Plus d'un millier de personnes s'étaient réunies à Beaumont-sur-Oise en hommage à Adama Traoré.

Plus d'un millier de personnes se sont réunies à Beaumont-sur-Oise en hommage à Adama Traoré.

Julie Thoin-Bousquié

Ils se sont réunis par centaines vendredi sur le terrain de football du quartier Boyenval, à Beaumont-sur-Oise. "C'était un grand sportif, il adorait le foot", répètent à l'envi les proches d'Adama Traoré, décédé mardi dernier après s'être interposé lors de l'interpellation de son frère. Sous la chaleur, tous attendent la conférence de presse que s'apprête à donner la famille, avant le départ de la marche blanche en hommage au jeune homme de 24 ans.

Publicité

"Nous souhaitons rétablir quelques vérités en présence de notre avocat", parvient finalement à lancer au micro Lassana Traoré, le frère aîné, devant la foule compacte de journalistes et habitants. Frédéric Zajac annonce avoir sollicité une contre-expertise "indépendante". "Le rapport d'expertise n'a pas donné de conclusions", défend l'avocat. "Je veux que la famille sache la vérité", martèle-t-il.

LIRE AUSSI >> Mort d'Adama Traoré: l'avocat Karim Achoui met son grain de sel

Frédéric Zajac en profite aussi pour égratigner son confrère, Karim Achoui, qui a fait état jeudi sur Twitter de sa prétendue désignation par la famille. "Il ne faut pas écouter ceux qui parlent sans en être chargés", attaque le juriste.

"La violence, elle a commencé quand mon frère a été tué"

Jeudi, les résultats de l'autopsie donnés par le procureur ont fait état d'une "infection très grave" chez Adama Traoré, "touchant plusieurs organes". Mais il tend à écarter la piste d'une éventuelle bavure policière. "Manifestement cette personne n'aurait pas subi des violences, comme certains membres de sa famille ont pu le dire", a tranché le procureur de la République de Pontoise Yves Jannier.

LIRE AUSSI >> Mort d'Adama: "Le légiste peut être trop prudent, mais pas cacher des choses"

Autour de la table où sont posées des fleurs blanches et les micros des journalistes, personne ne croit pourtant à cette version. "Vous parlez des violences, des casses. Mais la violence, elle a commencé quand mon frère a été tué!", laisse éclater Hassa Traoré, la soeur de la victime, avant de passer un appel à témoins pour reconstituer les faits. "Il était beau mon frère, costaud, il avait toujours le sourire, personne ne pourra dire que c'était un garçon méchant", enchaîne-t-elle, la voix tremblante.

"Justice pour Adama", réclament la famille et les proches du jeune homme tué lors de son anniversaire mardi dernier

"Justice pour Adama", réclament la famille et les proches du jeune homme tué lors de son anniversaire mardi dernier.

© / Julie Thoin-Bousquié

"Malheureusement pour lui, avec cet acharnement policier qu'il a vécu pendant plusieurs années, il est mort", ajoute la jeune femme, drapée dans sa robe noire. Elle n'en dira pas plus. "Vous n'avez pas à nous imposer vos règles", interrompt un jeune habitant, face aux questions des journalistes. "Ils vous disent qu'ils n'en diront pas plus sur le sujet!", s'énerve-t-il. Autour de lui, la défiance vis-à-vis des médias est palpable.

"Tout ce que vous avez dit sur Adama et ce qu'il s'est passé, c'est faux", marmonne un autre. Après quelques instants de tension, Frédéric Zajac, l'avocat, explique avoir obtenu la relaxe du jeune homme lors d'une procédure l'année dernière. "On veut que le rassemblement se passe dans le calme", tempère de son côté la famille Traoré. "On veut seulement la justice pour Adama, c'est sa journée!"

"On ne veut pas d'amalgames"

Dans le cortège qui se forme au terme de la conférence de presse, des t-shirts imprimés "Justice pour Adama - sans justice, vous n'aurez jamais la paix", sont distribués. Quelques slogans "Black live matters", "mais que fait l'Etat?", disparaissent rapidement dans la foule. Sous le soleil de fin de journée, plusieurs milliers de personnes sont venues gonfler les rangs. "Il ne faut pas que la vérité reste dans leurs tiroirs", explique un manifestant débarqué de Paris.

"La question de l'infection, on n'y croit pas", lance Mathieu, en écho aux propos tenus lors de la conférence de presse. Ce jeune habitant de Beaumont raconte, comme tous, avoir "souvent vu Adama jouer au football". "On nous a fait le coup du malaise, maintenant de l'infection grave? Il était en bonne santé. Tout est faux!" s'emporte-t-il.

Plus loin, devant la Place du Château, des participants s'en prennent aux deux policiers qui bloquent la rue. "Assassins!", "c'est à cause d'eux!" peut-on entendre. Revêtus de gilets fluo, ceux qui se sont portés volontaires pour encadrer le défilé les repoussent sans ménagement. "Ca ne sert à rien d'insulter les gendarmes, laissez l'avocat régler les choses! Ne mélangez pas tout", s'énerve Lassana Traoré.

Après une minute de silence sur les hauteurs de la ville, le cortège repart en direction du quartier Boyenval. Aucun incident n'est à déplorer: "Cela fait chaud au coeur", se félicite, ému, Lassana Traoré. "On ne veut pas d'amalgames entre les jeunes qui cassent tout et ce qui s'est passé. Ce qui nous intéresse, c'est la justice", ajoute-t-il, avant de suivre son jeune frère Bagui.

Publicité