Un air de Woodstock dans la trompette d'Ibrahim Maalouf

    Ecaussystème, à Gignac, c'est « Lot' Woodstock ». Depuis quatorze ans, ce village bucolique du causse de Martel — d'où le nom — se mobilise pour son festival « écocitoyen et solidaire » : 420 bénévoles pour 680 habitants, qui dit mieux? Pendant trois jours, 30 000 festivaliers festoient dans un champ, avec vue sur l'église et le cimetière, et célèbrent la musique, la nature, l'amour... Ce qui surprend quand on découvre ce petit bourg, hier, c'est le nombre impressionnant de chiens en liberté, accompagnés de toutes sortes d'oiseaux, punks, hippies. On vient aussi en famille manger des sandwichs à la saucisse de canard grillée, boire du cahors, jouer au ribouldingue, parler écologie avec Greenpeace ou donner un euro pour la rénovation du moulin du village.



    « C'est l'histoire d'une bande de potes qui voulaient faire bouger leur campagne, nous raconte Benoît Chastanet, 38 ans, l'un des fondateurs d'Ecaussystème. On a commencé par une fête votive dans Gignac, avec un concert qui a réuni cent personnes et duré trois chansons. Après, c'est de la chance et de la passion. On a reçu Jacques Dutronc, Matthieu Chedid, IAM, Emir Kusturica deux fois, Manu Chao... » Et cette année Alpha Blondy, The Avener, Iggy Pop, Tryo et Ibrahim Maalouf.

    «J'adore ce genre d'endroits»


    Quand nous avons lancé notre tournée d'été, le trompettiste a aussitôt accepté de jouer dans notre camping-car. « J'adore ce genre d'endroits, a-t-il avoué en grimpant hier soir dans le salon avec son guitariste, François Delporte. Et c'est super quand c'est bien préparé. » En toute intimité, ils ont joué « Lily Will Soon Be a Woman », un bel instrumental composé pour sa fille. Puis Ibrahim Maalouf a répondu à nos questions partagées avec Stéphane Iglesis, de France Info. Décontracté, même sur l'épisode de son passeport confisqué... et pas récupéré (une aventure survenue après les attentats du 13 novembre 2015). « C'est à mon avis symptomatique d'une période très compliquée, avec plein de conflits, de gens qui se renferment, qui critiquent tout le temps. Mais je peux vous assurer que je prie beaucoup à travers ma musique pour que les tensions se calment. »



    Comme nous, Ibrahim Maalouf passe l'été sur les routes. « C'est ça, mon métier de musicien : être sur scène et faire un maximum de concerts », sourit-il. Mais comment trouve-t-il le temps de porter tant de projets, albums jazz, rock, hommage à Oum Kalsoum, musiques de films, créations classiques ? « On est quelques-uns dans ma tête, certainement, rigole-t-il. C'est surtout que je travaille beaucoup, beaucoup, je vis musique, je m'endors et me réveille musique. J'ai toujours été comme ça depuis que mon père m'a offert mon premier synthétiseur, à 8-9 ans. Je ne connais pas la routine. »



    Réussit-il à créer sur la route ? « C'est même en tournée que je crée le plus et le mieux, avoue-t-il. Les tournées génèrent beaucoup de musique, de projets. En ce moment, je dois en avoir une trentaine... » Hier soir, il a invité sur scène ses amis de Tryo à jouer leur « Printemps arabe ». « Je vis avec la philosophie du métissage en tout, résume-t-il. Je ne le dis surtout pas par prétention mais pour tirer la sonnette d'alarme : je suis le seul à jouer dans des festivals jazz, classique et rock. C'est bizarre et dommage. Mais bon, ça bouge, on creuse notre sillon. » Jusqu'à être le premier trompettiste à faire en solo Bercy le 14 décembre. « Et pourquoi un instrumentiste n'y jouerait pas alors qu'on vend autant de disques et de billets qu'un artiste pop ? Même Miles Davis, en 1984, a fait partie d'un triple plateau. C'est un peu la folie, un pari, pour fêter mes dix ans de tournée non-stop. Mais c'est quasiment complet. »

    VIDEO. Le live d'Ibrahim Maalouf