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Qui est Isabel dos Santos, la femme la plus riche d’Afrique ?

La fille du président angolais José Eduardo dos Santos a été nommée en juin à la tête du conseil d’administration de la Sonangol, la société nationale des hydrocarbures.

Par  (à Luanda, Angola) et

Publié le 22 juillet 2016 à 14h51, modifié le 22 juillet 2016 à 16h46

Temps de Lecture 5 min.

Isabel dos Santos, en mai 2014 au Portugal.

Son père préside un pays, elle dirige un empire. Isabel dos Santos, fille du président angolais José Eduardo dos Santos, a été nommée le 2 juin à la tête du conseil d’administration de la Sonangol, la société nationale des hydrocarbures. En plus d’une fortune estimée, selon le magazine Forbes, à 3,3 milliards de dollars (3 milliards d’euros), celle que les Angolais surnomment la « Princesse » se retrouve aux commandes d’une société qui présentait un chiffre d’affaires de 40 milliards de dollars en 2013.

Lors de sa première conférence de presse, donnée dans la cafétéria de l’entreprise, la fille du président, âgée de 43 ans, s’est efforcée de rassurer. « Nous sommes très attachés à la transparence et déterminés à améliorer les bénéfices », a déclaré la nouvelle présidente qui souhaite recentrer la firme exclusivement sur les hydrocarbures.

« Risques de conflits d’intérêt »

A Luanda, la capitale, la nomination a provoqué la colère de l’opposition et celle de Rafael Marques, journaliste et président de l’ONG anticorruption Maka Angola. « Cette décision est purement dictatoriale, s’est-il emporté. Cet acte de népotisme est illégal et nous allons le contester devant les tribunaux. Entre cette entreprise publique qu’est la Sonangol et les multiples sociétés dirigées par Isabel dos Santos, il y a d’importants risques de conflits d’intérêts. »

Isabel avait 6 ans lorsque son père est arrivé au pouvoir. Aujourd’hui, elle n’est pas que la fille d’un président milliardaire. Mariée au riche collectionneur d’art congolais Sindika Dokolo avec qui elle a eu trois enfants, elle a la réputation d’être une « business woman » tenace et exigeante, sous des airs discrets. Née à Bakou (en Azerbaïdjan soviétique, où son père avait suivi des études d’ingénieur) d’une mère championne d’échecs, celle qui dit avoir une « vie normale » à Luanda a grandi à Londres, où elle a étudié l’ingénierie mécanique au King’s Collège. Dans l’une des rares interviews qu’elle a accordées, elle raconte au Financial Times en 2013, avoir toujours eu le sens des affaires. « Je vendais des œufs de poule quand j’avais 6 ans », confie celle qui rêverait que son histoire soit perçue comme une success-story.

C’est en rachetant, à 24 ans, un restaurant de Luanda que la « Princesse » ambitieuse a commencé sa carrière dans les affaires. Mais c’est en 1999 qu’elle a pris son envol en remportant un appel d’offres lui a permettant de contrôler Unitel, le premier opérateur de téléphonie mobile du pays. « La fortune d’Isabel vient des décrets présidentiels de son père qui est un dictateur corrompu jusqu’à la moelle, assène Rafael Marques. Sans la corruption organisée par son père, elle ne posséderait rien… Elle est à craindre car elle tient à sa disposition l’appareil répressif de l’Etat, ainsi que le pouvoir institutionnel qui permet d’éliminer ou de punir ceux qui s’opposent à ses démarches. »

L’ancien pays colonisateur

Son empire financier s’étend aujourd’hui bien au-delà des frontières de l’Angola. Au Portugal, Isabel dos Santos a massivement investi puisqu’elle contrôle 19 % de BPI, la quatrième banque de l’ancien pays colonisateur. Elle possède également des actions dans plusieurs sociétés, dont 10 % dans Zon Multimedia, spécialisée dans les télécommunications. Mais être la femme la plus riche d’Afrique – certes loin derrière Liliane Bettancourt, la femme la plus riche du monde avec ses 36,1 milliards de dollars – ne suffit pas.

La Sonangol a été fondée en 1976, soit vingt-six ans avant la mort de Jonas Savimbi, l’ancien chef de l’Unita, qui reste le principal parti d’opposition du pays. « La compagnie a eu une croissance extrêmement rapide après la fin de la guerre civile en 2002, en doublant son volume de production et grâce à un prix du baril qui est passé d’une trentaine de dollars à 147 dollars en 2008, explique Benjamin Augé, spécialiste des questions énergétiques à l’Institut français des relations internationales (IFRI). La société a ainsi pu investir dans toutes les infrastructures. »

Mais depuis la chute des cours, la Sonangol traverse une période délicate et le pays s’enfonce dans la crise. L’inflation a atteint, en mai, 29,2 % en glissement annuel et le kwanza, la monnaie nationale, s’est dépréciée de 40 % par rapport au dollar. « La Sonangol reste la première entreprise du pays et la colonne vertébrale de l’économie, explique Samuel Nguembock, chercheur à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS). Mais dans un moment difficile de son histoire, elle n’a pas bénéficié d’un management très rigoureux. »

Gestion opaque et haut niveau de corruption

L’Angola, qui figure à la 163e place sur 167 au classement de Transparency International, est régulièrement pointé du doigt pour sa gestion opaque et son haut niveau de corruption. Les inégalités sont criantes dans ce pays lusophone d’environ 25 millions d’habitants, où le taux de mortalité infantile est le plus élevé au monde, selon un rapport de l’ONU publié en 2015.

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Au pouvoir depuis 1979, José Eduardo dos Santos, âgé de 73 ans, a annoncé qu’il mettrait un terme à sa carrière politique en 2018, soit un an après la présidentielle. Personne ne sait pourquoi il a coché cette date et personne n’est obligé de le croire. Mais une chose est sûre : il réfléchit à sa succession. Faut-il voir dans la nomination de « Zabelinha » une amorce dans la transmission du pouvoir politique, un marchepied vers la présidence ? « Cela n’a rien à voir avec la politique, a répondu sa fille, de sa voix timide. J’ai été amenée dans ce projet grâce à mon expérience dans le secteur privé. »

En juin 2013, José Filomeno de Sousa dos Santos, fils du président, a été officiellement propulsé à la tête d’un fonds souverain lancé en octobre 2012 et doté de 5 milliards de dollars. Agé de 38 ans, certains à Luanda voient celui que l’on surnomme « Zenu » comme capable de succéder à son père. La nomination de sa demi-sœur, l’aînée des quatre enfants du président, à la tête de la Sonangol laisse penser aussi que la gestion économique de l’Angola doit rester une affaire de famille.

Mais l’avenir politique est plus difficile à décrypter. « La Sonangol est depuis toujours la caisse du régime, rappelle Benjamin Augé. Tous les secrets de l’Etat y sont cachés. Confier les postes clés de l’économie à ses enfants permet à José Eduardo dos Santos de s’assurer que sa famille va protéger l’argent du clan après son départ : celui du MPLA [Mouvement populaire de libération de l’Angola, le parti au pouvoir], mais aussi celui de la famille dos Santos. » Une stratégie classique dans les pays producteurs de pétrole.

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