Syrie - Alep : mourir de faim ou mourir en cherchant à fuir ?

Le régime de Bachar el-Assad a intensifié ses frappes et encourage les habitants à la fuir, via des corridors humanitaires. Mais les rebelles s'y opposent.

Source AFP

Alep, le 26 juillet, après un bombardement par les forces du régime. 
Alep, le 26 juillet, après un bombardement par les forces du régime.  © Anadolu Agency/AFP

Temps de lecture : 4 min

Les habitants des quartiers rebelles d'Alep sont pris au piège, entre le régime qui les assiège et les rebelles qui les empêchent d'accéder aux corridors qui leur permettraient de fuir. En effet, après des semaines de bombardements et de siège des quartiers rebelles, le régime a ouvert des corridors pour encourager civils et combattants souhaitant déposer les armes de sortir. Objectif : s'emparer rapidement et complètement de la deuxième ville du pays et réaliser ainsi sa plus grande victoire de la guerre.

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L'ouverture des couloirs, annoncée par l'allié russe du régime de Bachar el-Assad, a été présentée comme à but « humanitaire », mais opposition, analystes et rebelles ont mis en doute une telle intention. L'aviation et l'artillerie du régime ont d'ailleurs repris le matin leurs bombardements contre les quartiers rebelles dans l'est de la cité septentrionale, où se trouvent assiégés depuis le 17 juillet quelque 250 000 habitants qui manquent de nombreux produits de base. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), seulement « une douzaine de personnes sont sorties depuis jeudi via l'un des corridors à partir du quartier Boustane al-Qasr ». « Mais les rebelles ont ensuite empêché les habitants de s'approcher de ces corridors », a-t-il ajouté. Concrètement, les couloirs sont fermés du côté des rebelles, mais ouverts de l'autre côté, c'est-à-dire dans les régions sous contrôle du régime.

« Les couloirs de mort »

Vendredi, les rues de plusieurs quartiers rebelles étaient désertes, les habitants ne se risquant pas à sortir, selon un correspondant de l'AFP sur place. Même les bruits des moteurs électrogènes ont cessé, faute de carburant. « Il n'y a pas de couloirs humanitaires à Alep. Les couloirs dont parlent les Russes, les habitants d'Alep les appellent les couloirs de mort », a déclaré à l'AFP Ahmad Ramadan, membre de la coalition de l'opposition en exil et originaire d'Alep. « Ce qui se passe est une destruction totale et systématique de la ville, une tentative de briser ses habitants, qu'ils soient civils ou combattants. »

Enjeu majeur du conflit déclenché en 2011 par la répression de manifestations pro-démocratie, Alep est divisée depuis 2012 en quartiers tenus par le régime à l'ouest et secteurs contrôlés par les insurgés à l'est. À coups de barils d'explosifs et de raids aériens intensifs qui ont fait des centaines de morts et laissé en ruines les quartiers rebelles, les pro-régime cherchent depuis des mois à reconquérir ce secteur.

Pour Karim Bitar, directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), « les habitants d'Alep font face à un terrible dilemme : ils ont le choix entre risquer de mourir de faim ou risquer de mourir dans leur fuite ». « Une chute d'Alep constituerait un revers majeur pour les rebelles. Cela signifierait qu'Assad et Poutine ont réalisé l'un de leurs principaux objectifs et repris le dessus », dit-il en allusion au président russe Vladimir Poutine.

« Les habitants d'Alep sont désespérés et méfiants, ce qui est compréhensible puisque la tragédie syrienne a souvent montré que l'humanitaire a été utilisé comme stratagème cynique servant des intérêts géopolitiques », selon lui. La tactique du siège a été utilisée par le régime pour soumettre la rébellion dans d'autres régions du pays, où le conflit s'est complexifié avec l'implication de multiples acteurs syriens et étrangers et a favorisé la montée en puissance des djihadistes.

Un tournant

« Les Russes et le régime veulent pousser les gens à se rendre. Ce qu'ils veulent, c'est une reddition », a dit une source diplomatique occidentale. Selon des analystes, une perte d'Alep pourrait signifier le début de la fin pour la rébellion et représenter un tournant dans la guerre qui a fait plus de 280 000 morts et poussé des millions de personnes à la fuite. Outre Alep, les rebelles contrôlent des secteurs de la province de Damas, notamment la Ghouta orientale, et quelques régions du sud du pays morcelé. Les autres zones sont soit aux mains du régime, soit contrôlées par les djihadistes.

Alors que l'aide n'est plus parvenue à Alep depuis le 7 juillet, des médecins syriens opérant dans les zones rebelles ont averti depuis Genève qu'à Alep une société entière était « en train d'être éradiquée sous les yeux du monde ».

« Pas une réponse crédible »

La France a estimé que les « couloirs humanitaires » n'apportaient pas de « réponse crédible » à la situation. « Le droit international humanitaire exige que l'aide puisse être acheminée de toute urgence » aux populations assiégées, a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Romain Nadal. « Dans ce contexte, l'hypothèse de couloirs humanitaires qui consisteraient à demander aux habitants d'Alep de quitter la ville n'apporte pas une réponse crédible à la situation », a-t-il ajouté. « Les habitants d'Alep doivent pouvoir rester chez eux en sécurité et bénéficier de toute l'aide dont ils ont besoin. Telle est la priorité », a-t-il insisté.

Par ailleurs et dans un nouvel acte cruel, les djihadistes du groupe État islamique (EI) ont assassiné 24 civils après leur prise d'un village près de Minbej, une localité du nord de la Syrie théâtre de combats avec une alliance kurdo-arabe, selon l'OSDH.

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Commentaires (6)

  • JLL

    Comment faudra t'il le dire ?
    Nous n'avons rien à faire en Syrie, Irak, Lybie, nous y avons déjà mis le bazard, il faut cesser de vouloir à tout prix instaurer un régime démocratique dans ces pays où seul les dictateurs peuvent instaurer une paix, et une entente entre tous les musulmans, chrétiens, juifs et j'en passe.

  • alsp

    Alors que la France s'évertue à vouloir le destituer, elle ferait bien de l'appuyer. Poutine l'a compris mais nos hommes politiques ont des œillères.
    Les soit disant rebelles sont appuyés par les salafistes et, comme on peut le constater, ils prennent en otage les civils.
    Sortir Bachar, c'est créer des no man's land comme l'occident en a déjà créé en IRAK et en LIBYE.

  • Illitch

    Tout a fait d'accord avec vous. Il est écœurant de voir ces hommes subir ou migrer en Europe. Comment peut-on être soumis a ce point ?