L’équation donne le tournis. Sachant que 6,2 millions de citoyens – c’est-à-dire moitié moins que le nombre d’habitants à Moscou – résident dans l’Extrême-Orient russe, territoire de 6 millions de km², soit dix fois la taille de France, que faut-il faire pour tenter de redresser un déficit démographique colossal face aux provinces chinoises surpeuplées, de l’autre côté de la frontière ? La solution, une loi entrée en vigueur le 1er juin, a été instaurée par Vladimir Poutine. Elle offre 1 hectare gratuit pendant cinq ans aux autochtones qui en font la demande dans plusieurs régions pionnières, dont celle de Vladivostok, le kraï (territoire) de Primorié.
Une seconde étape est prévue à partir du 1er octobre, qui englobera cette fois tout le Grand Est, puis, le 1er février 2017, la mesure sera étendue à l’ensemble des Russes désireux de se porter acquéreurs d’une petite portion de ces territoires immenses aux températures extrêmes et longtemps synonymes de goulags et de déportations.
Plus de 2 000 « réservations » enregistrées
Cent quarante millions d’hectares, soit 23 % des terres de neuf provinces russes – Primorié, Khabarovsk, Magadan, Amour, Kamchatka, Tchoukotka, Sakhaline, Iakoutie et la Région autonome juive –, ont ainsi été mis à la disposition du public. Sur le site Internet officiel, « Vers l’Extrême-Orient », ouvert il y a peu, des images de paysages somptueux défilent tandis qu’une bande-annonce précise que le choix du terrain « ne prend que quinze minutes en ligne ». L’affaire n’est pourtant pas aussi simple : il faut se décider sur plans et dessiner soi-même les contours de sa parcelle.
Les bénéficiaires disposeront de leur lopin de terre pendant cinq ans, après quoi ils pourront le louer ou en devenir propriétaires, à la condition de ne pas le vendre à des étrangers. En s’associant avec des proches, il est aussi possible de cumuler 10 hectares de terrain. A la mi-juillet, plus de 2 000 « réservations » ont été enregistrées sur les 50 premiers millions d’hectares proposés. « Cela va permettre de fixer ceux qui vivent ici et d’attirer d’autres Russes », se félicite dans son bureau, à Vladivostok, Vassili Ousoltsev, premier vice-gouverneur de la région du Primorié.
« Des occasions supplémentaires »
Faiblement peuplée – 2 millions d’habitants –, cette région, située à plus de huit heures d’avion de Moscou et fermée aux étrangers jusqu’en 1991, fait face à 66 millions de Chinois dans les deux districts mitoyens du Heilongiang et du Jilin. Sans doute les mots du premier ministre chinois, Li Keqiang, en visite à Moscou en octobre 2014, résonnent-ils encore aux oreilles de Vladimir Poutine : « Vous êtes le plus grand pays du monde, nous sommes le plus peuplé ! » Un an après, depuis Vladivostok, le président russe lançait son projet « Conquête de l’Est » : « Ici, en Extrême-Orient, nous créons des occasions supplémentaires pour nos citoyens qui ont l’intention de créer leur propre affaire, dans l’agriculture ou l’industrie. »
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