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Pas de pause estivale pour l'homophobie

Alors que les associations enregistrent une recrudescence des rejets de jeunes homos par leur famille en juillet, la violence homophobe persiste en France sans que les pouvoirs publics ne réagissent.
par Florian Bardou
publié le 5 août 2016 à 11h57

Le 1er août 2003, Jean-Pierre Humblot, patron d'un restaurant de Nancy, était sauvagement agressé avant d'être jeté dans un canal de la cité lorraine. Les motivations de ce crime ? Son homosexualité et son excentricité, assumées. C'était en plein été, dans la continuité d'une vague d'agressions par un groupe de mineurs dans des lieux de drague gay.

Treize ans plus tard, malgré le mariage et l'adoption pour tous, malgré une bien plus grande acceptation des personnes lesbiennes, gays, bis et trans dans de nombreux secteurs de la société, malgré la reconnaissance accrue et l'affirmation des cultures queers, l'homophobie et la transphobie persistent. Comme un mal enraciné, qui ruine d'abord les vies des plus précaires et des plus vulnérables, à l'intersection des discriminations : les bi.e.s, les homos musulmans ou les femmes transgenres «racisées».

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Dans la torpeur médiatique de l'été, la violence homophobe ne s'est pas mise en sommeil. Dans les derniers jours du printemps, le 12 juin, elle a d'abord sauvagement frappé un club gay latino d'Orlando en Floride. Au total, on compte 49 victimes gays, bis, lesbiennes, transgenres et même hétérosexuelles, dont le sort hante encore la communauté LGBT. Jeudi, un jeune Syrien homosexuel était retrouvé décapité et le corps mutilé dans un district «islamo-conservateur» d'Istanbul, quelques jours après la très violente agression d'un couple homo britannique à la sortie d'une boîte gay de l'île de Mykonos, réputée «friendly».

En France, depuis le début de l'année, elle pousse à la rue des fils ou des filles, rejetés par leur famille du seul fait d'être ce qu'ils ou elles sont. «C'est la première fois que tous nos lieux d'hébergement sont complets partout au mois de juillet, s'inquiétait jeudi auprès de Libération Nicolas Noguier, le président de l'association Le Refuge. En général, l'été est plus calme. Mais cette année ce n'est pas le cas.»

Dans la rue, sur les réseaux sociaux, dans certaines homélies qui n'ont pourtant rien à voir, elle surgit perfidement pour humilier, blesser, rabrouer voire réduire au silence. Que ce soit trois policiers en civils énervés qui lancent sans raison des «pédés» à un jeune couple gay parisien sidéré, que ce soit des internautes qui, le soir de l'attentat de Nice, sondent Twitter pour savoir si le camion meurtrier n'aurait pas dû, plutôt, foncer sur la foule de la Gay Pride ou, que ce soit le cardinal André Vingt-Trois qui profite de la messe en hommage au père Hamel à Notre-Dame devant François Hollande, Manuel Valls, Nicolas Sarkozy et Valéry Giscard d'Estaing pour dénoncer le «silence des élites devant les déviances des mœurs et la légalisation de ces déviances».

A ce sujet, aucune condamnation au plus haut sommet de l’Etat. On laisse dire et on laisse faire : la plupart du temps en toute impunité. Or, malheureusement, l’homophobie ne prend pas de pause estivale. Et à la rentrée, rien n’aura changé.

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