Police morale en Malaisie contemporaine
**Norani Othman, Zainah Anwar and Zaitun Mohamed Kasim, « Malaysia : Islamization, Muslim politics and state authoritarianism », in Norani Othman (ed.) Muslim Women and the Challenge of Islamic Extremism, Sisters in Islam 2013, p. 96-97.
Parallèlement à cela, des institutions comme le JAWI (Jabatan Agama Islam Wiliayah Persekutuan ou Federal Territories Islamic Department) et le JAIS (Jabatan Agama Islam Selangor ou Selangor Islamic Religious Department), le Majlis Fatwa Kebangsaan (National Fatwa Council) furent investies – entre autres – de la possibilité de réguler la moralité.
Il faut noter à ce propos que les fatwa jouent un rôle non négligeable dans la régulation de la moralité, la criminalisation des comportements jugés comme contraires à la morale, ou contraires à la religion et sur le contrôle de la vie privée des Malaisiens musulmans. Rappelons qu’une fatwa est un avis religieux émis par une institution, comme le Majlis Fatwa Kebangsaan, ou un mufti. Les fatwa ne sont pas une condamnation au sens propre du terme, et toutes ne sont pas adoptées : les Etats sont libres de les adopter ou non. Cependant, celles qui sont entrées en vigueur ne peuvent être remises en question : il est illégal de les contester. De plus, une fatwa, même non adoptée, continue à avoir un impact non négligeable sur le mental des Musulmans ordinaires.
En ce qui concerne les fatwa, on peut aussi relever la fatwa contre la pratique du yoga par les Musulmans en 2008 ; une fatwa contre la participation des Musulmanes au concours de Miss Malaysia World 2013… Du point de vue des autorités responsables des raids, les arrestations et fatwas, toutes ces opérations n’ont pour autre but que d’empêcher la dégradation morale des Musulmans. Du point de vue des victimes de ces opérations, cela s’apparente plus à une intrusion dans leur vie privée et une atteinte aux libertés.
La presse officielle en langue malaise se fait l’écho de multiples raids ou actions organisés à l’encontre d’individus ayant transgressé les règles morales (et par conséquent religieuses), contribuant ainsi à maintenir les Malaisiens, et particulièrement ceux d’obédience musulmane, dans un climat de crainte et d’hypocrisie.
Comme le souligne l’activiste Norani Othman de l’ONG Sisters in Islam, peu de Musulmans en Malaisie ont le courage de s’opposer aux opérations menées par les autorités religieuses, et ce, même lorsque ces dernières sont criantes d’injustice et témoignent d’une idéologie rétrograde difficilement acceptable. La population a été amenée progressivement à accepter que seules les autorités religieuses avaient le pouvoir de trancher sur ce qui est islamique, et par conséquent moral, et sur ce qui ne l’est pas.
De nombreux individus se convainquirent de leur manque de légitimité pour contester en raison de leur ignorance – réelle ou imaginée – des choses de la religion*.
Voir également le Joint Statement ; Malaysian Against Moral Policing
Ainsi, le raid de Zouk de 2005 secoua l’opinion publique et une réelle mobilisation se structura. Peu de temps après, plus de 50 ONG et 220 individus formèrent un mouvement, le Malaysians Against Moral Policing, réclamant la révision des lois civiles et islamiques de la Malaisie*. Plus récemment, les membres du mouvement G25 et d’autres ONG cherchèrent à attirer l’attention sur le fait que la participation de la police lors des opérations menées par les autorités religieuses n’est stipulé dans aucune clause du Police Act. Ils remettent également en question la mobilisation des forces de police pour ces opérations de « moral policing » et regrettent que ces dernières ne soient pas plus mobilisées pour réprimer de réels crimes.
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