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Canicule : « Entre un espace rural et la ville, l’écart de température peut être de plus de 10 °C »

Le phénomène des îlots de chaleur urbain transforme les villes en four. Explications avec Erwan Cordeau, de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme.

Propos recueillis par 

Publié le 19 juillet 2016 à 18h02, modifié le 20 juin 2017 à 10h30

Temps de Lecture 4 min.

Les îlots de chaleur urbains ont un effet amplificateur sur les vagues de chaleur (photo d’illustration).

Les fortes chaleurs gagnent du terrain : 51 départements français sont désormais en vigilance orange canicule, contre 16 dimanche, conduisant particuliers et pouvoirs publics à s’organiser pour limiter l’impact de cet épisode inédit depuis douze ans à cette période de l’année. Erwan Cordeau, chargé d’études sur le climat, l’air et l’énergie à l’Institut d’aménagement et d’urbanisme, en présente les causes ainsi que les mesures qui s’imposent pour atténuer le phénomène.

Comment explique-t-on ces pics de température en ville ?

Erwan Cordeau : Ces températures plus élevées sont principalement liées aux îlots de chaleur urbains. Ceux-ci sont produits par l’omniprésence de surfaces minérales qui emmagasinent l’énergie lumineuse. Les chaussées, les routes et les bâtiments emmagasinent la chaleur du soleil alors que la végétation joue un rôle d’atténuation en rafraîchissant l’air.

La journée, la chaleur s’accumule dans les matériaux avant d’être progressivement restituée la nuit. Le vrai phénomène d’îlot de chaleur n’a donc lieu que la nuit, lorsque les surfaces urbaines se refroidissent très lentement. Plus les rues ont la forme d’un canyon urbain, c’est-à-dire étroites et bordées de hauts murs, plus la chaleur a du mal à se dissiper. La ville se refroidit alors plus difficilement encore.

Dans un espace rural, les sols, la végétation et les surfaces aquatiques vont restituer l’eau qu’ils contiennent par évaporation. Ce faisant, ces éléments rafraîchissent l’atmosphère. D’où l’énorme contraste qu’on peut observer entre l’espace urbain et rural.

De quel ordre peuvent être les écarts de température créés par les îlots de chaleur ?

Entre une rue chaude de la ville et un espace vert, on peut observer un écart de température de 4 à 5 °C. Entre l’espace rural et cette même rue, l’écart peut aller jusqu’à 10 °C, voire plus selon l’amplitude de la vague de chaleur.

La pollution atmosphérique amplifie-t-elle l’effet néfaste des pics de chaleur ?

Tout à fait. La dégradation de la qualité de l’air est accrue par les températures élevées. Un pic de chaleur, souvent accompagné d’une absence de vent, empêche les polluants de se disperser. L’ozone en particulier se stabilise alors dans l’air, ce qui pose des problèmes de santé publique majeurs pour les citadins. En outre, il ne faut pas oublier que certains composants de la pollution atmosphérique (particules fines, dioxyde d’azote, ozone…) constituent un facteur aggravant pour la santé, surtout pour les plus jeunes.

Quelles mesures peuvent être prises par les villes qui souhaitent atténuer les îlots de chaleur ?

Il existe de nombreuses solutions mais elles ne s’appliquent qu’au cas par cas. Chaque ville et chaque climat demandent des réponses différentes. En amont, il est possible d’utiliser des revêtements plus clairs pour les façades et les toits. Ainsi le rayonnement lumineux provenant du soleil peut être renvoyé vers le ciel. De même, il est possible d’utiliser des matériaux de construction qui emmagasinent moins la chaleur. La pierre de construction a l’avantage de capter très lentement la chaleur mais elle restitue cette énergie thermique avec la même lenteur, ce qui accroît les températures nocturnes.

Des solutions urbanistiques existent d’ores et déjà. Il faut retrouver des points d’eau en ville afin de permettre aux phénomènes d’évaporation de mieux réguler la température ambiante. Les arbres eux aussi sont un instrument de lutte efficace contre les îlots de chaleur. Ils sont à la fois un obstacle physique à la lumière et de puissants régulateurs de température puisqu’ils peuvent puiser en profondeur l’eau du sous-sol et émettre dans l’air de la vapeur d’eau. Enfin, la végétation sur les toits et les pelouses au sol peuvent avoir un impact bénéfique pour réguler la température. L’effet est néanmoins extrêmement localisé par rapport à l’efficacité des arbres.

Les villes semblent-elles prendre des mesures suffisantes pour lutter contre les îlots de chaleur ?

Il existe encore de nombreuses zones dans lesquelles une végétalisation réduirait les îlots de chaleur. Les villes se doivent d’exploiter les moindres interstices à cet effet.

En période de canicule, l’ouverture des espaces publics verts la nuit serait par ailleurs une mesure efficace pour permettre aux citadins de mieux supporter les îlots de chaleur. La température corporelle a en effet besoin de diminuer après une journée de canicule.

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Une autre solution mise en place, ce sont les ombrières, des protections physiques contre les rayons du soleil. On commence à les utiliser, munies de panneaux photovoltaïques, sur des parkings afin de produire de l’énergie tout en créant de l’ombre. Cette solution technique permet de protéger efficacement les façades les plus exposées aux rayons solaires.

Enfin, ce qui marche avant tout, ce sont les campagnes de sensibilisation pour retrouver les réflexes de bon sens.

Quels sont ces réflexes pour se protéger des fortes chaleurs ?

Fermer les volets pour protéger son chez-soi des pics de chaleur. En outre, il faut notamment utiliser le climatiseur avec parcimonie puisque les degrés épargnés dans la pièce sont autant d’extraction de chaleur dans la ville, ce qui accroît le pic de température.

L’hygiène est aussi un élément important dans les comportements individuels à adopter face aux vagues de chaleur. Boire beaucoup d’eau, peu d’alcool et prendre des repas peu caloriques sont des gestes individuels indispensables pour mieux supporter les épisodes caniculaires.

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