Emmanuel Macron : «Oui, la politique peut encore changer la vie»

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    Emmanuel Macron : «Oui, la politique peut encore changer la vie»
Publié le , mis à jour
Interview par Jean-Claude Souléry

Depuis les attentats de juillet, on vous entend moins. Est-ce par discipline gouvernementale ? Ou bien vous estimez-vous moins légitime que d'autres sur le «domaine régalien» ?

Ce n'est pas une question de légitimité, parce que tout citoyen est libre d'avoir une pensée sur ces sujets qui touchent notre société et notre République. Comme citoyen, j'ai eu des réactions d'émotion et de solidarité. Comme ministre, j'ai rendu hommage aux forces de l'ordre, aux bénévoles, aux associations qui ont eu un rôle exemplaire. J'ai également pris plusieurs mesures d'urgence sur le plan économique. Dans cette période, il me semble indispensable qu'il y ait d'abord une vraie décence, et la réaffirmation d'une détermination implacable – c'est d'ailleurs ce que le gouvernement a rappelé et ce à quoi Bernard Cazeneuve s'emploie, sous l'autorité du Président et du Premier ministre. Ces moments-là ne sont pas propices au commentaire politique. Nous avons vu tous les débats, les bons comme les mauvais, s'épanouir dans l'émotion, avec parfois beaucoup d'amalgames. En tant que responsable politique, je suis pour ma part attaché à l'efficacité. En tant que ministre de l'Economie, j'estime en l'occurrence que la parole doit être réservée à ceux qui peuvent agir : le Président, le Premier ministre, le ministre de l'Intérieur. Enfin, je formulerai pour ma part des propositions sur ces sujets dans les prochaines semaines quand le débat sera apaisé.

Pourtant, ce climat anxiogène pèse sur votre domaine de compétence, l'économie. Je pense notamment au tourisme.

Oui, les récents événements ont un impact sur notre économie. Et notamment sur le tourisme. Les pouvoirs publics se mobilisent pour soutenir ce secteur. Je me suis rendu à Nice quelques jours après les attentats, pour réunir les professionnels du tourisme, de l'hôtellerie, de la restauration et du petit commerce, pour annoncer des mesures d'accompagnement et mettre en place un dispositif de suivi avec l'ensemble des collectivités locales et les services de l'État.

Un an après l'adoption de la fameuse loi «croissance activité», quel bilan en tirez-vous ? De quoi êtes-vous le plus satisfait ? Que reste-t-il à faire ?

La première chose dont je me satisfais, c'est que nous avons tenu nos engagements en termes de méthode. Un an après, la quasi-totalité de la loi est en application : 60 % de cette loi était directement applicable, donc en vigueur depuis un an, et les 40 % restants nécessitaient des décrets qui ont quasiment tous été pris. Cela peut sembler élémentaire, mais c'est en réalité assez rare. L'insatisfaction démocratique de beaucoup de nos concitoyens vient du fait qu'ils entendent des annonces, mais qu'il y a souvent derrière peu de suivi et une application incertaine des textes. Cette loi est un exemple de ce vers quoi nous devons aller en matière de «bon gouvernement».

La seconde chose dont je me satisfais, c'est que cette loi porte une série de mesures très concrètes qui ont commencé à changer le quotidien des Français. Voilà l'idée que je me fais de l'action publique. Quand on améliore la couverture de notre territoire en réseau mobile et en très haut débit, quand on réduit de 98 à 68 jours le délai d'attente pour repasser le permis de conduire, quand on recrée de la mobilité, en particulier pour celles et ceux qui ont le moins de moyens – je pense aux 3,8 millions de Français qui ont pris l'autocar depuis l'entrée en vigueur de la loi –, quand on facilite l'accès à certaines professions du droit, quand on lutte contre les déserts notariaux, quand on baisse les tarifs sur les petits actes, la cession de petites parcelles, de caves, de forêts, quand on simplifie les règles de l'ouverture du dimanche en créant des compensations, notamment pour ceux qui travaillent, je crois qu'on est plus efficace pour l'économie, plus juste pour la société. Cette loi prouve que la politique peut encore changer la vie.

En corollaire, il y a l'emploi industriel en zone rurale qui est le thème de votre déplacement dans le Lot et en Aveyron. Comment redonner plus généralement un véritable espoir au pays ?

Comme tous les autres défis, le défi de l'emploi industriel en zone rurale nécessite d'abord et avant tout de la mobilisation. Une triple mobilisation, plus précisément. La mobilisation des entrepreneurs, d'abord, qui ont envie de faire et qui montrent qu'il n'y a pas de fatalité. Ensuite, il faut une mobilisation des pouvoirs publics : l'Etat et les collectivités doivent soutenir, accompagner, apporter des aides.

Enfin, le politique a une responsabilité plus large : redonner du sens à l'action collective, et redonner le goût de l'avenir. Nous évoquions tout à l'heure les attentats : la principale réponse à donner est évidemment sécuritaire. Mais, au-delà de cet aspect, l'enjeu est de redonner un cap à nos concitoyens, d'offrir un projet politique mobilisateur, et d'expliquer ce vers quoi l'on veut aller. C'est la condition pour rebâtir un destin collectif.

Toulouse-Blagnac a essuyé les plâtres avec l'ouverture du capital de l'aéroport. Entre les actionnaires chinois et l'ensemble des collectivités locales, on n'est pas toujours sur la même longueur d'onde. Les Chinois sont-ils de bons partenaires ?

L'ouverture du capital de l'aéroport de Toulouse a été décidée début 2014 par mon prédécesseur Arnaud Montebourg. J'ai toujours appuyé ce choix stratégique. C'était une bonne chose de libérer de l'argent pour le réinvestir dans d'autres secteurs de l'économie, comme on l'a fait dans l'automobile pour sauver PSA, comme on le fera dans le nucléaire pour Areva-EDF.

Par ailleurs, il faut veiller à avoir une position cohérente, et une vision d'ensemble. Les Chinois qui sont entrés au capital de l'aéroport sont les mêmes que ceux qui viennent de passer commande pour des dizaines d'Airbus. On ne peut pas penser que les Chinois ne sont pas les bienvenus alors qu'ils représentent près du tiers des commandes, donc de l'emploi pour des milliers de femmes et hommes sur notre territoire.

J'ai obtenu des concessions de nos partenaires chinois sur plusieurs sujets, notamment celle qui consiste à donner des droits de gouvernance aux actionnaires minoritaires sur des choix d'investissements stratégiques. Je suis vigilant sur le respect par les Chinois de ces engagements.

Il y a beaucoup de débats au niveau local. Je tiendrai une réunion fin août sur le sujet. J'ai déjà échangé avec les responsables des collectivités territoriales, de la CCI, j'ai bien entendu l'appel du maire de Toulouse : l'État prendra ses responsabilités pour aller de l'avant. L'obstruction permanente n'est pas une solution.

Et puis je veux rassurer tous vos lecteurs : il n'y a pas de grandes chances qu'on délocalise l'aéroport de Toulouse !

Où en est le mouvement «En Marche !» ? Vous gardez le silence jusqu'en septembre. Pourtant, les responsables politiques de la droite ou les entourages de certains responsables de la gauche ne vous ménagent pas. Trouvez-vous la vie politique trop brutale ?

Le mouvement que j'ai lancé le 6 avril a reçu plusieurs soutiens politiques, d'élus, de personnalités de la société civile. Il compte aujourd'hui près de 60 000 adhérents. L'objectif est de regrouper les femmes et les hommes qui partagent les mêmes valeurs, non pas dans des jeux d'appareils, mais derrière la conviction que nous pouvons construire le nouveau consensus progressiste dont la France a besoin pour avancer. Face aux grands défis que sont la transformation économique, la sécurité, l'Europe, la lutte contre les inégalités, les clivages traditionnels et historiques ne sont plus pertinents. Le clivage ne se situe plus entre gauche et droite, mais entre progressistes et conservateurs.

La première action que nous menons, c'est la conduite d'un grand diagnostic du pays. On ne peut construire une offre politique crédible que sur un diagnostic partagé, et non sur un jeu d'ego. C'est ce travail qui a été fait par la «Grande Marche», qui vient de s'achever : 100 000 contacts ont été conduits avec les Français dans le pays, qui ont permis de remplir 25 000 questionnaires détaillés. C'est ce travail que je fais moi-même, à travers mes déplacements, en me plongeant dans le pays, en écoutant, en venant chez vous. Je rendrai compte de ce diagnostic à la fin de l'été.

Sur cette base-là nous construirons un «plan de transformation» clair et transparent pour le pays – et non un «programme» qui vise à traiter des clientèles, à bâtir des compromis imparfaits. Celles et ceux qui se nourrissent des petites divisions voient cela d'un mauvais œil. Je les laisse à leur rancœur. L'objectif premier de cette démarche, c'est de servir son pays, et non de défendre son parti. Qu'elle déclenche des réactions moqueuses ou critiques, c'est plutôt le signe à mon avis que nous sommes en train de commencer à atteindre notre objectif : changer les choses.

Enfin, je ne quitte jamais une bienveillance à laquelle je crois. Quand les gens n'arrivent plus à convaincre, ou quand ils n'ont plus d'idées, ils préfèrent dire du mal des autres. Je préfère continuer le travail pour mon pays.

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Les commentaires (23)
tetard12 Il y a 7 années Le 09/08/2016 à 18:35

Changer la vie... la sienne?
Et finir, si c'est encore possible de pourrir la notre?

Il y a 7 années Le 08/08/2016 à 21:07

C'est bête de gâcher un crédit pour un article encore en ligne après 4 jours !.....

Baillergeau Il y a 7 années Le 04/08/2016 à 16:52

Dans un moment de calme avant la tempête d'automne, Macron redit ce qu'il a déjà dit - sauf à la toute fin où il parle de "bienveillance" - un mot inhabituel chez les politiques qui ne croient pas à la force décisive de ceux qui se font faibles - Qu'il gagne ou qu'il perde, il aura fait le job de la meilleure façon.