Les apprentis réservistes suivent des formations de deux à quatre semaines. Photo d'ilustration.

Les apprentis réservistes suivent des formations de deux à quatre semaines. Photo d'ilustration.

PATRICK VALASSERIS

Deux jours après l'attentat de Nice, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazneuve a appelé "tous les Français patriotes qui le souhaitent" à rejoindre la réserve opérationnelle.

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Plan Vigipirate au niveau attentat, opération Sentinelle, prolongation de l'Etat d'urgence... les forces de l'ordre sont à cran et cette réserve est censée les soulager. Elle met à leur disposition un vivier de volontaires issus de la société civile, recrutés selon des critères précis.

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Etudiant, gardien de la paix, ils sont nombreux à avoir répondu à l'appel du ministre de l'Intérieur, sans que la Gendarmerie nationale puisse encore avancer un chiffre. L'Express a récolté le témoignage de quatre d'entre eux, futurs réservistes, pour lesquels l'attentat de Nice a marqué un tournant.

Aymeric, 26 ans: "Tant d'enfants morts, ça m'a décidé"

Aymeric, 26 ans, n'était pas loin de Nice le soir du drame. "J'étais en vacances avec une amie à Fréjus. Nous voulions aller voir le feu d'artifice à Nice, mais on a changé nos plans", explique-t-il. Ce responsable de réception dans une résidence touristique à proximité de Clermont-Ferrand est sensibilisé au surmenage des forces de l'ordre depuis longtemps. Sa cousine est policière à Paris, elle lui a avoué être à bout depuis les attentats contre Charlie Hebdo. "Mais je me suis décidé à m'engager comme réserviste quand j'ai vu qu'il y avait énormément d'enfants parmi les victimes. Ca m'a touché, ça m'a mis les larmes aux yeux. Je veux des enfants. Je n'ai pas envie de leur laisser ce monde-là."

Aymeric a décidé de devenir réserviste avant même l'appel du ministre. Et envoyé un mail à la gendarmerie le lendemain du drame, qui l'aiguille vers la réserve la plus proche de chez lui."Ils m'ont répondu tout de suite, m'ont communiqué la démarche à suivre pour m'inscrire et faire les tests, raconte-t-il. Les délais sont longs pour devenir réserviste, mais mieux vaut tard que jamais".

Ce jeune Français d'origine portugaise assure qu'il s'arrangera pour effectuer ses missions sur ses jours de congé. Le prix à payer pour ne plus rester immobile à regarder "les 'Pray for...' s'additionner dans [sa] timeline."

Samir, 21 ans: "Ils veulent épuiser les forces de l'ordre"

Samir, 21 ans, est élève gardien de la paix à Marseille. Il a décidé de devenir réserviste après les attaques contre Charlie Hebdo, avant l'attentat de Nice, mais effectuera sa première mission d'ici un mois, aux lendemains du drame."L'événement du 14 juillet me donne d'autant plus envie d'agir. Ca a été un nouveau choc. ll faut aider les forces de l'ordre, car le but des terroristes, c'est justement de les épuiser. Il y a eu l'Euro, des restrictions de congés...la situation a été critique cette année", justifie le jeune homme.

Samir a de quoi intéresser la réserve. Il est déjà familier de la garde d'édifices religieux ou de centres commerciaux. Il a postulé à la gendarmerie et à la réserve de la marine nationale, où il propose ses services en réseaux et en télécoms. Quand on s'aventure à le questionner sur les remarques difficiles qu'il a pu entendre comme Français musulman réserviste, il se veut apaisant: "Il n'y a pas de problèmes. Mes proches sont inquiets, mais comprennent très bien ma démarche. Quant aux amalgames, ils viennent d'une minorité mal informée ou inculte."

Emilie, 31 ans: "Pas une décision à prendre à la légère"

Cette maman de deux enfants a 30 ans et est tailleuse de pierre dans le département de l'Allier. Donner un coup de mains aux forces de l'ordre, elle connaît déjà, puisqu'il y a trois mois, elle a demandé à rejoindre les sapeurs pompiers volontaires. "Mais c'est avec l'attentat de Nice que j'ai vraiment réalisé que presque tout le monde pouvait devenir réserviste, se souvient-elle. J'ai laissé un mot sur la page Facebook pour avoir des renseignements sur la réserve de l'armée de terre et ils m'ont redirigée vers la Cirfa. Ils insistaient en disant bien que ce 'n'était une décision à prendre à la légère!'. J'en ai tout à fait conscience."

Emilie explique que son ex-mari était réserviste et l'a déjà sensibilisée à l'exigence de cette démarche. Pour elle, devenir réserviste doit dépasser le seul contexte de lutte contre l'Islam radical.

Timour, 22 ans: "Troisième attentat, on ne reste plus passif"

Timour, 22 ans, est un jeune homme à l'accent BCBG. Etudiant en droit, il fait partie d'une association étudiante affiliée au Rassemblement Bleu Marine. Il explique à L'Express que c'est l'effet de "répétition" du drame de Nice qui l'a poussé à se porter volontaire pour la réserve opérationnelle. "A mes yeux, cet attentat n'a pas un caractère spécial par rapport à ceux de Charlie Hebdo ou du Bataclan, mais au bout de trois fois, on décide de ne plus rester passif."

Il a conscience que les démarches jusqu'aux premières missions seront longues, mais il est prêt à faire preuve de patience. Il suit en ce moment une PMS (une Préparation militaire supérieure), un stage de trois semaines d'initiation aux tâches de l'armée. Est-il contrarié, en tant que sympathisant FN, de répondre à un appel du gouvernement? Il répond qu'il pensait à la réserve "avant" et qu'il entrevoit de toute façon de plus en plus de freiner sur la politique pour se tourner vers l'armée.

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