Le candidat à la présidence américaine Gary Johnson à Washington, le 9 mai 2016

Le candidat à la présidence américaine Gary Johnson à Washington, le 9 mai 2016

afp.com/Nicholas KAMM

Son nom ne vous dit sûrement rien. Son visage non plus. Gary Johnson est pourtant candidat à l'élection présidentielle américaine. Cet ancien gouverneur républicain du Nouveau-Mexique se présentera en novembre sous la bannière du Parti libertarien. Loin d'être folklorique, sa candidature prend un nouveau relief. L'homme de 63 ans est crédité de 13% d'intentions de vote dans un sondage publié par CNN et réalisé mi-juillet. Candidat en 2012, il avait récolté moins de 1% des voix.

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A deux points du ticket d'entrée pour les débats présidentiels

Deux points le séparent de la barre des 15%, le ticket d'entrée pour les débats présidentiels à l'automne, face à Hillary Clinton et Donald Trump. Aucun candidat indépendant n'est parvenu à s'immiscer dans ces joutes oratoires depuis Ross Perot, en 1992. "Si vous n'êtes pas dans ces débats, vous n'avez aucune chance de gagner, confie l'intéressé au New Yorker. C'est le SuperBowl de la politique." S'il parvient à rejoindre ces débats, "alors l'élection la plus imprévisible de l'ère moderne sera encore plus bizarre", résume l'hebdomadaire.

Le courant libertarien est vivace aux Etats-Unis. Sans équivalent en France, il prône une liberté individuelle absolue et une réduction du rôle de l'Etat fédéral dans l'économie. Progressiste sur les questions de société -le mouvement est favorable au mariage gay et à la légalisation des drogues-, il est adepte d'un libéralisme total en matière économique.

"Prendre le meilleur des démocrates et des républicains"

Les libertariens proposent "le meilleur des démocrates" avec "la liberté et le droit de chacun de prendre des décisions concernant sa propre vie" et le meilleur des républicains avec le principe d'un "gouvernement réduit", explique Gary Johnson, rappelle La Tribune. De quoi mordre sur les deux côtés de l'échiquier politique.

Mais ce sont bien les deux candidats officiels qui sont le carburant de Gary Johnson. Ils sont les mal-aimés de cette campagne. 57% des électeurs ont une opinion défavorable de chacun des deux impétrants, indiquait en mai un sondage publié par le Washington Post. "Nous avons les deux candidats les plus clivants" se réjouit Gary Johnson, certain qu'un espace se dessine pour lui. L'un de ses slogans: "Une alternative crédible au ClinTrump."

Perçue comme froide et distante, Hillary Clinton ne lève pas les foules, quand elle ne suscite pas carrément la haine de ses opposants. A gauche, les électeurs de Bernie Sanders, candidat malheureux à la primaire démocrate, pourraient être attirés par les opinions progressistes du libertarien: il prône la régularisation des immigrants illégaux et s'oppose aux interventions militaires à l'étranger. Gary Johnson a ainsi créé un quiz sur un site web pour montrer aux supporters de Bernie Sanders qu'ils étaient proches de ses thèses, indique Le Point.

"Trump voit notre pays comme une terre d'exclusion"

Ses réserves de voix semblent surtout importantes à droite. Nombre de républicains modérés, lassés des outrances verbales de Trump, pourraient se tourner vers lui. La Convention républicaine de Cleveland, désertée par les hiérarques du parti, a illustré les fissures qui gangrènent la droite américaine. C'est donc au magnat de l'immobilier que Gary Johnson réserve ses flèches les plus acérées.

"En tant qu'ancien républicain, je suis choqué que le parti d'Abraham Lincoln investisse un homme dont la vision de l'Amérique n'a rien à voir avec le parti que j'ai connu, écrit-t-il dans une tribune au vitriol publiée par Politico. Donald Trump voit notre pays comme une terre d'exclusion. Sa campagne n'est qu'une série d'attaques sur ses opposants."

L'identité du colistier de Gary Johnson illustre cette stratégie de conquête de l'électorat modéré. Gouverneur républicain du Massachusetts entre 1991 à 1997, William Weld est un opposant farouche à Donald Trump. Il a ainsi comparé sa proposition d'expulser du territoire américain 11 millions de clandestins à la "Nuit de Cristal" de 1938.

Gary Johnson n'a évidemment aucune chance de prêter serment sur la bible en janvier prochain. Aux Etats-Unis, impossible de remporter la magistrature suprême sans le soutien d'un des grand partis. Fin mars, son compte de campagne n'affichait qu'un solde de 35 000 dollars, à mettre en regard des 29 millions de Hillary Clinton. Mais sa campagne anti-Trump pourrait coûter cher au magnat de l'immobilier. Lors de la présidentielle 2000, l'écologiste Ralph Nader n'avait récolté que 2,7% des voix. Infime, mais suffisant pour provoquer la défaite d'Al Gore face à George W. Bush.

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