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Etats-Unis : quand la Russie s’invite dans la campagne présidentielle

Le 22 juillet, Wikileaks a révélé 20.000 emails prouvant la faveur du parti envers Hillary Clinton pendant les primaires démocrate. Une fuite dont les soupçons de responsabilité se tournent vers le Kremlin alors que Donald Trump applaudit le coup porté au camp adverse. 

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Donald Trump s'exprime dans un meeting au Colorado le 29 juillet
Donald Trump s'exprime dans un meeting au Colorado le 29 juillet © Reuters

Donald Trump vient de vivre un week-end compliqué. Empêtré dans une vive polémique après avoir critiqué la famille d’un soldat américain musulman mort en Irak, il a également dû faire face aux accusations des médias américains : le milliardaire est très favorable à Vladimir Poutine. Des accusations qui se murmurent depuis plusieurs mois outre-Atlantique, mais qui viennent de s’étoffer après les réactions pro-russes du candidat républicain dans l’affaire des emails démocrates. "Trump n’a jamais rencontré Poutine, explique Nicole Bacharan, politologue spécialiste de la société américaine au JDD. Ils ne se connaissent pas, mais Trump reconnaît en lui une sorte d’alter-ego de chef d’Etat idéal, à la fois instinctif et brutal." 

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La Russie, soupçonnée d’ingérence dans l’élection américaine 

Le jour de l’ouverture de la convention démocrate, dimanche 24 juillet, Robbie Mook, responsable de la campagne d’Hillary Clinton, accuse la Russie d’être responsable de cette fuite . Il donne même un mobile aux agences de renseignement russe : Moscou souhaiterait favoriser Trump au détriment de Clinton. Le candidat républicain est en effet soupçonné d’avoir les faveurs de Poutine, notamment depuis sa déclaration controversée sur l’Otan, qu’il estime "obsolète". "Ce ne serait pas surprenant, raconte Nicole Bacharan. Hillary Clinton et Vladimir Poutine ont une relation exécrable depuis plusieurs années. Ne serait-ce que de ce point de vue, le Kremlin aurait intérêt à ce qu’elle n’arrive pas à la Maison-Blanche." Pendant la convention républicaine, mercredi 20, le milliardaire avait en effet expliqué que sous son éventuelle présidence, le soutien des Etats-Unis en cas d’agression d’une nation membre de l’Otan ne serait plus automatique  : "S’ils remplissent leurs obligations envers nous, et bien oui (nous les aiderons)." L’alliance étant considérée par la Russie comme un instrument de domination des Etats-Unis sur leur pays, son éventuel affaiblissement serait jugé profitable par le Kremlin.

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Le 27 juillet, Donald Trump enfonce le clou au cours d’une conférence de presse : "Ils ont probablement leurs 33.000 emails aussi, a-t-il déclaré en référence à l’affaire des emails qui a empoisonné la campagne de Clinton tout au long de la primaire. La Russie, si vous écoutez en ce moment, j’espère que vous serez capable de trouver les 30.000 emails qui manquent. Je pense que vous serez probablement récompensés par notre presse." Une déclaration traitée comme une boutade par les supporters du milliardaire, mais qui inquiète les médias outre-Atlantique. Pour la première fois, un candidat à la présidentielle américaine encourage la Russie à s’ingérer dans une élection . Selon Nicole Bacharan, les petites phrases de Donald Trump laissent présager un grand changement de position des Etats-Unis s’il arrive au pouvoir : "Les propos de Trump sont tout simplement aberrants. En requérant l’ingérence d’une puissance étrangère dans l’élection, qui plus est une puissance qui n’est pas amie, il détruit le leadership américain." Ces derniers mois, Trump a en effet plusieurs fois dévoilé sa sympathie envers Poutine.

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En octobre 2015, sur CNN, il avait pointé leurs différences, mais avait également affirmé qu’il "s’entendrait vraiment bien" avec le chef de la Place Rouge. En décembre 2015, Vladimir Poutine n’avait pas caché sa sympathie pour le milliardaire. Il l’avait décrit comme "quelqu’un de haut-en-couleur" et un "homme brillant et talentueux". "Donald Trump me semble davantage réagir aux flatteries de Vladimir Poutine à son égard plus que quoique ce soit d’autre. Il démontre régulièrement son ignorance en matière de politique étrangère", note pour sa part Nicole Bacharan. Dimanche, sur ABC, Donald Trump a assuré que "Vladimir Poutine le traitait avec le plus grand respect". Il s’est également vanté de propos très flatteurs qu’aurait tenu le chef d’Etat Russe à son égard : "Donald Trump va gagner. Donald Trump est un génie."

Le tropisme russe de Donald Trump remonterait à plusieurs années en arrière, lorsque ce dernier se consacrait à l’expansion de son empire immobilier. Dans les derniers frémissements de l’URSS, en 1987, il tentait de construire une chaîne d’hôtels à Moscou. "C’est un lieu vraiment intéressant, dit-il dans une interview de l’époque . Je pense que l’Union Soviétique est vraiment en train de faire un effort pour négocier ouvertement avec les autres nations et s’ouvrir en tant que pays." Un désir qui ne mourut ni avec l’écroulement du bloc soviétique, ni avec l’avènement du nouveau millénaire : en 2013, le milliardaire s’est rendu à Moscou à l’occasion du concours de Miss Univers. Il espérait y retrouver Vladimir Poutine. Mais, selon The Washington Post , le jour-J, le président russe se serait éclipsé, laissant un mot et un cadeau d’excuse. Un rendez-vous manqué qui n’aurait pas empêché Trump de récolter quatorze milliards de dollars de financement de la part d’oligarques russes.

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Une inflexion inédite dans la politique étrangère du parti républicain

Les partisans de Trump sont également soupçonnés d’avoir travaillé en coulisses sur la plateforme de réformes proposée par le parti républicain à l’occasion de la présidentielle. Contrairement à la politique générale du parti, qui soutient le déploiement d’armes américaines en Ukraine depuis l’attaque russe du pays, les équipes du candidat auraient veillé à ce qu’aucune proposition soutenant leur envoi ne soit adoptée . Un lobbying en faveur de Moscou qui devient suspicieux en examinant le profil de certaines personnes du staff de Trump : parmi eux, Paul Manafort, responsable de sa campagne, a travaillé pendant un an en tant que lobbyiste pour Viktor Ianoukovitch , l’ancien président ukrainien soutenu par Moscou. "Paul Manafort est ce que l’on pourrait appeler un ‘vieux de la vieille’ du parti républicain, commente la politologue. Il est l’un de leurs plus vieux stratèges, mais a aussi travaillé depuis longtemps en Ukraine et n’a jamais été du côté pro-occidental. Il était présent autant pendant la Révolution Orange, en 2004, que pendant les évènements de la place Maïdan, en 2014. On ignore quand il a cessé de travailler là-bas. On ignore même s’il a cessé d’y travailler."

Donald Trump souhaite également ménager la Russie pour en faire un allié militaire. Selon lui, elle pourrait même être un allié déterminant dans la lutte contre Daech : "Quand on y pense, cela ne serait-il pas bien de s’entendre avec la Russie, de s’allier avec eux et de détruire l’état islamique?" a-t-il déclaré samedi sur ABC. Une nouvelle affirmation du candidat républicain est d’autant plus troublante que son parti n’a jamais été russophile. Le mandat de Ronald Reagan, principal modèle politique du milliardaire, a signé l’un des moments les plus tendus de la Guerre froide entre les deux pays. "Comme tous les républicains, il cherche à s’inscrire dans la tradition de Ronald Reagan, explique Nicole Bacharan. Selon le prisme du parti, il est vraiment celui qui a gagné la Guerre froide. Mais c’est bien là la preuve du paradoxe de la politique pro-russe de Trump : elle conduirait à un démantèlement de tout ce qui a conduit à l’hégémonie américaine depuis ce moment-là." Lors de la campagne présidentielle de 2012, le candidat républicain de l’époque, Mitt Romney, avait même placé la Russie en numéro un de sa liste de menaces contre les Etats-Unis.

Source: leJDD.fr

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