[Revue de presse initialement publiée le 5 août 2016] “Les soldats de l’armée sud-soudanaise et les combattants issus des rangs de l’opposition ont violé des centaines de femmes et de jeunes filles pendant les affrontements de juillet dans la capitale Juba, ont alerté le jeudi 4 août les Nations unies. La plus jeune nation du monde est au bord de l’effondrement politique, si ce n’est d’une nouvelle guerre civile”, s’alarme le Wall Street Journal.

La flambée de violence qui s’est emparée du pays dans la soirée du 7 juillet s’est amplifiée jusqu’au 11 juillet, faisant plusieurs centaines de morts, alors que des milliers d’habitants ont fui Juba. Une trêve a été décrétée le 12 mais, près d’un mois plus tard, le retour au calme reste précaire.

Le conflit oppose l’armée loyale au président Salva Kiir, issu de l’ethnie Dinka, et les rebelles partisans de l’ancien vice-président et leader de l’opposition, Riek Machar, issu de l’ethnie Nuer. Et, d’après Zeid Ra’ad Al Hussein, le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme cité par le journal américain, “les premières investigations sur ces hostilités montrent que les civils sont attaqués sur la base de leur appartenance tribale et que le viol fait office d’arme de guerre, notamment du côté de l’armée”.

Même ton alarmant dans le New York Times, qui publie les témoignages recueillis début août auprès de personnes déplacées dans un vaste camp situé dans les faubourgs de la capitale. En titre, le journal constate que “les femmes sont confrontées à un choix douloureux, entre famine et risque de viol”. Une jeune femme raconte qu’une fois à court de nourriture, elle a dû s’aventurer en dehors de l’enceinte du camp pour gagner le marché. Elle s’en est sortie indemne, mais “des dizaines de femmes ont été violées ces dernières semaines par des soldats des forces gouvernementales alors qu’elles faisaient le même trajet”.

L’entente n’a pas duré

Le Soudan du Sud est né en juillet 2011, de la partition du Soudan entre le Sud à majorité chrétienne et le Nord musulman. Cette partition a mis un terme à des décennies de guerre qui ont fait des milliers de morts. Dès décembre 2013, le pays a sombré dans une guerre civile opposant le président Salva Kiir à son vice-président Riek Machar. Comme le rappelle le quotidien américain :

Cette guerre [2013-2015] a fait près de 30 000 réfugiés dans des camps installés par les Nations unies, et des milliers de morts. Les combattants des deux camps ont commis des atrocités et des abus à grande échelle”.


En août 2015, un accord de paix a été signé entre les belligérants à Addis-Abeba (Ethiopie), suivi de plusieurs cessez-le-feu jamais respectés. Toutefois, c’est conformément à cet accord que Riek Machar, chef de la rébellion sud-soudanaise, est revenu le 26 avril à Juba en acceptant de reprendre son poste de vice-président auprès de son rival Salva Kiir et de former un gouvernement d’union nationale de transition. Une entente qui n’a pas duré.

Le 7 juillet, les combats reprennent dans la capitale entre les deux camps, faisant des centaines de morts. “La résidence de Machar est détruite, et il fuit la capitale en demandant un renforcement des effectifs de maintien de la paix déployés dans le pays [la mission de l’ONU au Soudan du Sud, Minuss]. Ce à quoi Kiir rétorque que les 12 000 casques bleus déjà présents sont plus que suffisants”, poursuit le New York Times.

Pendant ce temps, ajoute le Sudan Tribune, “le nouveau vice-président, Taban Deng Gai a déclaré que les réformes de l’appareil sécuritaire, prévues dans l’accord de paix d’août 2015, sont toujours à l’ordre du jour, tout en souhaitant accélérer la réunification des forces rivales au sein de l’armée régulière”.

Démilitariser la capitale Juba

Taban Deng Gai, ancien ministre des Mines dans le gouvernement d’union nationale de transition, est une figure puissante dans le pays. Ancien commandant dans la guerre d’indépendance contre Khartoum et ex-gouverneur de l’état d’Unité, il avait été le principal négociateur au nom des rebelles du camp de Machar pour l’accord de paix d’août 2015. Membre du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM) et de sa branche armée (SPLA), il était toutefois de plus en plus en désaccord avec son mentor Riek Machar. Bénéficiant du soutien d’une centaine de cadres de son mouvement, il a changé de camp et a pris ses fonctions de vice-président auprès de Salva Kiir le 28 juillet.

“Selon l’accord de paix d’Addis-Abeba, la capitale Juba aurait dû être démilitarisée avant même la formation du gouvernement d’union nationale de transition. Un processus qui n’a toujours pas commencé, et des milliers de soldats des troupes gouvernementales sont toujours présents à Juba”, rappelle le Sudan Tribune.