HLM : encore des locataires trop riches !

LE FAIT DU JOUR. La loi, votée en 2009, qui a durci les conditions de maintien dans un logement social, est encore trop peu appliquée. De nombreux acteurs plaident pour plus de sévérité.

    Certaines révolutions sont silencieuses. Celle-là en est une. Depuis 2009, la loi Molle (loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion) — applicable dans les faits depuis le 1 er janvier 2015 — a changé la donne dans le monde des HLM : dès lors que, pendant au moins deux ans, les revenus d'un locataire excèdent de 200 % le plafond de ressources fixé lors de l'attribution de son logement, le locataire concerné a trois ans pour céder la place à une famille considérée comme davantage prioritaire. En clair? C'est la fin d'un dogme érigé depuis l'après-guerre : celui du maintien à vie dans les lieux.

    Aujourd'hui, beaucoup d'experts sont favorables à cette évolution : « Cela ne réglera pas le problème de files d'attente, concède Marianne Louis, la secrétaire générale de l'Union des HLM, mais la dimension symbolique est essentielle. » Pour elle, il est désormais d'autant plus important d'organiser un turn-over dans le parc social que les temps d'attente sont « désespérément longs », à Paris notamment.

    Concrètement, comment cela fonctionne-t-il ? « Une fois le processus enclenché, beaucoup de locataires partent d'eux-mêmes », témoigne Serge Contat, le patron de la RIVP (2e bailleur social de Paris). C'est le cas de Capucine, que nous avons rencontrée. Et sinon ? Sinon, commence un long bras de fer, avec contentieux à la clé. En 2015, on comptait une centaine de procédures en cours.

    D'accord pour partir ou expulsés de force... Quels que soient les cas de figure, ils sont rares en tout cas : selon l'Union des HLM, au maximum 9 000 ménages — sur 4,2 millions de logements HLM — seraient concernés par la loi Molle. La faute aux nombreuses exemptions accordées, qui en limitent fortement la portée. Ce dispositif ne concerne en effet ni les plus de 65 ans, ni les handicapés, ni les logements situés en zones urbaines sensibles (au nom de la mixité sociale) ni, plus surprenant, les logements intermédiaires dans lesquels sont pourtant logés moult locataires aisés. Le système actuel est donc plein d'incongruités : les familles gagnant 4 000 à 5 000 € par mois doivent partir, alors que certaines familles aux revenus parfois supérieurs, mais logées en PLI (intermédiaire) sont exclues du champ d'application ! « C'est un peu comme si on avait eu peur d'aller au bout de cette idée », témoigne un ancien conseiller ministériel chargé du logement, qui évoque de « multiples réticences culturelles ».

    Côté bailleurs, c'est certain. Beaucoup rechignent à appliquer la loi Molle, comme le montrent plusieurs rapports confidentiels du gendarme du secteur, l'Ancols (Agence nationale de contrôle du logement social), que nous avons pu consulter. Soucieux de donner plus de force à ce dispositif, beaucoup militent pour la fin des exonérations. Serge Contat, qui a en charge 50 000 logements aidés, propose ainsi que les logements intermédiaires soient concernés « au nom de la solidarité nationale ».

    Ces jours-ci surtout, plusieurs amendements au projet de loi Egalité et Citoyenneté, débattus à l'Assemblée, visent à durcir le dispositif en baissant le plafond de revenu de 200 à 150 %. Mais aussi, à renforcer l'arsenal contre les potentiels fraudeurs (lire page 3). Plusieurs amendements pour un même message : en période de crise du logement, les locataires ont des droits... mais aussi des devoirs.