Surveiller les surveillants : la liste des boîtes qui nous espionnent

Surveiller les surveillants : la liste des boîtes qui nous espionnent

La France est au 3e rang en nombre d’entreprises vendant des technologies de surveillance, selon la base de données de Privacy International.

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Ils vendent ces technologies qui permettent de surveiller les autres, mais qui sont-ils, eux  ? Pour faciliter la réponse à cette question, l’association Privacy International vient de mettre en ligne une base de données, Surveillance Industry Index (SII).

Elle répertorie un demi-millier d’entreprises (528) dans le monde et leurs produits (écoutes, Deep Packet Inspection – DPI, pour inspection des contenus sur un réseau –, Imsi-catchers etc.), en compilant les infos à partir de sources ouvertes (brochures, salons professionnels, sites web, données gouvernementales...) sur  :

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  • leurs technologies ;
  • leurs exportations ;
  • leurs clients.

On peut faire une recherche par entreprise, ville, type de produit, salon commercial, etc. Edin Omanovic, responsable de la recherche de l’ONG, explique à Motherboard vouloir donner aux militants, chercheurs, journalistes et responsables politiques «  une meilleure compréhension de quels sortes de produits il y a, et à quoi ressemble réellement l’industrie  ». Notamment lorsqu’il s’agit de ventes d’équipements de surveillance à des régimes autoritaires.

Parcours laser au Spy Museum de Berlin
Parcours laser au Spy Museum de Berlin - Scontrofrontale/Wikimedia Commons/CC

Les entreprises listées, observe Privacy International, sont fortement installées dans les principaux pays exportateurs d’armes. Les cinq pays arrivant en tête dans SII sont  :

  • les Etats-Unis, 127 entreprises ;
  • la Grande-Bretagne, 104 entreprises ;
  • la France, 46 entreprises (on retrouve des chouchous du site Reflets, comme Amesyspiratée il y a un an –, accusée d’avoir vendu un système de surveillance à Kadhafi, Qosmos, qui vantait « l’interception pour tout un pays », etc.) ;
  • l’Allemagne, 42 entreprises ;
  • Israël, 27 entreprises ;
  • Italie, 18 entreprises.

87% de ces compagnies se trouvent dans des pays membres de l’OCDE et 75% dans des pays adhérant à l’Otan.

Une première version de cette base de données avait été publiée en 2013, mais en raison de bugs l’ONG avait préféré la retirer.

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Beaucoup d’entreprises créées fin XXe-début XXIe siècle

Vers la fin des années 1990-début années 2000, on relève un pic dans les créations d’entreprises spécialisées dans les technologies de surveillance.

Crations par anne d'entreprises de technologies de surveillance
Créations par année d’entreprises de technologies de surveillance - Privacy International

C’est un des points qui ressortent du rapport que vient également de publier Privacy International sur les industries de surveillance dans le monde («  The Global Surveillance Industry  »). Il analyse en particulier ce secteur aux Etats-Unis, en Angleterre, en Allemagne, en Italie et en Israël, ainsi que 152 cas de technos de surveillance vendues au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

Des lois impuissantes

L’ONG présente le développement de cette industrie depuis les années 1970, quand du matériel d’écoute était vendu par des pays occidentaux et utilisés par des régimes autoritaires. En 1995, elle avait déjà publié un rapport sur le sujet, au titre éloquent  : «  Big Brother Incorporated  ».

Privacy International souligne cette fois que les technos de surveillance ne datent évidemment pas d’hier, mais que « la diffusion d’Internet et des nouveaux moyens de communication a cependant augmenté les niveaux d’intrusion de la surveillance et son pouvoir. La capacité de suivre des nations et des groupes entiers de façon massive pose des questions nouvelles et plus graves de droits de l’homme ».

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Le rapport estime que les réformes des lois sur la surveillance, issues des révélations d’Edward Snowden, « montrent combien même dans des systèmes politiques avec des contrepouvoirs significatifs, les capacités de surveillance ont débordé la capacité des lois à les réguler effectivement ».

L’ONG note que la plupart de ces technos sont vendues par des pays développés, et appelle à développer d’urgence des restrictions à l’exportation, en imposant des critères de responsabilité sociale. Sous peine de continuer à miner les droits de l’homme et les possibilités de démocratisation des régimes autoritaires.

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