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Climat

Le gouvernement anglais supprime le ministère du Changement climatique

Conséquence inattendue du Brexit : Theresa May, la nouvelle Première ministre du Royaume-Uni, a supprimé de son gouvernement le ministère chargé de la lutte contre le changement climatique. Et d’autres signes indiquent que la politique environnementale anglaise va être affaiblie avec la sortie de l’Europe.

Moins de 24 heures après la prise de fonction de la nouvelle Première ministre anglaise, Theresa May, les craintes des associations environnementales face à une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne se sont confirmées. Jeudi 14 juillet 2016, Mme May, issue du Parti conservateur, a dévoilé son nouveau gouvernement. Elle a purement et simplement supprimé le département de l’Énergie et du Changement climatique (Decc) de la liste des ministères du gouvernement de Sa Majesté.

Les fonctions de ce département incluaient la représentation du Royaume-Uni aux conventions internationales sur le climat, la responsabilité d’atteindre les objectifs d’émission de carbone et de gérer les subventions pour les énergies vertes. La question du changement climatique et ses attributions sont désormais intégrées au portefeuille du tout nouveau secrétaire d’État (l’équivalent français de ministre) pour les Affaires économiques, l’Énergie et la Stratégie industrielle, Greg Clark.

Cette décision a suscité une volée de bois vert de la part d’anciens ministres, leaders politiques et associations environnementales qui ont condamné ce changement, le qualifiant de « profondément inquiétant » et s’accordant pour dire qu’il s’agit d’un « revers majeur pour les efforts du Royaume-Uni concernant le changement climatique ».

Ed Milliband, l’ancien leader du Parti travailliste et secrétaire d’État au moment de la création du département du Climat en 2008, trouve cette disparition « tout simplement stupide », comme il l’a écrit dans un tweet.

[Traduction : « L’abolition du Decc est tout simplement stupide. Le climat n’est même pas mentionné dans le nom du nouveau département. C’est important car les départements définissent les priorités et les résultats. »]

Certains Conservateurs répondent que ce n’est pas le nom d’un ministère qui fonde ses actions, et que le changement climatique sera mieux « représenté » au sein d’un département plus transversal.

Theresa May, la Première ministre britannique, alors chargée de l’Intérieur dans le gouvernement Cameron, en 2013.

Si les positions de Greg Clark en matière d’environnement sont rassurantes, on ne peut en dire autant de celles de sa collègue Andrea Leadsome, nommée au poste de secrétaire à l’Environnement. Ses votes au parlement prouvent son scepticisme quant au changement climatique et elle s’est déclarée en faveur de la chasse au renard et à la vente de forêts.

En tout cas, le nouveau gouvernement envoie avec cette disparition du climat des priorités un signal très négatif, cinq mois à peine après que 170 pays ont signé l’accord de Paris sur le climat.

En effet, si les Britanniques sont généralement considérés comme des locomotives dans les négociations climatiques internationales, ils se sont également dotés de la législation domestique la plus stricte en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre avec le Climate Change Act. Ce dernier oblige le Royaume-Uni à réduire ses émissions de 57 % d’ici à 2030 et de 80 % d’ici à 2050.

Le Brexit aura des effets négatifs sur la politique environnementale

Le Brexit, décidée par référendum le 23 juin 2016, provoque de nombreuses autres incertitudes sur le plan environnemental, à la fois aux niveaux national et européen. Un rapport de l’Ieep (Institute for European Environmental Policy) souligne que l’intégration au projet européen a permis de nombreuses avancées depuis les années 1970 et « a facilité un approche plus ambitieuse dans de nombreux pays par rapport à ce qu’ils auraient pu réaliser par eux-mêmes ».

Pour Nathalie Hervé-Frounereau, directrice de recherche au CNRS sur les questions de droit de l’environnement dans l’Union européenne, cette approche a été bénéfique aux Britanniques, malgré une politique plus libérale et leur volonté d’avoir toujours un pied dedans, un pied dehors : « Fort heureusement, on vote à la majorité qualifiée au sein de l’Union. Le Royaume-Uni se retrouve donc pris dans la mouvance de l’amélioration des textes. Sans être le plus progressiste des pays, il est obligé de suivre. Alors, bien sûr, les Britanniques rouspètent, marquent leur approche néolibérale, c’est-à-dire réclament peu de contraintes pour les entreprises, mais, une fois le texte adopté, ils sont fair-play et appliquent les textes. »

En cas de confirmation du Brexit, selon la tournure des négociations sur les conditions du divorce , au moins deux scénarios sont envisageables et alimenteront des discussions épineuses pour une situation inédite dans l’histoire de l’UE.

  • 1. Le maintien dans l’espace économique européen

L’option la plus optimiste et la plus probable serait que le Royaume-Uni demande à rester dans l’espace économique européen au même titre que l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein. Cela signifie que l’ensemble de la législation européenne, y compris environnementale, doit être respectée par l’Etat membre. Mais il n’a dans ce cas plus rien à dire sur les négociations européennes et pourrait se retrouver à la traine d’ici quelques années sur la protection de l’environnement.

Dans le scénario d’un Royaume-Uni qui demeure dans l’espace économique européen, la PAC (Politique agricole commune) et la PCP (Politique commune de pêche) ne seront par ailleurs plus en application. Or, la PAC finance notamment les aides à la conversion et au maintien de l’agriculture biologique. Il y a donc un risque de frein au développement de la bio de l’autre côté de La Manche. De même, les pêcheurs français ayant accès aux eaux britanniques, réputées poissonneuses, ont exprimé leur vive inquiétude au sujet de la non application de la PCP. La gestion des ressources en mer sera certainement l’un des points houleux en cas de négociation, l’Europe établissant aujourd’hui les quotas pour l’ensemble des membres et assurant le respect d’une pêche soutenable.

  • 2. Le retrait pur et simple

Dans l’hypothèse où le Royaume-Uni rompt ses accords commerciaux avec l’Union européenne, il ne serait plus tenu d’appliquer la législation commune et pourrait abroger ou réviser les textes nationaux ayant été transposés pour, par exemple, alléger les contraintes environnementales des entreprises. C’est le scénario du pire, mais on peut s’attendre à une forte mobilisation des ONG, comme Greenpeace UK, qui pourraient faire valoir le principe de non-régression.

« Le risque est de constater un amoindrissement de la protection de l’environnement dans des domaines, comme la protection de la faune et de la flore, avec un affaiblissement des moyens financiers et humains dédiés à ces actions », précise Nathalie Hervé-Frounereau.

Enfin, les questions énergétiques ne seront pas épargnées. Le Royaume-Uni s’est toujours montré réticent à l’imposition d’objectifs chiffrés en matière d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique. Et ce dans le but de pouvoir utiliser les énergies de son choix, y compris fossiles. Les dernières déclarations officielles en faveur de l’utilisation des gaz de schiste n’incitant pas à l’optimisme.

Last but not least, la volonté des Britanniques de sortir de l’UE pourrait retarder la ratification de l’accord de Paris sur le climat au niveau européen. Même si celui-ci n’est pas remis en cause, il faudra discuter de la question du partage des efforts entre les pays membres. Cette discussion pourrait être repoussée après les négociations du divorce entre les deux parties, Royaume-Uni et Union européenne, qui ont deux ans pour achever la procédure. Ce qui nous conduirait en 2018.

Tout ceci relève, bien entendu, de la fiction, tant que le gouvernement britannique n’a pas enclenché la procédure de sortie. Les clés sont désormais entre les mains de Theresa May.

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