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Disparitions, torture et meurtres par dizaines : un rapport accable l’armée du Kenya

Selon l’ONG Human Rights Watch, l’armée et les services secrets kényans multiplient les exactions contre les réfugiés somaliens.

Par  (Nairobi, correspondance)

Publié le 20 juillet 2016 à 03h55, modifié le 20 juillet 2016 à 10h06

Temps de Lecture 3 min.

Des policiers kényans battent un manifestant. Nairobi, mai 2016.

Disparitions forcées, enlèvements, torture et meurtres par dizaines : dans un rapport accablant, publié mercredi 20 juillet, l’ONG Human Rights Watch (HRW) dénonce les exactions commises par les forces de sécurité kényanes contre les populations d’origine somalie, à Nairobi et dans le nord-est du pays.

Le texte de 87 pages documente la disparition de 34 personnes ces deux dernières années. Il met directement en cause l’armée (Kenya Defence Forces, KDF) et les services secrets, mais aussi les rangers de la Kenya Wildlife Service (KWS), la puissante agence de protection de la nature.

Outre les enlèvements, les forces de sécurité sont accusées par HRW de torture et d’assassinats à grande échelle, pratiqués notamment dans les camps de l’armée proches de la frontière somalienne. En 2014, dans une série de rapports, l’ONG avait déjà révélé les discriminations et ratonnades subies par les Kényans d’origine somalie.

Ken Roth, directeur exécutif de HRW :

« Là, c’est d’un autre niveau. Ces enlèvements sont d’une grande sophistication, bien supérieurs à ce que nous observions auparavant. Ils n’impliquent pas que la police ou des milices locales, mais les services secrets et l’armée. Ce genre d’opérations ne peut être ordonné que par le gouvernement national. »

Onze corps de disparus, arrêtés par les forces de sécurité, ont été retrouvés, ces deux dernières années, parfois loin de leur lieu d’interpellation. La police n’a jamais cru utile d’enquêter, les démarches des familles pour retrouver les disparus étant classées sans suite. Et, précise le rapport :

« Des mois, parfois même une année plus tard, aucun crime n’a été retenu contre les suspects et les familles demeurent incapables de localiser les corps de leurs proches. »

Les enlèvements se font parfois en public. Ainsi, dans un cas l’armée a fait irruption dans un restaurant de Garissa, la plus grande ville du nord-est, n’hésitant pas à tirer et à arrêter cinq hommes, dont au mois un n’a jamais été revu. « La police de Garissa ne nous a jamais aidés et je pense qu’ils s’en fichent », rapporte un proche de l’un des disparus.

Ces disparitions, insiste HRW, ne sont que « la partie émergée de l’iceberg ». Les familles sont en effet généralement trop effrayées pour porter plainte ou témoigner.

Un désastre pour la lutte antiterroriste

Sont visés en priorité, des Kényans musulmans d’origine somalie, dont des imams ou des étudiants d’écoles islamiques soupçonnés d’accointance avec l’organisation Al-Chabab, responsable des attentats contre le Westgate (2013) et l’université de Garissa (2015). Commentaire du directeur exécutif de HRW :

« Ces abus sont un désastre pour la lutte contre le terrorisme. Ils ruinent la confiance des habitants et des communautés envers les forces de sécurité. Les familles savent que si elles vont se plaindre à la police, ou les informer, elles risquent de disparaître. Cela les rend plus vulnérables aux terroristes. »

Le nord-est du Kenya, où vivent en majorité des populations d’origine somalie, est depuis l’indépendance une zone instable et délaissée par le gouvernement de Nairobi. Entre 1963 et 1967, la guerre des Shifta (« bandits »), aussi sale qu’oubliée, avait déjà opposé l’armée kényane aux populations locales sécessionnistes et refusant la sédentarisation forcée, soutenues en cela par la Somalie indépendante. Le conflit marqué par des atrocités avait fait plusieurs milliers de morts, dont de nombreux civils.

Un Kényan aurait cinq fois plus de risques de mourir sous les balles d’un policier que d’un criminel.

HRW appelle aujourd’hui le gouvernement à « enquêter d’urgence » sur ces disparitions, meurtres et tortures.

« Les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Union européenne, qui sont les principaux bailleurs de fonds des forces de sécurité kényanes, doivent faire en sorte que ces enlèvements cessent. »

Dans un pays où un Kényan aurait cinq fois plus de risques de mourir sous les balles d’un policier que d’un criminel, l’impunité a de fortes chances de triompher. Ken Roth déplore :

« Nous avons envoyé notre rapport au gouvernement. Pour l’instant, nous n’avons reçu aucune réponse. Nous nous heurtons à un mur de pierre. »

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