Environnement

La péninsule Antarctique ne se réchauffe plus

Alors qu'elle se réchauffait rapidement depuis les années 1950, la péninsule Antarctique connaît actuellement une phase de baisse des températures. Des changements dans le régime des vents seraient en cause.

Paysages de la péninsule Antarctique

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Le réchauffement climatique est un phénomène global. Du pôle Nord au pôle Sud, le globe entier en subit les effets. La péninsule Antarctique, cette langue montagneuse au nord du continent glacé qui pointe vers l'extrémité de l'Amérique du Sud, a été en proie à un réchauffement particulièrement rapide depuis les années 1950. Les températures y ont augmenté de près de 0,5 °C tous les 10 ans, et le recul des glaciers et l’effondrement des barrières de glace – les extensions de la calotte glacière continentale qui flottent sur l’océan – y ont été particulièrement marqués. Plusieurs coupables ont été identifiés, parmi lesquels la destruction de la couche d’ozone et l’augmentation des gaz à effet de serre. Pourtant, alors que la température moyenne du globe continue de croître, John Turner et son équipe de la British Antarctic Survey ont constaté un refroidissement d'environ 0,5°C des températures de la péninsule depuis 1999, même si elles restent encore aujourd’hui au-dessus des moyennes du xxe siècle.

Comment une « pause » du réchauffement peut-elle se produire dans cette région précise (la pause climatique globale, pour sa part, n'est qu'un trompe-l'œil) ? Après avoir étudié les données météorologiques récoltées par six stations de la péninsule, les chercheurs proposent plusieurs explications. Durant la période de refroidissement comprise entre 1999 et 2014, les données révèlent une nette croissance de la banquise au nord de la péninsule. Celle-ci est due au changement du régime des vents dans la région, avec une accentuation des conditions cycloniques de la mer de Weddell, à l'est de la péninsule. Ce changement a engendré des courants d’air froid qui poussent les icebergs vers la côte et refroidissent l’air.

Le refroidissement est amplifié par la banquise plus étendue et plus épaisse, qui empêche l’océan de réchauffer l’air. En effet, les courants chauds provenant du Pacifique et de l'Atlantique influent aussi sur les températures de l’Antarctique, et une glace plus épaisse contrecarre ces flux de chaleurs océaniques.

Par ailleurs, une récente étude publiée dans la revue Science montre que le trou dans la couche d’ozone serait en train de se résorber depuis quelques années. Ce facteur pourrait être en partie impliqué dans le refroidissement mesuré, mais il est trop tôt pour l'affirmer.

Afin de mieux comprendre les cycles de température de la péninsule Antarctique, John Turner et ses collègues ont mesuré les variations climatiques des 1000 dernières années. dans la région, en exploitant une carotte glaciaire récoltée près de la station Marambio. Les résultats suggèrent que la région a déjà connu des réchauffements et refroidissements successifs similaires. La variabilité naturelle y joue un rôle important, mais l’ampleur des évolutions de température qui se produisent depuis 1950 est « hautement inhabituelle ».

Ces découvertes concernent une région qui ne couvre que 1 % de la surface totale de l’Antarctique et par ailleurs très complexe à étudier en raison de la sensibilité de son climat aux interactions entre l’air, l’océan et la glace. Elles montrent que les changements de température à l’échelle de la décennie observées dans la péninsule Antarctique ne sont pas seulement dus au réchauffement climatique mais reflètent en partie la variabilité naturelle des phénomènes atmosphériques locaux. Les chercheurs soulignent cependant que cela ne signifie ni la fin, ni la suspension du réchauffement climatique global. Malgré le refroidissement récent, les températures de la péninsule Antarctique sont tout de même supérieures à celles mesurées au xxe siècle.

Si la concentration de gaz à effet de serre dans l'atmosphère continue de croître, les effets du réchauffement climatique global domineront ceux de la variabilité naturelle locale et la température pourrait augmenter de plusieurs degrés d’ici la fin du siècle dans la péninsule Antarctique, ce qui entraînerait une importante fonte des glaces et la disparition d’espèces animales déjà en déclin, comme le manchot Adélie.

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William Rowe-Pirra

William Rowe-Pirra est journaliste scientifique indépendant.

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Références

John Turner et al., Absence of 21st century warming on Antarctic Peninsula consistent with naturel variability, Nature, 20 juillet 2016.

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