peu à peu installée comme un acteur politique. Mais ce rôle lui a progressivement été enlevé.
A partir de 2011, au moment où a commencé le printemps arabe et la crise syrienne, il y a eu une convergence d’intérêts entre le régime et l’armée, qui ont fait front contre leur ennemi commun, les Kurdes du PKK.
L’armée est donc devenue l’alliée objective du régime ?
- Pas si simple. Au sein même de l’armée, certains n’ont pas accepté cette alliance de raison, considérée comme une soumission de l’Etat major au président Erdogan.
Erdogan a-t-il définitivement domestiqué l'armée ?
Une anecdote : il y a deux mois, le président turc a marié sa fille. Il y avait 6.000 invités, dont plusieurs militaires. Le chef d’état-major a été critiqué pour y avoir assisté… Il a eu beau dire qu’il était dans un rôle de représentation, rien n’y a fait. Il est donc possible qu’il y ait eu des dissensions au sein de l’armée. En même temps, j’y vois surtout une espèce de baroud d’honneur d’une fraction minoritaire de l’armée opposée au pouvoir.
Ce coup d’Etat avait-il la moindre chance d’aboutir ?
- Très vite, cette entreprise m’a semblé perdue d’avance. C’est un coup d’état traditionnel, classique, avec des chars pour bloquer les rues, l’occupation de points névralgiques tels que les ponts, la télé d’Etat… Mais dans le contexte actuel, tout cela semble un peu dépassé. Certes, la télé publique a été interrompue. Et alors ?
Toutes les chaînes privées étaient accessibles, les réseaux sociaux fonctionnaient. Ils ont permis de déminer intox et rumeurs. On a l’impression que ce putsch a été conçu par des gens mal préparés, qui se sont embarqués dans un processus hasardeux.
La population n’a pas semblé en outre prête à supporter les putschistes…
- En effet. Pour qu’un putsch ait une chance de réussir, il faut un cadre favorable : c’est ce que l’écrivain espagnol Xavier Cercas appelle le "placenta d’un coup d’état" : un gouvernement au bout du rouleau, qu’une armée insurrectionnelle pourrait faire tomber comme un fruit mur. On n’est pas dans ce cas de figure.
Malgré leurs divergences, les trois partis d’oppositions, le mouvement national (MHP, ultranationaliste), le Parti républicain du peuple, (CHP, Kémaliste) et le Parti démocratique des peuples (HDP, pro kurde) ont déclaré leur opposition à cette insurrection.
De leur côté, les institutions internationales, l’Europe comme les Etats-Unis, ont réaffirmé l’importance du respect de d’ordre constitutionnel. Elles n’avaient pas le choix. Si encore il y avait eu des centaines de milliers de personnes dans les rues pour soutenir les putschistes, elles auraient pu prendre des distances, mais ce n’était pas du tout le cas.
Les partisans ont été nombreux à descendre dans la rue pour soutenir le gouvernement Erdogan…
- Le président a eu beau perdre la majorité absolue l’an passé, il bénéfice encore du soutien de près de 40% de la population. Il n’a plus l’aura qu’il avait par le passé, mais dans le contexte de guerilla avec les kurdes, et compte tenu des divisions de l’opposition, les turcs savent qu’ils n’ont guère de choix. On ne voit pas pour l’instant se dessiner d’alternance crédible.
Résultat : le président reste capable de mobiliser l’opinion et bénéficie du soutien de la police, qui lui est fidèle depuis qu’il l’a purgé des éléments de la confrérie Gülen…
Justement, c’est ce prédicateur conservateur que le président Erdogan a immédiatement désigné comme étant derrière ce putsch..
- On va voir si l’enquête révèle des éléments tangibles, ou s’il s’agit seulement de tics de langage du président Erdogan qui désigne systématiquement la confrérie Gülen quand il y a un problème.
Tentative de coup d'Etat en Turquie : ce que l'on sait des putschistes
Cela ne me semble en l’occurrence pas très crédible, car l’influence de ce mouvement au sein de l’armée est faible. Ce sont en outre eux qui sont derrière les grands procès qui ont eu lieu dans les année 2010 contre les militaires accusés de "coups d’Etat".
Qu’il y ait des frustrations au sein de l’armée, que celle ci soit divisée, c’est une évidence. Que ca ait à voir avec la confrérie Gulën, c’est une autre histoire… Pour l’instant nous n’avons pas d’élément tangible.
Le président ne va-t-il pas en profiter pour réduire encore un peu plus les libertés individuelles ?
- C’est malheureusement un risque majeur. Je m’attends à une répression musclée et sanglante. Le président sort renforcé de cette crise, et on peut lui faire confiance pour tirer partie de la situation. Il va être tenté de renforcer son autoritarisme, son contrôle sur les médias, sur la presse, sur l’opposition.
En deux ans, 2.000 journalistes ont été poursuivis en Turquie pour "insultes au président". On peut s’attendre à ce que les mesures liberticides s’intensifient. Je ne suis pas sur qu’il ira jusqu’au rétablissement de la peine de mort qui a été une clause essentielle au rapprochement de la Turquie de l’union Européenne.
N’empêche : Cette crise lui est si profitable que certains, sur les réseaux sociaux, évoquent un coup d’état d’opérette. Je n’irai pas jusqu'à ces théories du complot, mais assurément, le pouvoir va utiliser la situation a son avantage.
Propos recueillis par Natacha Tatu
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