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Lutter contre les commentaires racistes en les affichant en « une » de son journal

Un article sur la mort d’un adolescent d’origine marocaine a engendré des centaines de commentaires haineux. Le journal flamand « De Morgen » a choisi de les reproduire.

Publié le 04 août 2016 à 17h57, modifié le 05 août 2016 à 06h37 Temps de Lecture 3 min.

La « une » du journal libéral « De Morgen » du 3 août, qui titre sur le « racisme sans honte » en réaction aux insultes racistes contre un jeune Belge décédé au Maroc.

L’histoire aurait pu n’être qu’un triste fait divers. Elle est en passe de devenir un symbole dans l’éternel débat autour de la liberté d’expression sur les réseaux sociaux, et les recours, juridiques ou symboliques, qui existent face à la haine, à la méchanceté et à l’horreur en ligne.

Ramzi Mohammad Kaddouri, 15 ans, habitait à Limburg (Belgique), en Flandre. Pendant ses vacances au Maroc, l’adolescent de nationalité belge et d’origine marocaine a trouvé la mort, le 30 juillet, dans un accident de quad. Le journal De Morgen a relayé la triste nouvelle. A la suite de quoi, des centaines de commentaires racistes ont été publiés sur les réseaux sociaux sous l’article qui a par ailleurs été repris, sur Facebook, par la page d’un groupuscule d’extrême droite, la Ligue de défense flamande (le post a été supprimé depuis).

Dans son édition du 3 août, De Morgen a décidé de faire sa « une » avec ces commentaires écrits sur fond noir, sous le titre : « Racisme éhonté ». L’hebdomadaire Courrier international a traduit certains des messages auxquels ont eu droit les modérateurs du journal flamand, sans citer les noms de auteurs :

  • « Si ça c’est un Flamand, je suis saint Nicolas » ;
  • « Malheureusement, la plupart des Flamands ressemblent désormais à ça, avec leur face de singe » ;
  • « LOL, c’était un attentat-suicide ? »

Tine Peeters, une journaliste de De Morgen, a écrit une tribune pour dénoncer le comportement de ces lecteurs, ce déferlement de haine décomplexé directement lié aux « attentats, à la crise des réfugiés et à la stagnation économique [qui] attisent visiblement la peur et font disparaître toute honte ». Ce jeune homme, décrit comme « charmant et engagé », est « mort deux fois (...). D’abord , il a eu l’accident sur un quad au Maroc. Il a ensuite été tué sur Facebook et Twitter », estime Mme Peeters.

Plutôt qu’ignorer, effacer ou censurer, la rédaction de De Morgen a voulu montrer, dénoncer et faire en sorte que tout le monde lise ces posts. Cette initiative aura eu le mérite d’ouvrir un débat politique. Mme Peeters doute toutefois que ceux qui ont participé à ce lynchage numérique éprouvent la moindre honte ; certains « n’ont même pas pris la peine de se cacher derrière de faux noms », rappelle-t-elle.

Condamnations un peu trop unanimes

La classe politique flamande a unanimement condamné ces messages. Le ministre belge des médias, Sven Gatz (Open-VLD, libéral), condamne le « racisme maladif » de ces internautes, et plusieurs membres du parti nationaliste NV-A, le mieux représenté à la Chambre des représentants, ont constaté, à l’instar du ministre-président flamand, Geert Bourgeois, « qu’il y a encore beaucoup de travail pour parvenir à une citoyenneté partagée et à une société inclusive ».

Des réactions rapides et unanimes, qui cachent un problème plus profond dans la classe politique flamande, selon Tine Peeters :

« Ils se bousculaient pour condamner les discours de haine, c’en était presque pathétique. S’ils pensent vraiment ce qu’ils disent, voici ce qu’ils doivent faire. Ils doivent faire leur examen de conscience et se demander si les mots qu’ils ont prononcés ces derniers mois n’ont pas repoussé la limite de ce que l’on considère comme autorisé à dire publiquement. »

Le service public de lutte contre la discrimination et de promotion de l’égalité des chances (UNIA), qui intente depuis plusieurs mois une action en justice contre la Ligue de défense flamande, a annoncé que « l’affaire Ramzi » serait ajoutée au dossier. Selon plusieurs médias, le groupe vient de recevoir une incitation à comparaître du parquet d’Anvers à la suite de la plainte déposée en 2015 par l’UNIA pour « incitation à la haine, à la violence et à la discrimination ».

Le sujet remet aussi sur la table le rôle de modération que doivent jouer les compagnies américaines comme Facebook, Twitter, YouTube ou Microsoft : des questions primordiales maintenant que chaque citoyen peut être connecté quasi en permanence.

Lire : Article réservé à nos abonnés Comment lutter contre la cyber-haine ?

Le 31 mai, ces entreprises ont signé avec la Commission européenne un « code de conduite » contre la haine en ligne, toutefois fort peu contraignant, dans lequel elles s’engagent à examiner, en moins de vingt-quatre heures, « la majorité des signalements valides » rapportés par les internautes et à « supprimer ou rendre inaccessibles » les propos haineux illégaux. Quelques semaines avant, plusieurs organisations non gouvernementales françaises, comme SOS-Racisme ou l’Union des étudiants juifs de France, s’étaient plaintes des failles de surveillance des réseaux sociaux concernant les contenus haineux.

Au niveau européen, un texte, adopté en novembre 2008, oblige les Etats à condamner pénalement les auteurs de propos racistes et xénophobes. Internet n’y est pas mentionné une fois.

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