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La nature subviendra de plus en plus difficilement aux besoins humains

Sur 58 % de la surface terrestre, habitée par 71 % de la population mondiale, les services rendus par la nature sont compromis par la disparition accélérée des espèces.

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Publié le 20 juillet 2016 à 18h12, modifié le 20 juillet 2016 à 18h28

Temps de Lecture 3 min.

La dégradation de la biodiversité est telle que l’être humain pourrait être contraint de remplacer de nombreux services rendus par la nature comme la pollinisation.

L’alarme n’est pas tirée par des zadistes opposés à la destruction d’une zone humide. Ni par des militants de la Ligue de protection des oiseaux, inquiets de la disparition des volatiles. C’est une étude publiée dans la revue Science, qui conclut que 58 % de la surface terrestre, habitée par 71 % de la population mondiale, connaît une chute de la biodiversité terrestre remettant en cause la capacité des écosystèmes à subvenir aux besoins humains.

Selon les 23 scientifiques internationaux ayant traité statistiquement 2,38 millions de rapports sur l’état de la faune et la flore terrestres, la diversité des espèces a en effet baissé de 15,4 % sur plus de la moitié des terres émergées. Pour être soutenable, la perte de biodiversité doit rester inférieure à 10 %, selon une autre étude publiée dans Science en 2015. « Cette perte de biodiversité, si elle reste incontrôlée, sapera les efforts vers un développement durable de long terme », concluent-ils.

Tim Newbold, chercheur spécialisé dans l’impact humain sur la biodiversité au sein du University College of London, a dirigé ces recherches. Il est inquiet : « Les fonctions écosystémiques sont gravement menacées par cette disparition des espèces. Dans de nombreuses zones, l’intervention humaine devra bientôt remplacer les services rendus par la nature. »

Pollinisation, épuration des eaux, production d’oxygène…

Ces services écosystémiques sont aussi nombreux que vitaux. La pollinisation, la production de nutriments nécessaires à la croissance des plantes, l’épuration naturelle des eaux ou encore la production d’oxygène sont pourtant menacées par la baisse de la biodiversité des écosystèmes. Le directeur de recherches doute de la capacité de l’être humain à imiter la nature grâce aux innovations technologiques : « Je ne pense pas que quiconque puisse aujourd’hui affirmer que l’être humain en est capable. »

Pour Pierre-Henri Gouyon, chercheur à l’institut de systématique, évolution et biodiversité au Muséum national d’histoire naturelle, la question n’est pas tant de savoir si une telle option est réalisable, mais souhaitable : « On pourrait sans doute remplacer les abeilles par de petits robots. Ce serait avant tout moins efficace et plus coûteux. Tout cela alors qu’on pourrait préserver la biodiversité et les services écologiques qui en découlent. Ce n’est tout simplement pas le monde dans lequel je nous souhaite de vivre. »

Cette érosion de la biodiversité est documentée de longue date par la communauté scientifique. En 2009, une équipe internationale de chercheurs, menée par Johan Rockström, définissait neuf limites planétaires à ne pas dépasser. L’étude portait notamment sur les seuils à respecter en matière d’utilisation de l’eau douce, de pollution chimique et de changement climatique. Ils concluaient déjà à une érosion de la biodiversité qui mettait en danger les écosystèmes dans lesquels l’être humain vit.

Echelle globale

« La force de cette nouvelle étude réside surtout dans la méthodologie employée et l’échelle globale qu’elle utilise », commente Pierre-Henri Gouyon. L’analyse porte en effet sur près de 39 123 espèces réparties sur 18 659 sites terrestres. L’équipe de Tim Newbold peut donc se targuer d’avoir réalisé le premier calcul des effets de l’activité humaine sur la biodiversité au niveau planétaire.

Autre originalité de l’étude : avoir tenu compte de l’abondance des espèces. Un paramètre qui permet d’observer avec une plus grande finesse le nombre d’individus présents dans les milieux naturels. « Alors que la défaunation [réduction du nombre d’individus au sein des espèces animales] est de plus en plus importante, une telle précision est une nécessité absolue », juge la philosophe de l’environnement Virginie Maris. Les rapports précédents se fondaient sur le statut des espèces pour en déduire l’état de la biodiversité. La densité déclinante des populations animales était alors souvent ignorée.

Exploitation des sols

Malgré des études scientifiques toujours plus nombreuses et précises, la dégradation de l’environnement se poursuit au même rythme, notamment l’exploitation des sols, qui détruit habitats et biodiversité. D’après un rapport sur l’utilisation des terres du programme pour l’environnement des Nations unies, publié en 2014, la demande croissante de denrées alimentaires entraînera une conversion de 190 millions d’hectares de terres en surface agricole d’ici à 2020 dans le monde.

Pour Tim Newbold, il est alors impératif de mettre dès à présent en place une protection efficace de la biodiversité. « Nous profitons gratuitement de services écosystémiques dont la valeur est astronomique », rappelle-t-il. En 2014, une étude menée par l’économiste américain Roberto Costanza concluait que la valeur de ces services écologiques globaux s’élevait à 125 000 milliards de dollars par an.

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« Le rapport de l’être humain au monde naturel ne se limite pas à cette logique économique, regrette toutefois Virginie Maris. La biodiversité englobe aussi un ensemble de valeurs culturelles, esthétiques et morales qu’il serait plus intéressant d’approfondir pour aboutir à une réelle protection des écosystèmes. »

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