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Libération
Interview

Erol Önderoglu : «102 médias ont été définitivement fermés par décret»

Selon le représentant de RSF à Istanbul, les journalistes turcs sont victimes d’une justice arbitraire.
par Laurence Defranoux
publié le 31 juillet 2016 à 20h21

Le journaliste d’investigation franco-turc Erol Önderoglu représente Reporters sans frontières dans un pays qui compte 250 chaînes de télé, 40 quotidiens nationaux et des milliers de radios et de journaux locaux. Les médias proches du prédicateur Fethullah Gülen, ancien allié d’Erdogan accusé d’être le commanditaire du putsch manqué, sont visés par la répression.

Quelle est l’ampleur de la purge dans les médias turcs ?

La fermeture définitive de 102 médias a été ordonnée par décret pour «collaboration avec l'organisation terroriste Gülen». Or, certains n'ont rien à voir avec cette confrérie religieuse, comme les sites ABC Gazetesi ou Medyascope.

Que peut-il arriver à la centaine de journalistes arrêtés ?

Ils risquent de passer un mois en garde à vue, sans pouvoir s’expliquer devant la justice pendant des années. Depuis l’état d’urgence, la justice, extrêmement politisée, manipulée par le pouvoir, ne cherche plus à faire la distinction entre le travail critique légitime des journalistes et une implication concrète dans le coup d’Etat avorté. L’arbitraire bat son plein, nul n’est à l’abri de l’oppression.

Vous-même avez été emprisonné dix jours, en juin.

J’ai été en détention préventive pour avoir assisté à une campagne de solidarité avec un quotidien prokurde. J’ai eu beau expliquer au juge et au procureur que j’ai toujours défendu les journalistes politiques, y compris islamistes, leur décision était prise. Je n’ai été libéré que grâce au soutien international.

Les médias interdits étaient-ils ouvertement gülénistes ?

La polarisation de la société turque ne date pas d'hier et le travail de certains portait à controverse. On peine à prendre la défense de journalistes de la mouvance güléniste qui ont longtemps permis à Gülen et ses cadres de consolider le parti d'Erdogan, puis ont changé leur ligne éditoriale de manière radicale. Leur plaidoyer est entaché par leur positionnement passé vis-à-vis des Kurdes et de la gauche.

Où en est la liberté d’expression aujourd’hui ?

Les médias grand public sont contrôlés à 85 % par le gouvernement ou par des milieux financiers ayant des liens étroits avec le pouvoir. En dehors du groupe de presse Dogan, qui l’a échappé belle pour avoir établi une liaison par téléphone avec le Président, le journalisme libre n’est plus défendu que par une poignée de quotidiens à diffusion limitée.

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