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Politique

Fauché, EELV prépare une présidentielle low-cost

EXCLUSIF Les finances d'Europe Ecologie-Les Verts sont à sec. Pour envoyer un candidat à la présidentielle, le parti n’a prévu de débourser que 20 000 euros. Malgré la revente de son siège parisien qui devrait rapporter 2,9 millions.
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 Conférence de presse d'EELV à Paris le 0/01/16 (N.MESSYASZ/SIPA)
EELV s'apprête à vendre son siège parisien pour 2,9 million d'euros, et n'a plus un sou en caisse.
Conférence de presse d'EELV à Paris le 0/01/16 (N.MESSYASZ/SIPA)

Une campagne oui, mais a minima. Après le désistement de Nicolas Hulot, le parti Europe Ecologie-Les Verts a décidé de présenter "une candidature émanant d’EELV ou de la société civile" pour la présidentielle 2017, lors de son dernier conseil fédéral, le 9 juillet. Mais le financement de cette campagne pose question, tant les caisses du parti sont vides. La dette pour 2015 avoisine les 3 millions d’euros. Selon nos informations, EELV devrait (enfin) conclure la vente de son siège, "la Chocolaterie", pour 2,9 millions ( soit beaucoup moins qu'espéré initialement) mais l’opération ne suffira pas à sortir la tête de l’eau. "Présenter un candidat est une décision politique. Nos ambitions sont très élevées, même si nos moyens sont limités", affirme David Cormand, le secrétaire national du parti. "Il faut absolument envoyer un candidat écolo car notre combat pour un changement de modèle respectueux de l’environnement n’est porté par aucune autre personnalité", rappelle l’eurodéputée Karima Delli.

Problème, "au dernier Conseil fédéral, nous avons décidé que EELV n’avait pas les moyens de subventionner la campagne pour 2017", explique le nouveau trésorier, Thierry Brochot, plus fourmi que cigale. Ainsi seulement 20 000 euros ont été budgétés dans ce but, selon les informations de Challenges. Une somme dérisoire qui permettra seulement de financer la primaire interne fixée au mois d’octobre prochain. A l’heure actuelle, le député européen Yannick Jadot est le seul à s’être déclaré candidat, mais les noms de l’ex-ministre du Logement Cécile Duflot, de Karima Delli et de la député européenne Michèle Rivasi circulent aussi. "On voit un petit parti organiser une petite primaire", a taclé la ministre du Logement et ex-secrétaire nationale Emmanuelle Cosse.

Une campagne limitée aux financements publics et aux dons

Le vainqueur devra donc compter principalement sur les financements publics. A combien s’élèvent-ils ? Les affiches, les professions de foi et les bulletins de vote sont systématiquement payés par l’Etat, c’est inscrit dans le Code électoral. A cela s’ajoutent 800 000 euros de frais pris en charge, quel que soit le résultat obtenu. Mieux un remboursement quasi intégral est offert aux candidats qui dépassent 5% des voix au premier tour. Mais les Verts, crédités autour de 2% dans les différents sondages récents, ne peuvent pas compter sur cette manne pour l’instant.

Pour mettre du beurre dans les épinards, EELV mise tout sur une campagne de souscription de dons. En 2012, elle avait permis à Eva Joly de collecter 450 000 euros supplémentaires. De quoi organiser quelques meetings et déplacements. "A l’époque, il y avait une vraie dynamique autour du parti. Pas sûr qu’on la retrouve en 2017", avance un démissionnaire d’EELV. "La personnalité de l’élu compte aussi : Cécile Duflot est une candidate qui suscite peu d’adhésion et beaucoup de rejet d’après les sondages". Quant aux autres prétendants sérieux, ils sont encore peu connus du grand public, pas facile dans ces conditions d’organiser une levée de fonds d’ampleur…

Le trésorier table donc sur une addition de 820 000 euros, calibrée pour ne pas gonfler la dette du parti. Une campagne modeste comme celle-ci équivaut aux dépenses d’un petit candidat comme…Philippe Poutou, le visage du NPA en 2012 qui avait rassemblé 1,15% des voix. "Même en terme de stratégie financière, ils défendent la décroissance", se moque un ex-adhérent. "Ce n’est pas un argument recevable puisqu’il n’y a pas d’étude sérieuse qui prouve la corrélation entre l’argent investi et le nombre de voix. Une bonne télé est parfois plus efficace qu’un coûteux meeting", assure Thierry Brochot. On est loin de la stratégie adoptée aux dernières présidentielles. Eva Joly avait été bien plus gourmande avec 1,8 million de dépenses, d’après le Journal officiel de juillet 2012. "On avait voté une rallonge de plus de 550 000 euros. Mais on n’était pas obligé de dépenser plus, car on savait qu’elle ne dépasserait pas les 5%…", explique l’ex trésorier de EELV Jean Desessard. "Nous n’avons jamais dépensé énormément d’argent dans nos campagnes", ajoute David Cormand. "Nous allons faire une campagne différente, inventive, en nous reposant sur nos bénévoles. Elle sera plus orientée sur des actions de terrain que sur des grands meetings qui ne rassemblent que des gens déjà convaincus". 

Des finances dans le rouge

Petits scores, petites campagnes. Comment EELV en est arrivé là ? Pour son ancien trésorier, le parti a vécu au-dessus de ses moyens pendant plusieurs années, logé dans un siège bien trop grand pour lui. Fin 2015, il enregistrait 2,25 millions de dettes bancaires auprès du Crédit coopératif et 700 000 euros d’autres dettes (Urssaf, fournisseurs, etc).

Les divisions du parti et les échecs électoraux ont pesé sévèrement sur ses comptes. D’abord les départs en série chez les adhérents, car en deux ans le parti a perdu presque 3 000 disciples. Aujourd’hui, ils sont 6192 à jour de cotisations et 112 en attente de validation. Ensuite, une grosse poignée de parlementaires qui contribuait fortement aux finances du parti a fait ses valises. En 2015, six parlementaires en désaccord avec la stratégie anti-PS ont démissionné : les députés Christophe Cavard, François-Michel Lambert, Barbara Pompili, François de Rugy et Véronique Massoneau, ainsi que les sénateurs Jean-Vincent Placé et Aline Archambaud. Or les partis politiques français reçoivent une partie de leurs financements en fonction du nombre de parlementaires qui se déclarent comme appartenant à ce parti. Selon le Journal officiel de février 2016, ils étaient seulement 19 comptabilisés comme ouvrant droit à l’aide publique chez EELV en 2015 et la somme obtenue n’est donc que 711 419 euros (37 500 euros par personne) pour la "seconde fraction".

Les finances d’un parti reposent aussi sur les cotisations de ses élus. Dans la même veine, EELV ne peut plus compter sur les cotisations de ces parlementaires démissionnaires : 1 300 euros par mois, soit 15 600 euros de moins par personne et par an… Le député Denis Baupin qui a quitté le parti cette année ne paie plus non plus, ni la sénatrice exclue Leila Aïchi qui a soutenu en décembre dernier la liste LR de Valérie Pécresse aux régionales. Parmi les démissionnaires, seul Pascal Durand, le député européen qui avait rejoint l’équipe de Nicolas Hulot en début d'année, s'acquitte encore de ses cotisations. Les débâcles électorales récentes ont aussi creusé la bourse du parti. Aux régionales fin 2015, EELV a perdu 200 élus dans l’ensemble de l’Hexagone, alors que chacun d’entre eux reversait environ 200 euros de cotisations à la maison mère. Cette recette révolue avoisine 480 000 euros par an, selon l'ancien trésorier.

Plan d’économie et vente du siège

Pour éponger ses dettes, EELV a dû mettre en place un plan d’économies en janvier dernier. Une réduction des dépenses drastique a été imaginée. La masse salariale a été réduite de 30% et les indemnités des membres de la direction ont baissé de 30%. Bonne nouvelle attendue, EELV peut maintenant compter sur la revente du siège, surnommé "la Chocolaterie" d’après son ancienne fonction, un bâtiment de 800m² situé dans le 10ème arrondissement de Paris au 247 rue du Faubourg Saint-Martin. La signature de l’acte de vente est fixée à jeudi prochain et le bâtiment, estimé à l’origine entre 3,5 et 4 millions d’euros, devrait partir pour 2,9 millions d’euros, selon le trésorier. Mais le butin devra être partagé avec la fédération des écolos d’Ile-de-France, copropriétaire. Et les salariés des deux organisations devront être relogés dans un nouveau bâtiment dont le coût, déménagement compris, est estimé à 2 millions. Les économies seront donc modiques.

Europe Ecologie-Les Verts aura pourtant un autre effort de guerre à fournir : le financement de la campagne des législatives de juin 2017, dans la foulée de la présidentielle. Lors de cette élection, il est nécessaire d’atteindre le seuil de 5% voix pour espérer un remboursement des frais de campagne quels qu’ils soient. Fidèle à son changement récent de stratégie politique, EELV a prévu de présenter des candidats indépendants du PS dans chacune des 577 circonscriptions. Tous ne feront pas 5%, EELV devra donc passer par la case du prêt pour environ un million d’euros. Les discussions avec les banquiers ne sont pas prêtes de se terminer.

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