Vétérans américains : après la guerre, la littérature

Dans le cadre de notre série d'été “L’Amérique aujourd'hui”, sélection de romans racontant le retour à la vie civile des soldats enrôlés dans les conflits américains, de la Seconde Guerre mondiale à l’Afghanistan.

Par Gilles Heuré

Publié le 07 juillet 2016 à 14h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 02h51

On ne remontera pas à la guerre de Sécession, la plus meurtrière des Etats-Unis. Mais citons quand même les poèmes de Herman Melville, L’Inspecteur de nuit de Frederick Busch (traduit par Nadia Akrouf, Folio), Lance Weller et son excellent Wilderness avec le vétéran Abel Truman (traduit par François Happe, Gallmeister). Et puis, pendant qu’on y est, Les Proies de Thomas Cullinan (traduit par Morgane Saysana, éd. Passage du Nord-Ouest), adapté au cinéma par Don Siegel avec le titre éponyme, dans lequel le caporal John McBurney alias Clint Eastwood passe du paradis à l’enfer dans un pensionnat de demoiselles. On sautera la Première Guerre mondiale, mais saluons tout de même Compagnie K de William March (traduit par Philippe Beyvin, Gallmeister).

La littérature américaine s’est très tôt emparée de personnages qui pouvaient symboliser, à divers titres, des aspects du retour de vétérans vers la société civile. En voici quelques-uns.

Ed Lacy

Le héros d'A bras raccourcis (traduit par H. Couppié, Série noire n°  268), Hall Darling, est un vétéran de la Seconde Guerre mondiale d’1,59m. Il devient détective privé à son retour et habite sur un bateau à New York. Qu’on ne s’y trompe pas, malgré sa petite taille, ses talents de judoka étonneront quelques adversaires qui lui cherchent des noises, notamment le premier d’entre eux qui demande imprudemment : « Qu’est-ce que tu cherches, demi-portion, une raclée ? »

Lawrence Block

Parmi les héros récurrents de cet excellent auteur, figure Ivan Michaël Tanner, vétéran de la guerre de Corée. En raison d’un éclat d’obus dans la tête qui annihile ses fonctions de sommeil, il passe son temps de différentes façons. Quand il ne rédige pas lui-même des thèses pour étudiants, il est agent secret et se confronte à tous les services idoines des autres pays. On pourra notamment lire Le Voleur insomniaque (Série noire n° 1141), Annulez le Tchèque ! (Série noire n° 1159), Haute Voltige (Série noire n° 1121), Beau Doublé pour Tanner (Série noire n° 1227), Faites sauter la reine (Série noire n° 1248). Réjouissant.

Michael Connelly

Un des héros de cet auteur prolifique est l’inspecteur Hyeronymus (Harry) Bosch, inspecteur du LAPD, ancien combattant de l’enfer vert. Citons notamment l’un de ses premiers livres, Les Egouts de Los Angeles (traduit par Jean Esch, Calmann-Lévy), dans lequel les souvenirs de Bosch, ancien « rat de tunnel », remontent à la surface, c’est le cas de le dire, lors d’une enquête dans les lieux précités.

James Lee Burke

Dave Robicheaux, le héros de ce magnifique écrivain, a été au Vietnam, expérience dont il a rapporté des cauchemars et son colt 1911, arme qu’il n’utilise qu’à bon escient. Dans Dans la brume électrique avec les morts (traduit par Freddy Michalski, Rivages), il rencontre même des fantômes de la guerre de Sécession. Superbe ! Mais difficile de le lire aujourd’hui sans voir Dave sous les traits de Tommy Lee Jones, qui l’incarna dans le film de Bertrand Tavernier (2009).

Robert Stone

Les Guerriers de l’enfer, réédité et retraduit récemment par Philippe Garnier sous le titre La Ligne de fuite (L’Olivier), est un livre qui plonge dans l’Amérique déglinguée des années 70. Le retour difficile au pays, qui n’apprécie pas beaucoup les soldats qui ont été au Vietnam, va faire basculer quelques-uns de ces derniers dans les substances hallucinogènes.

John Maddox Roberts

Les Fantômes de Saigon (Série noire, n° 2638, traduit par Francis Lefebvre), petit polar dans lequel un vét' doit retourner au Vietnam plusieurs années après la guerre et retrouver quelques réflexes d’antan.

Nelson DeMille

Une histoire ancienne (traduit par Hubert Tézenas, Pocket) est dans la même veine que Les Fantômes de Saigon.

Craig Johnson

Walt Longmire, son personnage des Enfants de la poussière (Gallmeister) devenu shérif dans le Wyoming, s'inscrit aussi dans la lignée des Fantômes de Saigon.

William Styron

Les nouvelles d'A tombeau ouvert (traduit par Clara Mallier, Folio) font froid dans le dos.

Karl Marlantes

Retour à Matterhorn (traduit par Suzy Borello, Calmann-Lévy) est un superbe roman sur la guerre du Vietnam. Par la suite, l’auteur, ancien lieutenant des Marines, rédigea Partir à la guerre (même traductrice, même éditeur). Non pas un roman mais un livre de souvenirs qui évoque à la fois son retour aux Etats-Unis et le sort des nouveaux vétérans des guerres d’Irak et d’Afghanistan.

Et aussi…

Kent Anderson : Sympathy for the Devil (traduit par Frank Reichert, Folio) et Chiens de la nuit (traduit par Jean Esch, Folio).
Tim O’Brien : A propos de courage (traduit par Jean-Yves Prate, Gallmeister) et Si je meurs au combat : mettez-moi dans une boîte et renvoyez-moi à la maison (traduit par Alexandre Thiltges,13e Note).
James Patterson : Vendredi noir (traduit par Patricia Delcourt, Folio).
Ben Fountain : Fin de mi-temps pour le soldat Billy Lynn (traduit par Michel Lederer, Albin Michel).

Sur l’Irak et l’Afghanistan, de jeunes auteurs, vétérans, passés par des ateliers d’écriture aux vertus thérapeutiques, ont récemment publié de superbes livres, moins romans que bouts d’horreur vécus.
Phil Clay : Fin de mission (traduit par Jean Happe, Gallmeister).
Michael Pitre : Périmètre de sécurité (traduit par Emmanuelle et Philippe Aronson, Le Seuil).
Kevin Powers : Yellow Birds (traduit par Emmanuelle et Philippe Aronson, Stock).
Et l’on attend les traductions des nouvelles de Matt Gallagher.
Sur le même thème

Cher lecteur, chère lectrice, Nous travaillons sur une nouvelle interface de commentaires afin de vous offrir le plus grand confort pour dialoguer. Merci de votre patience.

Le magazine en format numérique

Lire le magazine

Les plus lus