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Maubeuge, Vesoul, Cergy… Ces villes qui souffrent d’un désamour chronique

Réputées laides ou sinistrées, moquées dans les chansons populaires… Vincent Noyoux leur rend justice dans son « Tour de France des villes incomprises ».

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Publié le 28 juillet 2016 à 09h26, modifié le 01 août 2016 à 08h24

Temps de Lecture 8 min.

On rit beaucoup au fil des pages de ce Tour de France des villes incomprises (Editions du Trésor, 224 pages, 18 euros). Car Vincent Noyoux tient bien son sujet. Jamais il ne cherche à « sauver » ces douze destinations improbables, méticuleusement choisies en raison de leur manque de charme apparent. « La sélection fut impitoyable, écrit-il dans son prologue. J’écartais toutes les mornes villes que parviennent à sauver du néant la présence d’un monument important, la fabrication d’une spécialité locale ou la naissance d’un grand homme, même lointaine. » Au contraire, il s’amuse de la tristesse ici, du vide là, de la pluie, du froid. Il faut prendre son invitation au voyage en terre ingrate comme un hymne à l’ouverture d’esprit et aux rencontres. Ce sont leurs habitants qui sauvent ces villes et en donnent les clés. Il fallait la rigueur de ce jeune auteur de guide touristique (pour Gallimard) pour brosser ces portraits finalement élogieux de douze coins de France en mal d’affection qui nous ouvrent les bras.

Maubeuge, la mal-aimée du Nord

Le quai de Maubeuge.

Pauvre Maubeuge, humiliée par un gentil ! En susurrant son ironique « tout ça ne vaut pas un clair de lune à Maubeuge », Bourvil a mis les rieurs de son côté. C’était en 1962, mais comme l’écrit justement Vincent Noyoux, « plus de cinquante ans après, Maubeuge croupit dans la honte, une honte de cousine de province qu’une moquerie lancée à la cantonade a complexée à jamais ». Il faut dire qu’elle n’est pas gâtée Maubeuge (Nord). C’est dans ses rues que notre voyageur masochistes peine le plus à trouver tout de même un peu de beauté. L’intérêt architectural ne va pas jusqu’au beau, mais il intéressera les amateurs et les passionnées.

Comme Le Havre, mais avec moins de succès si l’on peut dire, Maubeuge fut détruite et reconstruite presque entièrement après la seconde guerre mondiale. C’est l’architecte communiste André Lurçat (1894-1970) qui fut chargé du projet, « un programme beau et soviétique, gai comme une virée en RDA ». Avec les restes des fortifications Vauban et les pierres bleues de l’Avesnois, c’est à peu près tout ce qui est remarquable dans cette petite ville dont le centre-ville est désert. Vincent Noyoux rayonne aux alentours. Il va voir Mons notamment, en Belgique, toute proche et tellement plus belle. Mais il ne va pas au zoo, pourtant célèbre pour ses tigres blancs, qu’il frôle de loin. Finalement, il achève son séjour à « Auchanville », ou plutôt au centre commercial Auchan Val-de-Sambre. « Le centre-ville de Maubeuge, c’est là-bas ! » s’exclame-t-il, tel Arielle Dombasle découvrant une laitue dans L’Arbre, le Maire et la Médiathèque, le chef-d’œuvre d’Eric Rohmer. Et si, finalement, il n’en fallait pas plus pour amuser un Parisien en goguette ?

Les étangs de Maubeuge et le chemin de halage offrent aussi de belles balades en plein air. On peut s’arrêter à Boussois, aux Portes des Marpiniaux, un site naturel aménagé en zone humide. Maubeuge-tourisme.fr

 

Cholet, plus de mouchoirs mais des paniers

La dernière fabrique de mouchoirs de Cholet a fermé en 2003.

Tant qu’à faire dans la chanson française, on pense très fort au Il n’y a plus d’après... chanté par Juliette Gréco quand on lit que la dernière fabrique de mouchoirs de Cholet « a fermé ses portes en 2003 ». L’information n’était pas arrivée jusqu’à Saint-Germain-des-Près… Il faut dire que trois heures et demie et 356 km d’autoroute séparent ces deux incarnations opposées de la France éternelle. Du Musée du textile (« On y apprend que “mouchoir” vient du latin mucus : morve ») à l’usine de brioche Pasquier en passant par les œuvres du génial François Morellet visibles au Musée d’art et d’histoire, la visite proposée par Vincent Noyoux est méthodique.

Mais la grande leçon de son périple en Maine-et-Loire est ailleurs : en assistant à un match de basket à la Meilleraie avec 5 000 autres spectateurs – « un hangar chauffé à blanc » –, il témoigne qu’il faut parfois s’éloigner du folklore patrimonial pour faire vraiment l’expérience d’une ville. Et puisque à Cholet le basket est roi, c’est à la Meilleraie qu’il faut être les soirs de match. « Le saviez-vous ? », s’interroge le site de l’Office du tourisme. « Trois Choletais faisaient partie de l’équipe de France sacrée championne d’Europe en 2013, soit un quart des effectifs ! » Petite ville, grande fierté. Le 19 avril, tout en perdant face à Nanterre, le club a assuré son maintien en Pro A pour la trentième année consécutive. Ouf !

Office du tourisme de Cholet : ot-cholet.fr

 

Cergy et son Axe majeur

Les étangs de Cergy.

Grâce soit rendu à Vincent Noyoux qui pourrait bien, pourquoi en douter, intéresser les Parisiens à une banlieue lointaine. Car il existe, non loin de Paris, une curiosité qui vaut bien son ticket de RER : un « Axe majeur », avec un grand A s’il vous plaît. Il ne s’agit pas de l’autoroute A15, cette fabrique à bouchons saturée matin et soir du lundi au vendredi, qui meurt à Cergy-Pontoise, bloquée dans sa croissance vers Rouen par la nécessaire protection du Parc naturel régional du Vexin français. Non, il s’agit de l’œuvre de l’artiste israélien Dani Karavan. Entre urbanisme et land art, cette ligne droite de plus de 3 kilomètres est l’attraction principale et le grand motif de balade à Cergy. Elle traverse la ville nouvelle depuis les immeubles néoclassiques de l’architecte Ricardo Bofill, dans le quartier des Hauts de Saint-Christophe, jusqu’aux étangs artificiels de Cergy-Neuville.

De son point de départ, on domine toute la ville, la boucle de l’Oise dans laquelle elle a été aménagée à partir de 1969 et l’œuvre elle-même, impressionnante ligne de fuite légèrement mégalomane. Noyoux raconte très bien la construction de la ville, ses quartiers, ses habitants. Il y rencontre « un candidat sans tracts à distribuer, un chanteur qui préfère le swing au rap [et] une boxeuse au cœur d’artichaut. » Philosophe et un peu poète, il conclut : « Ainsi va Cergy, Cergy la douce. (…) Des gens imparfaits dans une ville parfaite. »

Deux balades sonores Les Voix de Cergy, Grand centre et Village, peuvent être téléchargées sur smartphone avant votre visite : ville-cergy.fr. L’Office du tourisme de Cergy-Pontoise - Porte du Vexin donne des informations plus détaillées sur les alentours : ot-cergypontoise.fr

 

Flinguée par Brel, Vesoul rêve d’Orient

L’église Saint-Georges à Vesoul.

« T’as voulu voir Vesoul et on a vu Vesoul. » Peut-on imaginer plus cruelle notoriété que celle que Jacques Brel donna à la préfecture de la Haute-Saône en 1968, en présentant l’idée même de s’y rendre comme une absurdité ? « Mondialement connue, la chanson a été reprise plus d’une centaine de fois, dans des dizaines de langues », selon Wikipédia. Contre ce mauvais coup du sort, Vincent Noyoux nous fait découvrir une petite ville pleine de richesses. Ça commence pourtant assez mal : « Une sorte de vertige nous prend, écrit-il, tandis qu’on quitte la gare et qu’on remonte la rue Paul Morel sous une mauvaise pluie de janvier : qu’est-ce qu’on va bien pouvoir faire de toute cette tristesse ? » Disons-le, sa volonté d’aimer Vesoul malgré elle est souvent hilarante. Le récit de son séjour agit comme un mode d’emploi pour ville « difficile », qu’on peut résumer ainsi : quand il n’y a rien à voir, il faut tout voir.

Du chocolatier local à l’abattoir de cochons en passant par un restaurant transylvanien, Vincent Noyoux pousse toutes les portes. Il découvre ainsi que le Festival international des cinémas d’Asie réchauffe le rude hiver des Vésuliens tous les ans depuis 1995. Il rencontre sa directrice, Martine Thérouanne, un jour de marché, sous les halles couvertes. Cette enseignante passionnée et son équipe ont fait la joie de 30 000 spectateurs en 2016, grâce à une sélection exigeante de films venus d’Iran, du Japon, de Chine ou du Bangladesh. Séance de rattrapage pour les Parisiens, les films primés seront projetés à l’auditorium de l’Inalco, dans le 13e arrondissement, en octobre. Et rendez-vous à Vesoul du 7 au 14 février 2017 pour le 23e FICA !

Autre gloire locale, permanente celle-là, le sanctuaire de Notre-Dame-de-la-Motte domine la ville et la vallée du Durgeon. Juché au sommet d’une colline de 378 mètres, il vaut surtout par la vue qu’il offre par temps clair. Enfin, même si l’auteur ne s’y attarde pas, le lac de Vesoul-Vaivre est bel et bien l’attraction principale de la ville quand arrive l’été. Baignade et sports nautiques s’y pratiquent dans une ambiance familiale. Loin des sarcasmes du grand Belge.

Ne riez pas, mais il n’y a plus d’Office du tourisme à Vesoul. Provisoirement dit-on… Le site la-haute-saone.com en tient lieu jusqu’à nouvel ordre.

 

Draguignan, déclassée par Jacques Chirac

Vue sur les toits de Draguignan.

« On sait ce qu’on est en droit d’attendre d’une “capitale du nougat” ou d’un “village des peintres”, mais que peut-on espérer d’une ville militaire ? », s’interroge l’auteur pour commencer. Seule ville du sud de la France parmi les douze victimes de l’incompréhension générale, Draguignan aurait bien besoin d’un psy. Car il faut savoir dépasser ses échecs, « sortir du déni », « faire son deuil », « lâcher prise » comme disent les médecins. Echec ? Oui. La faute à Chirac. Mais pas le grand Jacques Chirac président de la République, ce serait trop glorieux. En 1974, c’est le jeune Chirac premier ministre, têtu et querelleur, qui prive Draguignan, ville de gauche, de son statut de préfecture pour le transmettre à Toulon, ville de droite, et bientôt de droite extrême. Bravo l’artiste ! Depuis, rien ne va plus. Les fonctionnaires partis, la ville s’est fanée.

Le Rembrandt du Musée d’art et d’histoire, L’Enfant à la bulle de savon, non content d’avoir disparu pendant quinze ans, est aujourd’hui regardé avec beaucoup de doutes par les experts. Il faut dire qu’il n’est pas « jojo » le pauvre petit. Il y a bien le Musée de la justice et celui de l’artillerie, mais tout ça sent un peu la mort. Alors, comme souvent, le salut vient du local. En l’occurrence un Salon autour du vin sauve le séjour dracénois de notre voyageur. Faute de foire ou d’événement exceptionnel, le marché de Draguignan sent bon la Provence. Courez-y. Il a lieu le mercredi et le samedi.

Avec Draguignan, la communauté d’agglomération dracénoise regroupe 19 villages, parfois perchés, toujours jolis. Informations : tourisme-dracenie.com

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