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Comment un hashtag islamophobe est devenu le sujet numéro un sur Twitter

Une étude révèle que les opposants aux discours haineux participent paradoxalement souvent à la diffusion de leurs mots-clés, à l’image de #IslamHorsDEurope le 15 juillet.

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Publié le 21 juillet 2016 à 09h54, modifié le 21 juillet 2016 à 10h34

Temps de Lecture 3 min.

Sur Twitter, les internautes dénonçant les mots-clés haineux sont ceux qui en réalité participent le plus à leur donner de la visibilité. C’est, en substance, la conclusion à laquelle est arrivé le laboratoire belge Reputatio Lab, qui a étudié la diffusion des mots-clés islamophobes, notamment #IslamHorsDEurope, après l’attentat de Nice qui a fait 84 morts et plus de 300 blessés.

Vendredi 15 juillet vers 23 heures, le mot-clé anti-islam était en tête des sujets de conversation sur le réseau social. Il a été lancé dans le cercle des comptes d’extrême droite dans la nuit, mais, remarque Reputatio Lab, n’a pas rencontré d’audience au-delà de son cercle d’origine.

En milieu de journée, il n’était déjà plus utilisé dans sa communauté d’origine. « Le hashtag aurait plafonné et serait mort de sa belle mort vers 16 heures s’il n’avait pas été repris par ceux qui s’y opposaient », souligne l’auteur de l’étude, Nicolas Vanderbiest, interrogé par Le Monde.

C’est notamment une série de tweets d’indignation d’un internaute se revendiquant musulman et extrêmement suivi, vers 16 heures, qui lui a donné une large exposition et a relancé son usage.

C’est à partir de 16h que l’utilisation du hashtag se démocratise, surtout pour le condamner.

Dès lors, relève Reputatio Lab, ce sont essentiellement les messages de condamnation du mot-clé qui contribuent paradoxalement à le faire monter, à la faveur des algorithmes de Twitter, qui ne distingue pas les contenus positifs des négatifs.

Le cas n’est pas inédit. En janvier 2015, rappelle le laboratoire belge, #JeSuisKouachi, né d’un tweet au second degré, a été repris d’abord par des djihadistes hors de France, puis par l’extrême droite, avant d’être propulsé trending topic (« sujet tendance ») à la suite d’une vague d’indignation.

Plus de 90 % de tweets anti-islamophobie

Sur les vingt tweets mentionnant #IslamHorsDEurope, les plus partagés, tous sont hostiles au mot-clé. Deux des trois les plus retweetés rappellent que certaines victimes de l’attentat étaient musulmanes. Mais comme le souligne Nicolas Vanderbiest, « sur Twitter, il est impossible de lutter contre un hashtag sans le faire monter » dans le classement des sujets de conversations.

L’immense majorité des tweets reprenant #IslamHorsDEurope étaient hostiles au discours islamophobe.

Le réseau social utilise des algorithmes au fonctionnement secret pour établir les trending topics. Plus encore que le nombre de tweets, qui n’est pas pris un compte s’il est élevé mais stable, c’est la variation du nombre de mentions, l’étendue géographique et le nombre des utilisateurs qui en parlent ainsi que le relais de comptes influents qui sont les principaux facteurs de mise en avant des mots-clés, explique l’auteur de l’étude.

Le 15 juillet, faute d’autre sujet de conversation important, il a suffi de 3 000 tweets pour que #IslamHorsDEurope devienne le sujet numéro un à 23 heures.

Les limites de Twitter

Il faut donc prendre la visibilité de ce mot-clé avec précaution. D’une part, il faut se garder d’y voir une photographie de la pensée en France, avertit Nicolas Vanderbiest :

« Twitter ne représente pas la France, d’autant que l’électeur du Front national est plutôt dans les campagnes. Par ailleurs, comme on le voit avec les sondages, qui doivent chaque fois être redressés, on sait qu’il y a des écarts entre ce que les gens pensent et ce qu’ils déclarent. Ces 8 % représentent seulement ceux qui s’annoncent antimusulmans. »

D’autre part, partage ne signifie pas adhésion, et le sujet de conversation le plus discuté le 15 juillet au soir était loin de révéler l’explosion de la parole islamophobe. Sur 36 410 mentions recensées de #IslamHorsDEurope, 92 % des utilisateurs appartenaient au contraire à des sphères anti-islamophobie.

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L’étude des interactions sur le réseau social révèle d’ailleurs que le compte le plus influent dans la diffusion du mot-clé n’appartient pas à la sphère d’extrême droite (en bleu sur le schéma), mais à Mouloud Achour, journaliste à Clique TV et cofondateur de Téléramadan, une revue anti-islamophobie, dont le message a été retweeté plus de 5 000 fois.

Carte des interactions autour du mot-clé IslamHorsDEurope : l’extrême-droite, en bas à droite en bleue, est isolée et minoritaire.

Moralité : sur Twitter, pour ne pas participer à la diffusion d’un mot-clé que l’on désapprouve, la solution est de ne pas en parler.

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