Attentat de Nice : dans le centre-ville, la parole raciste se libère

LE FAIT DU JOUR. Les festivités du 14 Juillet ont été stoppées brutalement, lorsque Mohamed Lahouaiej Bouhlel est arrivé à pleine vitesse au volant d'un 19 t. Dans le centre-ville, la parole raciste se libère... Reportage.

Attentat de Nice : dans le centre-ville, la parole raciste se libère

    Il est 8 heures, jeudi matin, quand un jeune quadra à vélo hurle sur la promenade des Anglais bouclée aux voitures et encore désertée par les badauds : « La France aux Français, la France aux Français ! » Un message attisant la haine qui était partagé au lendemain du carnage par des milliers d'utilisateurs de Twitter, à travers le hashtag « Islam hors d'Europe ». Mais aussi par plus d'un Niçois, dans une région où, à chaque élection, le Front national réalise des scores élevés.

    Gérard, par exemple, retraité de 67 ans, est sur cette même longueur d'onde extrémiste. Il ne s'en cache pas, il vient d'ailleurs spontanément nous interpeller pour « vider [son] sac ». « Moi, je suis raciste à mort, je suis FN et je le dis », lâche-t-il en exhibant sa carte d'adhésion 2016 affichant le visage de Marine Le Pen. Il l'annonce même haut et fort devant des habitants issus de la diversité. « Nice commençait à être chaud pour le FN et là, ça va chauffer sévère », pronostique-t-il. Dans son quartier de Carras, où il « voit des voilées partout », le sexagénaire est prêt à en découdre « avec les Arabes », « Ces mecs-là » qui, « si ça continue, nous gouverneront un jour ». « Des milices, j'y crois, je serai le premier dans la rue pour castagner », prévient-il, des « larmes de colère » aux yeux. La poche gauche de son bermuda abrite déjà un Taser, celle de droite une bombe lacrymogène. Il montre du doigt le gouvernement qui « a fait preuve de laxisme » avant que deux passants ayant entendu ses propos n'acquiescent.

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    Marie-Pierre, patronne d'une librairie dans le Vieux-Nice, s'inquiète de cette parole libérée, ouvertement islamophobe. « J'ai peur d'une montée du racisme. Ces derniers temps, j'avais déjà senti des tensions entre certains de mes clients aux origines différentes », observe-t-elle.

    René, septuagénaire, y voit « un échec de l'intégration ». « Mais maintenant, on ne peut plus rien faire, il est beaucoup trop tard, ils sont français. La seule solution, c'était de les renvoyer chez eux il y a déjà longtemps », fulmine-t-il.

    « Il va y avoir des dérapages », craint Imène, étudiante de 24 ans de confession musulmane, un bouquet de roses à la main qu'elle souhaite déposer sur la plage, au plus près de la tragédie.

    Sylvie rejette, elle aussi, « les raccourcis faciles », les boucs émissaires. « Ce que je retiens, moi, c'est que des innocents regardaient le ciel pendant le feu d'artifice et qu'ensuite ils sont montés au ciel à cause d'un humain pire qu'une bête », insiste-t-elle.

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    Au cours Saleya, réputé pour son marché aux fleurs, Roger, un touriste, échange avec Philippe, un restaurateur du coin. « Ces gens-là ne devraient pas avoir le droit d'être sur notre territoire, il faut nettoyer tout ça », suggère le premier. « Mais non, il y a des gens merveilleux chez les Tunisiens, j'ai déjà travaillé avec eux, je n'ai eu aucun problème. Des dingues, il y en a partout dans le monde, on n'est pas plus en danger à Nice qu'ailleurs. On ne peut pas empêcher les fous d'être fous ! La vraie question, c'est : Mais où était la police ? » s'interroge le second.

    D'autres commerçants refusent d'aller sur le terrain de l'intolérance. L'un d'eux a inscrit sur l'ardoise de sa brasserie « Pray for Nice », « Priez pour Nice ». Son confrère, lui, a accroché à la devanture de sa brasserie un maillot noir frappé du slogan en langue régionale « Sieu Nissart ». Traduisez : « Je suis niçois ».